Instruction vaticane sur l’admission des séminaristes homosexuels

Rome: Mgr Tony Anatrella, psychiatre consultant du Vatican, publie un texte explicatif

Propos recueillis à Rome par Ariane Rollier

Rome, 30 novembre 2005 (Apic) Après la publication officielle d’une Instruction vaticane « sur les critères de discernement vocationnel au sujet des personnes présentant des tendances homosexuelles en vue de l’admission au séminaire et aux ordres sacrés », Mgr Tony Anatrella s’explique sur les raisons d’un tel document. Le consultant pour les Conseils pontificaux pour la famille et pour la santé a répondu aux questions du partenaire de l’agence Apic à Rome, I.MEDIA

Sur demande du Vatican, Mgr Tony Anatrella, prêtre et spécialiste français en la psychologie clinique et psychiatrie sociale, a rédigé un texte explicatif de l’Instruction – intitulé ’Réflexions sur le document’ – paru dans L’Osservatore Romano du même jour.

AR: Les principes de ce texte ne sont pas nouveaux dans l’Eglise. Pourquoi a-t-il fallu les réaffirmer ?

Mgr Tony Anatrella: L’Eglise a toujours refusé l’accès aux ordres sacrés aux hommes qui présentaient des tendances homosexuelles. Elle considère que d’un point de vue anthropologique, l’homosexualité est une incohérence structurelle – et non pas une variante de la sexualité humaine -, qui ne peut donc pas être une référence. L’homme qui présente sa candidature aux ordres sacrés doit être parvenu à la maturité de son identité masculine.

Cette question a été abordée dès le début de l’Eglise, au Concile de Grenade entre 300 et 303. Face à des attitudes problématiques, le Concile d’Ancire en 314, le Concile de Paris en 819, puis notamment les Conciles Latran III et Latran IV en 1179 et 1215 ont prévu des sanctions, relevant les clercs de leur état.

De très nombreux textes rappellent la même exigence. En 1998, la Conférence des évêques de France a ainsi mentionné dans la « Ratio » que les candidats qui présentent des tendances homosexuelles ont leur place dans la communauté chrétienne, mais ne peuvent pas être appelés au ministère ordonné. Régulièrement, l’Eglise doit rappeler ses exigences, surtout lorsqu’elles sont oubliées ou transgressées.

AR: L’Eglise met-elle des barrières pour d’autres cas de personnes qui, psychiquement, ne correspondent pas à l’identité du prêtre telle qu’elle l’envisage ?

Mgr T. A.: Le candidat au diaconat permanent et au sacerdoce doit en effet présenter un certain nombre de qualités humaines et spirituelles en harmonie avec le sens universel de l’humanité. Le diaconat permanent et le sacerdoce impliquent un engagement dans un ministère, une fonction et un statut social, et ne peuvent pas être confiés dans n’importe qu’elles conditions.

Il y a ainsi de nombreux critères (psychologiques, intellectuels, affectifs, relationnels, mais aussi de santé physique et psychique) qui ont été élaborés au cours des siècles et qui permettent aux responsables des séminaires d’évaluer objectivement la candidature des séminaristes. L’homosexualité est un critère parmi d’autres.

AR: En quoi un prêtre homosexuel chaste aurait-il des difficultés à exercer son ministère ?

Mgr T. A.: L’expérience prouve que les relations pastorales sont très compliquées et que, parfois, l’enseignement de l’Eglise, en bien des matières, est négligé.

Comment enseigner la plupart des exigences humaines et chrétiennes quand on ne les vit pas soi-même ? Les personnes homosexuelles transgressent aussi plus facilement leur engagement que les hétérosexuels. Il faut aussi souligner que la délinquance sexuelle est souvent le fait de la pédérastie homosexuelle.

Les faits sont là pour nous rappeler cette triste réalité alors que l’idéologie actuelle entretient la confusion. Si la majorité de ceux qui ont une tendance homosexuelle restent fidèles à leurs engagements, les effets psychologiques de leur tendance ont des répercussions sur le plan pastoral. En effet, une orientation sexuelle conditionne la personnalité et la relation sociale de chacun. Les structures psychiques en jeu ne sont pas les mêmes selon que l’on privilégie telle ou telle tendance sexuelle.

C’est pourquoi la question n’est pas tant de savoir si la personne est fidèle ou pas à la continence vécue dans la chasteté, mais si elle dispose des qualités psychiques pour être appelée aux ordres sacrés. Si l’Eglise doit rappeler l’incompatibilité du sacerdoce avec l’homosexualité, c’est à cause des effets collatéraux qu’elle génère à travers toute une gamme de comportements problématiques dans la vie sociale et pastorale, comme à l’égard de l’autorité et des exigences chrétiennes.

AR: N’y a-t-il pas une ambiguïté dans le fait que l’on interdise l’accès au ministère consacré aux séminaristes à tendance homosexuelle, mais que l’on permette aux prêtres à tendance homosexuelle déjà ordonnés de poursuivre dans leurs fonctions ?

