La mort d’un passeur

Une voix s’est éteinte. Celle de Carlo Maria Martini. Exégète, jésuite, recteur d’université, archevêque, «papabile». Un grand Monsieur. Une voix rare, précise, lumineuse. Celle d’un passionné de l’Ecriture. S’il ne restait qu’un titre sur la longue liste attribuée au cardinal italien dominerait celle de «passeur de l’Ecriture».

 

Scrutateur attentif de la Bible, chercheur infatigable, vulgarisateur de talent, il a donné à beaucoup le goût de la Parole de Dieu. Comme le souhaitait le concile Vatican II, il a insufflé à partir de l’Ecriture des élans spirituels féconds dans son immense diocèse de Milan. Fidèle, il a passé à Jérusalem ses premières années de «retraite». Il revenait à l’axe central de sa vie: creuser encore et encore la Parole. La maladie de Parkinson s’était déclarée alors qu’il poursuivait ses investigations bibliques, en Terre sainte.

 

Il n’était pas un chercheur enfermé dans sa tour d’ivoire, mais un homme qui savait puiser avec bonheur dans les livres saints. Un visionnaire soucieux que son Eglise s’inscrive dans son époque. Des mots forts et justes, des intuitions fulgurantes en jaillissaient. Il n’avait pas peur de nager à contre-courant, d’expliquer ses choix, de faire référence à la Bible pour stimuler la pensée. C’est ce qui explique l’immense audience de cet homme pétri d’espérance. Combien de lecteurs lui doivent d’avoir goûté à nouveau la saveur de la Parole, redécouvert le plaisir de la lectio divina.

 

Dans un de ses derniers livres, Le rêve de Jérusalem (2009), il avait qualifié la mission des personnes âgées: «Il est beau de voir que le prophète Joël assigne une tâche aux aînés. Ils ont mérité de laisser les affaires et la direction à d’autres et de se tourner vers quelque chose de nouveau: les rêves». Martini avait, lui, rêvé d’une autre Eglise, d’une autre manière de vivre sa liberté de fils de Dieu, plus prophétique, plus orientée vers la jeunesse.

 

Le passeur est désormais passé sur l’autre rive. Il laisse un vide, immense, et un chagrin, intense. Merci, cardinal, de nous avoir par donné, par votre présence rayonnante, de croire en l’Eglise. «Tout époque est un moment de grâce», disait-il. La nôtre, c’est d’avoir eu la chance d’entendre votre voix, inégalable.

 

Bernard Litzler

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