Comment les écoles catholiques se coltinent ces problèmes

Suisse: Vêtements provocants, drogue, discipline

Valérie Bory, Apic

Fribourg, 25 juin 2004 (Apic) Ventre à l’air, décolletés plongeants, pantalon aux hanches, les écoles publiques ont fort à faire avec la discipline. Les parents parfois s’en mêlent et défendent leur progéniture au nom de la « liberté ». Dur d’être à la fois « cool » et cohérent. Dans les collèges catholiques, tout en invoquant le respect mutuel, on peut exclure un jeune au comportement inadéquat. Enquête dans quatre collèges religieux.

Nombril à l’air, décolletés plongeants, pantalon taille basse laissant apparaître slip ou string, piercing, bijoux à chaînes et à clous, les directeurs d’établissement scolaires publics sont débordés. Les « circulaires » aux parents sont plus ou moins bien reçues du côté de ces derniers, qui revendiquent la « liberté » pour leurs rejetons.

Dans les collèges catholiques, on se sent plus libre de renvoyer une ou un élève à la maison se changer, voire d’exclure un jeune qui pose problème par des comportements jugés provocateurs.

Après d’autres collèges de Romandie, les écoles publiques secondaires de La Chaux-de-Fonds viennent de diffuser des directives, « volontairement générales », « après un processus de deux ans », pour préciser les limites entre la décence et l’incorrect, expliquait début juin Catherine Margairaz, directrice des écoles secondaires de la métropole horlogère. Une pétition « contre » a immédiatement circulé au Collège Numa-Droz de La Chaux-de-Fonds.

Comment règle-t-on ces problèmes liés à des tenues ou de comportements provocants, à la veille des vacances d’été, dans quatre grandes écoles catholiques? Et question plus grave, comment les directeurs se coltinent- ils avec les élèves qui fument du cannabis ou du haschich, alors que le Parlement vient de refuser l’entrée en matière sur la dépénalisation du cannabis, à la session d’été?

L’Apic l’a demandé à la direction de l’Institut Mont Olivet et à Champittet à Lausanne, au Collège de St-Maurice en Valais, à la fois collège public et un collège religieux, et à l’Institut Florimont à Genève.

Collège Champittet à Lausanne: fermeté

Le collège catholique de Champittet, un statut reconnu par l’Evéché, mixte, compte 720 élèves et couvre le cursus scolaire du jardin d’enfants à la maturité suisse et au bac français.

Pour son directeur, Christian Fluhr, le règlement du collège, qui précise que les vêtements doivent être corrects et décents « ne suffit absolument pas aujourd’hui, avec l’apparition des jeans taille basse, des strings qui dépassent, des piercings, des nombrils à l’air, etc ».

La direction planchera pendant l’été sur de nouvelles règles pour la rentrée. Le discours des promotions du 25 juin a été en partie consacré au sujet, afin de préparer les parents à un durcissement de ton sur la question vestimentaire. Aujourd’hui, les élèves dont les tenues sont inadéquates sont renvoyés chez eux, y compris ceux qui arborent des cheveux teints en couleur. « Cela veut dire chaînes sur un jeans, et même lacets blancs sur rangers noires, qui signifient supériorité de la race blanche sur la noire, entre autres codes ». « On se rend compte », poursuit Christian Fluhr, « qu’on est obligés de réglementer jusque dans les détails pour éviter qu’ils ne tentent leur chance chaque fois un peu plus loin ». Le directeur l’explique par un phénomène de mode et par la tendance à repousser les limites toujours un peu plus loin ». Il ajoute qu’il n’y a pas ce problème avec les étudiants plus grands du gymnase, qui reste davantage confiné aux 13-15 ans.

Tests d’urine à l’école pour dépister la drogue

Pour la drogue, précise-t-il « on est très clairs ». Séances de prévention et dépistage, y compris des tests d’urine régulièrement faits au collège. En cas de test positif, l’élève est convoqué devant un Conseil de médiation et on en reste là « si c’est occasionnel ». Il est demandé aux parents d’opérer un suivi avec des gens compétents. L’élève n’a pas de deuxième chance: il est renvoyé. Quelques renvois ont déjà eu lieu cette année. Et on ne badine pas avec un élève qui trafique. Il est renvoyé séance tenante et dénoncé à la police et à la brigade des mineurs.

