Romandie: Le nombre d’enfants demandant le baptême en hausse dans plusieurs cantons

« Les catéchumènes sont une chance pour l’Eglise »

Fribourg, 20 février 2005 (Apic) Le 26 février prochain, 48 enfants du canton de Fribourg en âge de scolarité vivront leur appel décisif à Rossens, avant d’être baptisés vers Pâques dans leur paroisse. Ils seront même 58 l’an prochain – du jamais vu – selon le service du catéchuménat dans le canton de Fribourg. Plusieurs cantons romands assistent également à une forte hausse de demandes.

La diminution du nombre de baptêmes de nouveaux-nés, en Suisse romande, a provoqué une forte demande d’entrée en catéchuménat lors de la catéchèse, et spécialement à l’approche de la première communion. Mais qu’est ce qui pousse aujourd’hui des enfants à suivre deux années d’initiation à la foi? Et que représente un tel cheminement pour leurs parents? Le point avec Marie-Madeleine Beer, responsable du catéchuménat des enfants dans le canton de Fribourg.

Apic: A quels changements avez-vous assisté dans le catéchuménat ces dernières années?

Marie-Madeleine Beer: Il y a dix ans, lorsque j’ai pris la responsabilité du catéchuménat des enfants dans la partie francophone du canton, nous enregistrions 25 à 30 demandes par an. Le nombre a constamment augmenté depuis, et maintenant presque triplé. Les parcours de formation ont été décentralisés sur trois régions. Au début, le cheminement durait sept mois, de septembre à avril. Nous proposons maintenant de plus en plus souvent un parcours d’une année et demie.

Apic: Pourquoi avoir augmenté le temps du parcours?

M.-M. B: Vous savez, vivre dix rencontres sur sept mois ou dix rencontres en un an et demi, ce n’est pas du tout la même chose. Il faut laisser du temps au temps. Le facteur temps joue un rôle important; il permet un niveau de maturation et d’approfondissement très différent. En étalant le temps d’initiation, nous laissons davantage de place à l’étape du doute, donc du questionnement en profondeur. Cette année, trois enfants ont arrêté leur cheminement en cours de route pour des questions de foi. Cela démontre bien que cette initiation chrétienne questionne l’enfant en profondeur.

Apic: Et qui sont ces enfants qui demandent le baptême, y a-t-il une forte proportion d’étrangers, comme dans d’autres cantons romands?

M.-M. B: Non, les étrangers ne sont pas en majorité. Leur présence parmi les catéchumènes correspond à peu de choses près à leur proportion dans les classes. Je dirais en gros qu’il y a trois groupes d’enfants:

– Ceux qui n’avaient jamais entendu parler de Dieu et qui le découvrent lors de la catéchèse à l’école primaire. Ils sont la majorité parmi les catéchumènes.

– Les enfants issus de familles éclatées, dont un des parents était opposé au baptême. Lors de la séparation entre les parents, celui qui détient l’autorité parentale et a la charge de l’enfant demande alors le baptême.

– Les enfants provenant d’un autre pays, où il n’a pas été possible d’être baptisé pour diverses raisons, ou des enfants qui ont été adoptés.

La grande majorité de ces catéchumènes sont âgés de 8 à 10 ans, et une dizaine d’entre eux ont entre 11 et 16 ans. Ils proviennent de toutes les régions du canton.

Apic: L’idéologie que nous entendions il y a quelques années : « Nous ne baptisons pas notre enfant pour qu’il puisse choisir lui-même » est-elle encore présente?

M.-M. B: Oui, elle est encore présente, sous la forme de parents qui ne veulent pas contraindre leur enfant au baptême, tout en l’initiant à la foi chrétienne. Ces enfants suivent normalement la catéchèse et, à cause de ce qui s’y vit, ils décident alors de demander le baptême.

Apic: L’étape de la première communion, qui intervient dans la plupart des paroisses en 3e année primaire dans le canton de Fribourg, incite-t-elle l’enfant non-baptisé à demander le baptême?

M.-M. B: Oui, bien sûr. Assumer une différence n’est jamais facile. Beaucoup parmi ces enfants souhaitent ne pas être autrement que le groupe. Pour environ un tiers d’entre eux, c’est douloureux de ne pas être baptisés. Ils se sentent comme une exception dans leur classe. C’est la raison pour laquelle cela leur fait du bien d’être rassemblés avec d’autres lors des rencontres au niveau cantonal. Cela leur permet de constater qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation.

Apic: Et les conversions d’enfants d’autres confessions ou religions?

M.-M. B: Elles sont rares. J’ai récemment vécu une situation, après une séparation, où une maman demandait que son enfant baptisé protestant devienne catholique. Mais comme il y a reconnaissance du baptême protestant par les catholiques, il n’y a pas de cheminement catéchuménal, mais seulement une inscription dans les registres catholiques.

J’ai également eu affaire, ces dernières années, à des demandes de baptême d’enfants issus de parents mixtes, musulman-catholique. Ce sont des situations très complexes. Il n’y a pas d’inscription dans les registres de la communauté musulmane. Un enfant né d’un conjoint musulman est automatiquement musulman, selon le droit islamique. Cela rend l’identification de la religion de l’enfant difficile. J’ai vécu des situations très délicates voire douloureuses, où une mère catholique séparée de son mari musulman a demandé le baptême pour son enfant. Le service cantonal du catéchuménat doit faire preuve de beaucoup de prudence et de doigté dans un tel cas, et il pousse la famille de l’enfant à agir en toute transparence avec l’autre parent. Car il faut éviter que le baptême provoque des tensions ou même une rupture avec la moitié de la famille. Nous demandons donc que l’autre parent soit partie prenante de la démarche.

