Eviter la guerre civile que certains recherchent
Abidjan, 10 novembre 2004 (Apic) Depuis le samedi 6 novembre 2004, la Côte d’Ivoire vit l’une des situations « les plus dramatiques et tragiques de son histoire », écrivent dans une lettre pastorale les évêques ivoiriens à Abidjan. Le pays est en proie aux pires mouvements anti-français qu’ait connus le pays depuis le déclenchement de la rébellion le 19 septembre 2002.
Les troubles auraient fait depuis samedi 50 tués et plus de 600 blessés à Abidjan, selon des sources de la présidence ivoirienne.
Depuis le week-end dernier, suite notamment à la destruction d’avions et d’hélicoptères des forces aériennes ivoiriennes en riposte à la mort samedi de neuf militaires français tués dans un raid aérien gouvernemental, on assiste à de violentes manifestations des jeunes patriotes. Le face-à- face est tendu entre les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire, les FANCI, et les éléments de l’armée française de l’Opération Licorne, mais la situation s’est détendue mercredi, selon des sources missionnaires à Abidjan.
La France, qui compte quelque 14’000 ressortissants vivant dans le pays, a commencé mercredi à évacuer d’Abidjan, la capitale économique du pays, ceux qui en font la demande. Ces Français, en proie à la peur, victimes de pillages et pour certains d’agressions, ont trouvé refuge auprès des forces étrangères à la suite de violentes manifestations antifrançaises.
Les évêques de la Côte-d’Ivoire ont appelé mardi Français et Ivoiriens à s’unir dans la foi pour contribuer au retour de la paix en Côte- d’Ivoire. Ils ont rappelé les liens étroits entre les deux pays.
Un climat de haine anti-française règne depuis près d’une semaine en Côte-d’Ivoire, à la suite du bombardement d’une base militaire française par l’aviation ivoirienne et à la riposte consécutive.
Ivoiriens et Français sont « tous des frères »
Dans une déclaration lue sur les antennes de la radio panafricaine francophone, « Africa n°1 », par Mgr Joseph Aké, évêque auxiliaire d’Abidjan, les évêques ivoiriens déclarent qu’Ivoiriens et Français sont « tous des frères ». « Nous nous tournons vers le Dieu de paix et d’amour pour implorer sa miséricorde sur nous tous, Français et Ivoiriens », déclarent- ils. Invoquant l’esprit de Dieu, ils lui demandent de « nous indiquer le chemin à emprunter pour parvenir à la paix, ici en Côte-d’Ivoire et renforcer nos liens de fraternité avec la France, appelée fille aînée de l’Eglise et notre mère dans la foi ». Selon la déclaration épiscopale, la France « est et demeure pour les Ivoiriens, le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ».
Dans un autre message, après avoir adressé leurs condoléances aux familles françaises, ivoiriennes et américaines « endeuillées et durement éprouvées » (par le bombardement de la base de Bouaké, nda), les évêques de la Côte d’Ivoire invitent les responsables politiques ivoiriens « à faire l’effort de s’apaiser afin de canaliser et de conjuguer toutes nos forces pour aboutir à la paix que nous recherchons tant. »
« Rôle ambigu » de la France
Les évêques écrivent encore qu’il faut éviter tout ce qui peut conduire à la guerre civile que certains recherchent. Dans le but de prévenir les incompréhensions et les pertes en vies humaines, ils répètent leur déclaration du 21 février 2003, adressée aux Ivoiriens et à la communauté internationale dans laquelle ils s’inquiétaient « du rôle ambigu, louvoyant et confus des autorités françaises. » Ils parlaient alors du « double jeu » de la France et se demandaient si elle était là pour défendre ses intérêts ou l’intérêt particulier des sociétés multinationales.
Cette déclaration des évêques, mal acceptée par les autorités des Forces Licornes, avait suscité une rencontre d’explication avec les évêques, à la résidence du cardinal Bernard Agré. « Aujourd’hui les faits confirment ce que nous avons relevé », soulignent les évêques ivoiriens. Qui dénoncent une « réaction d’une telle envergure et si disproportionnée de la part de la France ».
Dans leur communiqué, ils mentionnent la destruction des avions ivoiriens, l’occupation des aéroports d’Abidjan et de Yamoussoukro, le bombardement du Palais présidentiel de Yamoussoukro, le redéploiement de chars en ville d’Abidjan, les tirs à balles réelles « sur des enfants, des jeunes, des femmes aux mains nues qui ne recherchent rien d’autre que la paix et la réunification de leur pays ». Parlant des nombreux mort et blessés, les évêques affirment que « nos hôpitaux et nos morgues sont aujourd’hui débordés ».
Appel à la reprise du dialogue
Lundi, au cours de leur assemblée plénière à Lourdes, les évêques de France ont lancé un appel à une reprise du dialogue pour une « paix durable » en Côte d’Ivoire, tout en regrettant « les choix faits par ceux qui, au mépris des accords passés et des signatures données, contribuent à déclencher le cycle de la violence ». « Nous en appelons à la reprise du dialogue et à l’engagement des responsables pour offrir une paix durable au peuple ivoirien », lit-on dans une déclaration publiée en marge de l’assemblée de la Conférence des évêques de France.
« Nous regrettons les choix faits par ceux qui, au mépris des accords passés et des signatures données, contribuent à déclencher le cycle de la violence et de la mort », selon le texte signé par Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes et président du mouvement Pax Christi en France, ainsi que par Mgr François Maupu, évêque de Verdun, président de Justice et Paix, instance de l’épiscopat pour les questions internationales.
Les évêques français ont exprimé leur compassion pour les familles des militaires qui ont trouvé la mort, pour les blessés, « et nous disons notre totale solidarité à ceux, militaires et civils, qui risquent leur vie pour mener à bien des missions de paix ». Les évêques soulignent que la mort de neuf soldats français suscite « une grande émotion et une profonde inquiétude chez tous ceux que préoccupe l’avenir de la Côte d’Ivoire et celui de toute l’Afrique, continent déchiré par de nombreux combats fratricides ».
L’épiscopat français tient également à « rappeler notre devoir de ne pas nous désintéresser de l’Afrique, de son présent et de son futur » ainsi que la fraternité à réserver aux Africains accueillis « sur notre territoire ». (apic/ibc/com/be)
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