Institut Mont Olivet à Lausanne: on touche du bois

A l’Institut catholique Mont Olivet de Lausanne et La Côte (deux établissements), qui compte 420 élèves, cursus du jardin d’enfants à la maturité fédérale, également bilingue français-allemand, Christophe Ruesch, le directeur, touche du bois. Il n’a « apparemment pas de problèmes graves » touchant au comportement des élèves. « On demande à nos élèves d’avoir un habillement décent. Ca marche très bien. En deux ans on a renvoyé deux fois à la maison quelqu’un se changer. En réunion de parents, on a demandé aux parents de prévoir des habits de circonstance. Par exemple, pas de training en classe. Le training c’est pour la salle de gymn. Nous n’avons pas eu de décolletés provocants. Nous n’avons pas non plus de problème de cannabis, à ma connaissance », précise le directeur. Un cas a été réglé par « un pacte » entre l’élève et le directeur, entre quatre yeux.

Parents: des réactions contradictoires

Les parents d’élèves inscrits en école catholique sont-ils plus stricts que les autres? Non, répond Christophe Ruesch. La plupart des parents sont très ouverts, mais il y a tous ceux qui vous disent: on aimerait mettre notre enfant chez vous pour qu’il soit bien pris en charge et qui font eux- mêmes tout le contraire de ce qu’ils nous demandent de faire ». Comment alors explique-t-il la relative « sagesse » de ses étudiants? « On fait très attention de vivre avec les élèves. Par exemple, la salle des maîtres est vitrée des deux côtés. Ils peuvent venir nous voir à tout moment. Comme ancien président de l’Association suisse des écoles privées, j’ai visité bien des écoles où la porte en bois de la salle des maîtres, était fermée à clé, pour ne pas qu’on dérange! »

Florimont, à Genève, « l’astuce du string : montrer qu’on en porte un! »

L’Institut Florimont est une école privée mixte, qui compte 920 élèves, du jardin d’enfants à la maturité fédérale, propriété de la Congrégation de St François de Sales, dirigée par des laïcs, comme la plupart des collèges catholiques aujourd’hui.

Daniel Coulot, doyen de la section maturité de l’Institut Florimont, confronté comme ailleurs, aux vêtements provocants de certains ados, répond avec humour que « l’astuce du string c’est de montrer qu’on en porte un! ». Le jeune qui n’a pas une tenue conforme au règlement, qui exige une tenue décente et propre, se voit gratifier d’une remarque comme: « Vous êtes dans une école, ayez une attitude correcte! ». Si cela ne suffit pas il doit aller se changer. C’est assez rare, souligne le doyen.

« Quand j’apparais au bout du couloir », raconte-t-il, je vois des jeunes qui tirent sur leur t-shirt ou remontent leurs pantalons ». Les problèmes de drogue ont touché Florimont, comme ailleurs. Des séances de prévention sont prévues pour tous. Et si on remarque qu’un jeune somnole en classe, visiblement sous l’effet du cannabis, on l’invite à en parler et à dire ce qui se passe. Un suivi est organisé. Il y a 2 ans Le Conseil de discipline de l’école, qui a convoqué les parents d’un jeune, pour trafic et consommation de drogue, les a incités à retirer leur adolescent de l’école. Il a fallu ensuite organiser le recasement dans une autre établissement scolaire.

St Maurice, collège privé et public: même discipline pour tous

Le Collège de St Maurice, qui compte 1113 élèves, porte deux casquettes, celle de collège catholique et celle de collège public pour le bas Valais. Autre originalité, c’est le seul collège catholique à être dirigé par un prêtre, Guy Luisier, prof et recteur. Parmi les 100 professeurs, 10 sont des prêtres, explique Guy Luisier, chanoine de l’Abbaye de St Maurice, qui gère le collège. St Maurice couvre de la 2è du cycle d’orientation à la maturité fédérale. « Nous sommes un collège privé reconnu par l’Etat du Valais comme gymnase public ». La discipline est forcément la même pour tous.