Mgr T. A.: Non, parce que cette Instruction concerne uniquement le discernement de ceux qui veulent entrer au séminaire et les séminaristes. Les prêtres restent prêtres. Etant donné qu’ils ont reçu le sacrement de l’ordre, leur tendance homosexuelle n’invalide pas leur ordination. D’ailleurs, il serait malsain de développer une forme de suspicion à leur égard et d’organiser une chasse aux sorcières. Il est demandé aux prêtres d’être fidèles à leur engagement, à l’état de vie sacerdotale, à l’enseignement de l’Eglise à transmettre en vérité et intégralement, et à ses conséquences morales en matière affective et sexuelle.

AR: Mais cette Instruction ne risque-t-elle pas de les mettre dans une situation désagréable ?

Mgr T. A.: Si elle est reçue de cette façon, c’est que l’on est déjà soi-même dans une situation inconfortable. L’Eglise parle ici des candidats au sacerdoce et non pas des prêtres. Il ne faut pas se méprendre sur la nature de ce texte qui est normatif et non pastoral. Il est vrai que des prêtres vont peut être s’interroger en se disant qu’ils sont passés à travers un discernement et qu’ils auraient pu ne pas être ordonnés si, à l’époque, on avait vraiment appliqué ce principe trop négligé pendant des années.

Plusieurs cas de figure peuvent se présenter: ou bien ils n’étaient pas conscients de leur attrait ou bien ils l’ont masqué et ont bénéficié d’une attitude laxiste, ou bien ils sont devenus conscients de ce fait par la suite. Dans un cas comme dans l’autre, il leur revient d’assumer leur situation en contrôlant leur comportement en évitant d’être dans les trois situations mentionnées dans l’Instruction.

AR: Il faut éviter la chasse aux sorcières. Mais le fait de publier un tel document admettant qu’il existe des homosexuels dans l’Eglise ne risque-t-il pas de créer l’effet inverse ?

Mgr T. A.: Non, d’abord parce que l’on ne nomme pas des personnes. On signale une tendance. Tous les ans, il y a des séminaristes à qui l’on demande d’interrompre leur formation, sans que la cause ne soit révélée aux autres. Et il arrive que ce soit pour cause d’homosexualité. Par ailleurs, il peut se trouver que des prêtres aient confié leurs difficultés à des personnes, mais, dans ce cas, il ne faudrait pas que leurs confidences se retournent contre eux et qu’ils soient suspectés alors qu’ils mènent une vie qui se veut harmonieuse même si ce n’est pas toujours facile pour eux.

Bref, l’Eglise a le souci de faire la vérité à ce sujet pour le bien des candidats qui risquent d’avoir une vie difficile dans le sacerdoce, pour le bien des communautés chrétiennes et pour que ceux qui vivent le sacerdoce soient dans la fidélité à leur engagement. Néanmoins, il faut raison garder. Dans le clergé, les homosexuels ne représentent pas une proportion importante, il s’agit d’une minorité.

AR: Ne craignez-vous pas que l’Eglise soit taxée d’homophobie ?

Mgr T. A.: La notion d’homophobie est un slogan d’intimidation. L’Instruction rappelle à juste raison qu’il faut respecter les personnes à tendances homosexuelles. Mais le sacerdoce n’est pas un droit. Il revient à l’Eglise d’authentifier le ’désir’ de devenir prêtre et l’on ne peut dire qu’il y a une vocation au sacerdoce que le jour où l’Eglise, par l’intermédiaire du ministère épiscopal, appelle un homme pour l’ordonner au diaconat permanent ou au sacerdoce.

AR: Pourquoi demande-t-on un délais de trois ans avant d’ordonner au diaconat un séminariste ayant des tendances homosexuelles résultant d’un problème transitoire ?

Mgr T. A.: L’Instruction fait bien la distinction entre ceux qui sont psychologiquement structurés par l’homosexualité et ceux qui passent par une phase d’interrogation et d’hésitation identitaire, mais qui n’engage pas fondamentalement un désir sexuel chez eux. Diverses situations peuvent se présenter.

Certains jeunes peuvent avoir un attrait esthétique vis-à-vis de personnes plus âgées, ou un attrait sexuel passager, ou encore sont en recherche de compagnons masculins en raison d’un problème familial du fait d’une absence, d’une carence ou d’un conflit paternel. Si l’on discerne que ces attitudes sont liées à une hésitation psychologique et que cette question peut être traité, elle le sera. Mais il faudra qu’elle soit réglée trois ans avant l’ordination diaconale ou sacerdotale, un bon délai pour savoir si cette question est résolue.

AR: Est-il possible de masquer son homosexualité ?

Mgr T. A.: L’Instruction évoque ce problème en disant que, pour devenir prêtre, il est indispensable de penser et de vivre en étant authentique, lucide et sincère. Lorsqu’un homme soumet sa candidature au diaconat permanent ou au sacerdoce, il accepte de faire confiance au discernement de l’Eglise, de faire la vérité sur lui-même avec son directeur spirituel.

Les supérieurs de séminaire devront évidemment rappeler publiquement aux séminaristes qu’ils doivent parler en vérité avec leur directeur spirituel parce que l’on n’accède pas au sacerdoce en mentant sur soi-même. (apic/imedia/ar/vb)

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