Apic: Avez-vous idée des raisons pour lesquelles le nombre de catéchumènes a fortement augmenté depuis 10 ans?

M.-M. B: Le catéchuménat est perçu beaucoup plus positivement, ce qui incite beaucoup d’enfants à demander le baptême. Et de moins en moins de parents décident de baptiser leur bébé. Un prêtre du Grand-Fribourg m’a dit récemment que la moitié des nouveaux-nés de sa paroisse n’étaient plus baptisés. Pour eux, au moment de la catéchèse apparaît la question du baptême.

Apic: Selon les directives diocésaines, les baptêmes d’enfants en âge de scolarité doivent se préparer au niveau cantonal. Mais existe-t-il des paroisses qui ne jouent pas le jeu, et baptisent de tels enfants sans un parcours adapté?

M.-M. B: Oui, il y en a. Des prêtres, mais aussi des catéchistes croient rendre service en proposant un parcours simplifié à ces enfants. Je tiens à souligner que le Centre catéchétique comprend et accepte qu’un baptême soit donné sans un cheminement dans certaines situations, et notamment lorsque l’enfant a déjà vécu un approfondissement de la foi. Mais nous demandons qu’un discernement préalable soit fait en lien avec le service du catéchuménat, discernement qui prend en compte les motivations de l’enfant pour être baptisé. Car dans certains cas, il serait dommage de priver l’enfant et sa famille d’un tel cheminement. Nous voulons lui faire comprendre ce que signifie « suivre Jésus » et lui faire dire son propre « Je crois . ».

Pour moi, ces catéchumènes représentent une véritable chance pour l’Eglise catholique.

Apic: Pourquoi une chance?

M.-M. B: Nous sommes quelquefois témoins de vrais « petits miracles » Des familles découvrent ou redécouvrent la foi en accompagnant leur enfant au baptême. Pour moi, au moins 90% des adultes qui disent rejeter l’Eglise sont en réalité en chemin dans la foi. La plupart d’entre eux prennent très au sérieux le cheminement de leur enfant vers le baptême.

Encadré:

Egalement une forte demande dans d’autres cantons romands

Un coup de fil dans les centres catéchétiques de Suisse romande permet de constater que le catéchuménat des enfants en âge scolaire a des belles années devant lui.

L’abbé Pascal Bovet, responsable du catéchuménat sur Vaud, signale une soixantaine d’enfants inscrits cette année à l’appel décisif, dernière étape avant le baptême. Et cela, sans compter ceux qui sont baptisés « en catimini » dans les paroisses, et qui doivent être tout autant nombreux, selon les estimations de Pascal Bovet. Le canton de Vaud connaît une forte proportion d’étrangers parmi ses catholiques, et cela se ressent au niveau des catéchumènes. « L’an dernier, près d’un tiers parmi eux étaient de race noire », affirme l’abbé Bovet. La plupart des enfants demandent le baptême à l’approche de la première communion.

Sur Genève, ils seront environ 70 enfants en âge scolaire à être baptisés ce printemps, ce qui correspond à la tendance de ces dernières années, selon Michel Colin, directeur du Centre catéchétique. Là également, une forte demande apparaît lors de la préparation à la première communion.

En Valais, la responsable du catéchuménat, Véronique Denis, a enregistré 19 inscriptions d’enfants, cinq d’adultes et deux pour la confirmation à l’appel décisif. Elle relève la présence de nombreux étrangers parmi eux. La préparation est assurée par les paroisses.

Sur Neuchâtel, le Centre catéchétique relève une augmentation des demandes de baptêmes d’enfants en âge scolaire depuis environ 5 ans. Ils seront une vingtaine cette année, relève Christiane Joner. Chez beaucoup également, l’étape de la première communion a provoqué le déclic.

Le Jura pastoral ne connaît pas de parcours cantonal pour les enfants catéchumènes, selon les informations recueillies par l’Apic. Il revient à chaque paroisse d’assurer leur accompagnement.

Encadré:

1.1.1.1.1 Un cheminement en quatre étapes

Dès qu’il est en âge de scolarité, un candidat au baptême passe par un cheminement catéchuménal dans l’Eglise catholique. Dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, un cheminement est proposé aux enfants en âge de scolarité obligatoire, pris en charge par les centres catéchétiques cantonaux, ainsi qu’aux jeunes et adultes.

Le cheminement catéchuménal proposé par l’Eglise passe pour tous par quatre étapes:

– L’accueil de la demande, souvent fait dans la paroisse du candidat;

– L’entrée en catéchuménat, qui se vit dans la paroisse. Le candidat entre alors dans la communauté chrétienne, avec le statut de « catéchumène ».

– L’appel décisif, vécu au niveau cantonal par lequel le candidat affirme sa volonté d’être baptisé; il répond à l’appel de l’Eglise qui, par l’intermédiaire de l’évêque ou du vicaire épiscopal, le reconnaît apte à être baptisé .

– Le baptême, vécu dans la plupart des cas durant la nuit de Pâques, dans la paroisse du nouveau baptisé.

Des photos de l’appel décisif du 26 février à Rossens seront disponibles à l’agence CIRIC, Bd de Pérolles 36 – 1705 Fribourg. Tél. 026 426 48 38 Fax. 026 426 48 36 Courriel: ciric@cath.ch

(apic/bb)

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