Sur la question des vêtements trop relâchés, St Maurice a bénéficié de la Une du Matin il y a déjà 5 ou 6 ans pour avoir été le seul à l’époque à faire des remarques aux élèves en tenue inadéquate ou provocante. « Depuis, les parents savent que chez nous, on est assez stricts et on n’a pas rédigé de circulaire à ce sujet ».

Toutefois, le recteur le reconnaît: en été, en matière de vêtements, « nous avons souvent des problèmes avec les jeunes filles et leurs tops, souvent trop courts au niveau du nombril et des épaules. Je donne des indications claires au professeurs: ce ne sont pas des tenues de plage qu’on doit avoir au collège. Nos enseignants ont une responsabilité commune à cet égard ».

Là aussi, lorsque la limite est dépassée, on renvoie à la maison les élèves. Et pas que les filles. « Les garcons aussi, qui portent des shorts de sport et des chemisettes non admis dans les cours normaux ». Le règlement précise que « les élèves doivent avoir une tenue décente. De la même manière que l’on n’admet pas les habits déchirés ou sales.

Cannabis: on ne transige pas

Comment se règlent les problèmes de cannabis dans un collège qui compte plus de 1000 élèves? La position ferme et claire du collège (« franche, ferme et sans compromis ») est « assez bien comprise ». Guy Luisier ajoute: Les parents doivent aussi savoir que nous n’avons aucune prise sur ce qui se passe sur le chemin de l’école.C’est plutôt là que nous aurions du souci ».

Le trafic est sanctionné de renvoi, la consommation ou la détention, d’un avertissement. Un second avertissement entraîne le renvoi.

« On voit très bien les élèves qui arrivent en classe après avoir fumé. Les parents sont convoqués. Souvent c’est un choc pour eux. Mais il faut avoir des preuves pour renvoyer un élève », reconnaît Guy Luisier, « c’est la difficulté ».

En général, explique le recteur, les cas d’expulsion surviennent dans les premières semaines de l’année scolaire. « Les jeunes ne pensent pas que nous appliquons le règlement. Quand ils s’en aperçoivent, c’est trop tard pour eux, mais la mesure a un effet salvateur pour les autres ».

Prêtre et directeur d’école publique

Prêtre et directeur d’école publique, un double rôle exceptionnel. Qu’apporte-t-il au quotidien? « Je suis prioritairement prêtre avant d’être directeur d’école et j’essaie toujours de faire mon travail de directeur d’école avec mes valeurs de prêtre ». Ce qui implique, explique-t-il, de confronter chaque fois mes valeurs chrétiennes avec celles de la société dans laquelle je me trouve, d’essayer de trouver des solutions par rapport aux points de blocage ou de confrontation. D’autre part, cela permet aussi à l’Eglise catholique de ne pas se réfugier dans la sacristie. C’est un peu le rôle qu’on veut lui faire jouer aujourd’hui: pour servir à nos baptêmes et à nos mariages. Mais moi comme prêtre je me dis: l’Eglise catholique doit être là ou vivent les gens. Dans la position où je suis, je me considère un peu comme un prêtre ouvrier! » VB

Encadré

Des collèges accueillant beaucoup d’autres confessions

Les collèges Mont Olivet, Champittet, St-Maurice, Florimont, bien que de confession catholique, accueillent de nombreux élèves d’autres confessions, des juifs, des musulmans, des bouddhistes, des protestants, pour en citer quelques-unes et même des athées. Comme si l’étiquette collège religieux catholique était un garant de tolérance, ce qui pourrait sembler paradoxal. C’est que les parents s’attendent à ce que les valeurs catholiques aient une incidence sur les valeurs humaines, expliquent les responsables de ces collèges. On cite l’exemple des parents juifs, qui pensent que ses enfants seront plus respectés dans un collège catholique. « Nous mettons en avant l’être humain avant la performance, l’économie, le technique », relève pour sa part le recteur du Collège St-Maurice.

Dans les quatre collèges, parallèlement à la catéchèse traditionnelle, existe des cours de valeurs chrétiennes et de culture religieuse ou d’histoire des religions.

A Champittet, où la moitié des élèves affichent d’autres confessions que la foi catholique, on considère que « la religion ouvre l’intelligence ». « Quand on fait des célébrations à la chapelle ce sont souvent des élèves d’autres confessions qui lisent les textes « . Un bel exemple d’oecuménisme. (apic/vb)

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