L’abstinence est observée même par les non-pratiquants

France: Les autorités religieuses ont fixé le début du ramadan au 15 octobre

Jean-Claude Noyé, correspondant de l’Apic à Paris

Paris, 15 octobre 2004 (Apic) Ce vendredi 15 octobre commence le mois de ramadan, ainsi l’ont décidé la veille les autorités religieuses. Un mois pendant lequel les musulmans s’abstiennent de nourriture, de boisson et de rapports sexuels entre le lever et le coucher du soleil. Et, autant que faire se peut, de paroles et pensées mauvaises. La plupart des cinq millions de musulmans de France suivent fidèlement ces préceptes, même ceux qui ne sont pas des pratiquants assidus.

Le mois de ramadan représente pour les islamiques un temps fort, avec une dimension festive. Ne serait-ce que parce qu’il resserre les liens communautaires et familiaux. Le jeûne du ramadan est le seul obligatoire de la religion musulmane. L’opinion est très répandue dans le monde musulman que le jeûne, surtout celui de ramadan, représente la meilleure expiation des fautes commises pendant l’année.

Le mois de ramadan devait-il commencer ce vendredi 15 octobre ou seulement samedi 16? Ce sera vendredi. Dans la « nuit du doute », celle de jeudi à vendredi, la décision a été prise par les autorités religieuses compétentes. Comme tous les ans, la détermination du début et de la fin de ce neuvième mois lunaire de l’année par l’observation du croissant de la nouvelle lune prête, en France comme partout dans le monde musulman, à de nombreuses discussions. Il ne s’agit pas moins que de déterminer le premier et le dernier jour du jeûne observé pendant tout ce mois: abstention de nourriture, de boisson et de rapports sexuels entre le lever du soleil et son coucher. Ainsi que de paroles et pensées mauvaises, et même de tout ce qui détourne de la recherche de Dieu.

Le ramadan, un temps d’épreuve et de fête

Sur les cinq millions de membres que compte la communauté musulmane de France, une bonne majorité s’apprête à observer ces prescriptions. Pourquoi cette assiduité à une pratique que d’aucuns pourraient considérer comme contraignante sinon inutile? Et ce, alors même qu’à la différence des pays musulmans, dans les pays de diaspora comme la France la pression sociale sur l’observance du jeûne est nettement moins forte? Pourquoi donc cette fidélité au ramadan? Non seulement parce que c’est l’un des cinq piliers de la foi, mais aussi parce que pratiquants ou non-pratiquants trouvent de nombreux bénéfices à vivre cette période qui est autant un temps d’épreuve que de fête. Fête intérieure de celui qui se livre au dépouillement induit par le jeûne. Et fête extérieure. De fait, les nuits de ramadan sont des nuits de réjouissances privées et publiques. L’adage populaire: « Après l’effort, le réconfort » prend ici tout son sens. L’attachement des musulmans au mois de ramadan est tel qu’ils évoquent volontiers la tristesse qui les saisit quand celui-ci se termine. Tel que les enfants, qui normalement en sont dispensés jusqu’à leur puberté, font souvent pression auprès de leurs parents pour s’y essayer eux aussi. Ce que ces derniers leur permettent à raison de quelques jours ici et là, puis, quand ils sont plus grands, à raison d’un jour sur deux.

L’observance du ramadan a une dimension sociale importante: c’est le moment où la « umma », la communauté musulmane, resserre les rangs. Les familles, les amis se rencontrent et s’invitent, plus que jamais. L’observance du jeûne est en outre couplée à la pratique de la solidarité avec les pauvres. Ceux-ci se voient par exemple invités à des tables dressés spécialement pour eux, comme c’est le cas dans le 19° arrondissement de Paris, avec l’opération « Une chorba (une soupe) pour tous » conduite par la mosquée Ad Awaa, elle- même dirigée par l’imam Larbi Kechat.

