Rome: Le Vatican fait le point sur l’inquisition à travers un ouvrage
Rome, 15 juin 2004 (Apic) La demande de pardon pour les fautes de l’Inquisition doit s’appuyer sur les travaux des historiens. C’est ce qu’a écrit Jean Paul II dans une lettre lue lors de la conférence de presse organisée au Vatican pour la présentation du livre « L’Inquisition », le 15 juin 2004. Selon les historiens, seul 1% sur les 125’000 procès d’inquisition menés en Espagne aurait débouché sur la peine de mort.
Ce volume contient les actes du colloque international organisé par la Commission théologique et historique du Comité central du grand jubilé de l’an 2000, qui s’est tenu à huit-clos à Rome du 20 au 31 octobre 1998. Les cardinaux Roger Etchegaray, qui fut en charge de l’organisation du Jubilé, Jean-Louis Tauran, bibliothécaire et archiviste du Saint-Siège, et Georges Cottier, théologien de la Maison pontificale, ont participé à cette conférence de presse.
L’ouvrage, présenté par le professeur Agostino Borromeo, offre les textes de 31 spécialistes, dont six Français, de toutes nationalités, religions et idéologies. Comme le rappelle le cardinal Etchegaray dans son introduction, le livre répond avant tout à un travail scientifique sur le phénomène historique qu’est l’Inquisition. « C’est un choix délibéré que d’avoir traité de l’histoire de l’institution ». « Le colloque n’est pas exhaustif », a-t-il écrit. « Plus que l’argument général de la répression de l’hérésie, les chercheurs, à partir de l’étude des sources archivistiques, ont traité de l’organisation des tribunaux de l’Inquisition, de leurs méthodes de travail, de leurs procédures », a expliqué le cardinal.
« Chasse aux sorcières »: 25’000 morts en Allemagne
Les chercheurs, qui ont travaillé pour ce colloque à partir des archives nationales de l’Inquisition et des archives romaines ouvertes en 1998, ont tenté de répondre à de nombreuses interrogations, entre autres, celle de l’usage de la torture, celle du nombre de condamnés à mort pour hérésie et sorcellerie. Si les chiffres divergent d’un lieu à l’autre et selon les périodes (du 13e au 19e siècle), il semble que l’Inquisition ait moins tué que selon la légende. Sur 125’000 procès en Espagne, 1% aurait débouché sur la peine capitale. Quant à « la chasse aux sorcières », elle aurait fait en deux siècles environ 4’000 morts en France et 25’000 en Allemagne.
Abordant la question de la censure qui était menée par l’Inquisition romaine, le cardinal Jean-Louis Tauran, bibliothécaire et archiviste du Saint-Siège, a souligné que plusieurs milliers d’ouvrages autrefois prohibés par l’Eglise, avaient été déposés par le Saint-Office à la Bibliothèque vaticane.
L’inquisition, symbole de l’anti-témoignage et du scandale
« Dans l’opinion publique, l’image de l’Inquisition est le symbole de l’anti-témoignage de la foi et du scandale », a souligné le pape dans son message avant de se demander « dans quelle mesure cette image est fidèle à la réalité ». « Au préalable de toute demande de pardon, il est nécessaire d’avoir une connaissance exacte des faits et de relever les manques par rapport à l’exigence évangélique, là où ils se trouvent effectivement. C’est pourquoi le Comité s’est tourné vers les historiens », a-t-il expliqué.
« L’importante contribution des historiens est une invitation pour les théologiens à réfléchir sur les conditions de vie des chrétiens au cours de l’histoire », a poursuivi le souverain pontife. « Une distinction guidera la réflexion critique des théologiens : la différenciation entre le sens authentique des actes de certains fidèles et la mentalité dominante d’une époque donnée, qui a pu peser sur leurs actes. C’est au ’sensus fidei’ qu’il convient de demander les critères d’un jugement sur le passé de l’Eglise », a conclu Jean Paul II.
Ce symposium sur l’Inquisition avait été organisé à la suite de la demande du pape, dans sa Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, en 1994, en vue du jubilé de l’an 2000, pour une « purification de la mémoire » de l’Eglise. Le 12 mars 2000, Jean-Paul II a ainsi prononcé une demande de pardon officielle pour les fautes de l’Eglise catholique : l’intolérance durant les guerres de religion, les injustices pendant les croisades, les méthodes de coercition utilisées par l’Inquisition ou encore les persécutions. Cette initiative ne fut pas toujours comprise par toute l’Eglise, comme l’a rappelé le cardinal George Cottier, devant les journalistes.
Considérer les faits véridiques et non l’opinion publique
Pour le cardinal Cottier, en effet, « une demande de pardon ne peut regarder que les faits véridiques et objectivement reconnus. On ne demande pas pardon pour quelques images répandues dans l’opinion publique, qui relèvent plus du mythe que de la réalité. Ce n’est pas pour rien que la Commission s’est qualifiée d’historique et théologique. La contribution des historiens était, de fait, indispensable », pour éclairer le « scandale » de l’Inquisition. Le cardinal suisse a aussi insisté sur le fait que « les progrès des temps modernes ont permis une prise de conscience de l’histoire en tant que science. L’approche scientifique du passé n’a pas toujours existé. Aujourd’hui, la garantie de la vérité passe par la méthode scientifique des historiens ».
« Jean Paul II nous apprend à n’avoir peur de personne, ni de rien et encore moins de la vérité », a pour sa part déclaré le cardinal Etchegaray, soulignant que tout le pontificat du pape, et en particulier le Jubilé de l’An 2000, étaient tournés vers cette question du pardon. « Le pape applique le Concile Vatican II et sa Constitution Dignitatis Humanae: ’la vérité ne s’impose pas par la force mais parce qu’elle est vérité, elle-même « , a conclu le cardinal français. (apic/imedia/bb)
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