« Les jeunes sont devenus plus durs… », assure Guy Gilbert
Fribourg, 27 novembre 2005 (Apic) Educateur de rue depuis 40 ans, Guy Gilbert, surnommé le prêtre des loubards, sera mardi à la cathédrale de Fribourg, où il apportera son témoignage, après dédicacé son dernier livre dans une librairie locale.
Dans une interview accordée samedi à Patrice Favre, journaliste au quotidien romand « La Liberté », le « curé des loubards » assure avoir suivi avec attention la crise qui a secoué la France. Il n’est pas surpris par les violences et le désespoir de nombreux jeunes. « Avec les jeunes de 13-16 ans dont je m’occupe, je sentais venir l’explosion. Les adolescents noirs ou arabes ont deux fois moins de chance de trouver du travail que les Blancs, donc ils montent des marchés parallèles, la drogue, les petits vols », commente cet homme de terrain.
Selon lui, l’Etat s’est retiré des banlieues, n’a plus mis d’argent. Il rappelle la suppression de la police de proximité. « Quand les policiers investissent un quartier pour coincer les dealers, les jeunes prennent ça pour une agression. Vos jeunes aussi ont brûlé des voitures? Pour eux, c’était un jeu, un magnifique feu d’artifice! Il faut dire aussi que les médias ont fait un travail de sape en publiant jour après jour le nombre de bagnoles brûlées. C’était une grosse erreur. Plus les jeunes brûlaient de voitures, et plus ils avaient le sentiment d’exister! »
Pour le « curé des loubards » la crise a plusieurs causes. Le pourcentage important d’immigrés qu’on a chez nous ne se retrouve pas dans l’administration, ni dans les médias. Les cuisses noires ou arabes vont bien pour le foot, on fait de Zidane un modèle d’intégration. Mais les petits Zizous qui traînent dans les halls d’immeubles en vous proposant du shit? On n’a rien pour eux. Maintenant, l’Etat a promis des centaines de millions. C’est aussi dangereux, car les jeunes ont compris le message: « On brûle des bagnoles et on est récompensé ». Et Guy Gilbert de préciser: « Il y a eu un tel abandon, de tels ghettos…
A la question de savoir si la religion a joué un rôle dans la crise, l’homme d’Eglise estime que des islamistes ont essayé d’en profiter. Mais, témoigne-t-il pour « La Liberté », j’ai vu des responsables chrétiens et musulmans monter la garde ensemble la nuit pour protéger des écoles. Des muftis ont condamné publiquement les casseurs. Non, ces violences, c’est le cri des jeunes qui veulent compter pour la France.
Plus rien à perdre
En 40 ans de présence dans la rue, le prêtre a effectivement vu changer les jeunes. « Ils se sont radicalisés. Autrefois les 13-16 ans avaient encore une certaine idée de la police, de la justice. Maintenant ils leur crachent dessus, ils me disent qu’ils n’ont plus rien à perdre. Un jeune de 13 ans avec un pistolet, c’est terrible ».
Que faire avec eux? « Il n’y a que le témoignage. Avec mes 20 équipiers, nous avons retapé une ferme en Provence pour sortir certains jeunes de la merde, leur donner des règles, les aider à se projeter dans un avenir. Et ça marche. Ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mer, mais la mer est faite de gouttes d’eau, non? Les discours politiques ou moralisateurs ne servent à rien, seul le témoignage de vie peut faire quelque chose, l’accompagnement, le dialogue ». Et de renchérir: « Ma méthode éducative est laïque mais mon coeur ne l’est pas. Mon coeur de prêtre sait que Dieu habite en chacun de nous, surtout les plus souffrants, et que par la souffrance nous allons à la résurrection. C’est pour ça que je continue joyeusement ». (apic/lib/pf/pr)
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