Layla al-Qadr, « meilleure que mille mois »

Temps de partage et de solidarité, le mois de ramadan est aussi un temps d’approfondissement de la foi. Il est, de fait, destiné à célébrer le souvenir de la révélation du Coran. Commémoration activée par la récitation d’une prière spéciale (la tarawih), dite après celle qui suit le crépuscule. Et, bien sûr, par de longues récitations du Coran. La lecture ou l’écoute du livre sacré doit en principe être achevée dans la nuit du 26 au 27 du mois de ramadan, pendant laquelle est célébrée Layla al-Qadr, la nuit où l’ange Gabriel descendit révéler au prophète Mohammed la parole d’Allah. Nuit dont la sourate XCVII du Coran souligne qu’elle est « meilleure que mille mois ». Les plus pieux des musulmans sont invités à faire ensemble l’i’tikaf, une retraite dans une mosquée – qu’ils ne quittent qu’exceptionnellement – pendant les dix derniers jours du mois de ramadan afin de s’y livrer à l’étude intensive du Coran et à la prière.

La centralité du jeûne du mois de ramadan dans la religion musulmane s’exprime encore par le fait que l’une des deux principales fêtes religieuses (les seules mentionnées dans le Coran), l’aïd al-fitr, est célébrée le premier jour de rupture du jeûne, le premier jour du mois de shawwâl. Pendant les six premiers jours de ce mois, les fidèles qui le désirent – beaucoup plus rares – peuvent prolonger le jeûne. D’autres abstinences volontaires (surérogatoires) parsèment la vie des musulmans les plus dévots: le jeûne du jour qui précède et du jour qui suit la fête de achoura (fête du dixième jour du mois de moharrâm, le premier mois de l’année musulmane) ; le jeûne du yawm al mi’radj, le 27 du mois de radjab. Ou encore, en temps ordinaire, le lundi et le jeudi. Les jours de fête religieuse, ainsi que les vendredi, journée offerte à Dieu, la pratique du jeûne volontaire est prohibée. L’opinion est très répandue dans le monde musulman que le jeûne, spécialement celui de ramadan, représente l’expiation la meilleure des fautes commises pendant l’année. JCN

Encadré:

Une occasion de resserrer les liens communautaires

Youcef, Soumaya et Nasser travaillent tous trois dans un groupe de presse parisien. Bien que ne pratiquant pas la prière rituelle (5 fois par jour), ils observent fidèlement le jeûne du ramadan. Youcef souligne que c’est l’occasion de « voir les choses autrement », de se couper du quotidien, de se rapprocher de ceux que l’on côtoie, de vivre avec eux des valeurs plus humaines de partage et de solidarité. « Le soir, notamment, autour du repas de rupture du jeûne, on fait plus facilement le bilan de sa journée auprès de sa famille ou de ses amis ».

Nasser, lui, précise qu’il ne mange pas de porc, ne boit pas d’alcool et ne joue pas aux jeux de hasard, comme le demande la religion musulmane. « Je me dis qu’un jour je ferai la prière. Faire ramadan, c’est en quelque sorte me préparer à cette prochaine étape de ma foi. Mais je ne veux pas que cela soit une contrainte extérieure. Cela doit partir de moi. Je jeûne parce que je le veux et que j’apprécie ce temps particulier. »

Quant à Soumaya, la pratique du ramadan représente pour elle le seul signe extérieur de sa foi, « sinon je ne partagerais pas grand chose avec la communauté musulmane », dit elle. Un signe extérieur auquel elle adhère de plein gré « car c’est l’occasion de faire du bien à son corps et d’intensifier nos relations familiales » L’occasion aussi pour elle de se déplacer à la plus proche mosquée pour y apporter de quoi manger aux plus démunis. Bien que cet été elle ait été malade, elle entend bien jeûner. De concert avec Youcef et Nasser, elle rappelle que « le ramadan, c’est le moment d’expérimenter la faim pour comprendre ce qu’endurent les pauvres ». JCN

(apic/jcn/bb)

webmaster@kath.ch

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/france-les-autorites-religieuses-ont-fixe-le-debut-du-ramadan-au-15-octobre/