Broc: 120 participants au 8e Pèlerinage des Gens du Voyage à Notre-Dame-des-Marches
Jacques Berset, Apic
Broc, 5 mars 2006 (Apic) Venues de toute la Suisse romande, et aussi de Schwyz et de la France voisine, quelque 120 personnes ont participé samedi 4 mars au 8e Pèlerinage des Gens du Voyage à Notre-Dame-des-Marches. Les ondées abondantes n’ont pas freiné la ferveur des fidèles rassemblés dans la chapelle pour la messe présidée par Mgr Norbert Brunner, délégué de la Conférence des évêques suisses pour les migrants et les gens du voyage.
La pluie battante qui s’est abattue samedi toute la journée sur le sanctuaire marial au pied de la Dent de Broc a certes empêché le chemin de croix à l’extérieur, mais l’ambiance était tout de même à la fête pour célébrer une dizaine de confirmations et trois premières communions.
La cérémonie, préparée notamment par l’aumônier du Mouvement catholiques des gens du voyage (*), le Père dominicain Jean-Bernard Dousse, et par le « rassembleur » diderain Daniel Gerzner, a été ponctuée par des chants rappelant la vie souvent difficile des nomades. Mais aussi l’amitié et la solidarité qui les caractérise.
Ainsi « Jésus-Christ, tu es vivant », mélopée où l’on évoque les voyageurs sur le chemin de la vie si dure. « Tant de luttes et de chagrins font la vie obscure. Quand la mort vient à passer et semer le doute, chaque geste d’amitié nous remet en route ». Puis « Vienne, vienne la colombe » salue les « gitans, fils du vent » avant qu’ »Enfant du Voyage » ne leur dise que le Christ les appelle « dans toutes les villes, sur tous les chemins ».
Dans la chapelle archicomble, l’évêque de Sion a souligné l’importance de la nourriture de l’âme pour sustenter la vie du chrétien, avant d’inviter les participants venus aux Marches pour prier la Mère de Dieu à lui confier leurs intentions. A la fin de la célébration, nombreux sont ceux qui se sont approchés de l’aumônier et de l’évêque pour la traditionnelle « bénédiction des familles », avant que la foule ne s’installe pour le repas dans l’Abri du Pèlerin.
Après la bénédiction du Saint-Sacrement à la chapelle, les gens du voyage se sont encore donné rendez-vous pour leur désormais traditionnel pèlerinage national des gens du voyage, la dernière semaine de juillet, auprès de la Vierge noire d’Einsiedeln. Là, un demi millier de Yéniches de Suisse, mais également quelques autres nomades venus d’Allemagne ou de France (manouches, roms et sintis), font le déplacement avec leurs caravanes. Une partie d’entre eux sont également des fidèles des pèlerinages des Saintes-Maries-de-la-Mer en mai ou de Lourdes en août. JB
Encadré
Les premiers pas de l’Aumônerie suisse des Gens du Voyage, en 1995
Le dominicain fribourgeois Jean-Bernard Dousse (*) souligne que l’Aumônerie suisse des Gens du Voyage ne date que de 1995. Celui qu’on appelle volontiers le « curé des Gitans » rappelle qu’à cette époque un homme était venu à l’évêché de Fribourg pour demander la confirmation pour des gens de sa famille. Mais il fallait faire vite, « car dans quelques semaines, on est de nouveau tous sur la route ». Vers la mi-mars, en effet, les gens du voyage prennent la route jusqu’en novembre.
Face à l’embarras de l’évêché, c’est le Père Dousse, qui était encore à l’époque responsable romand du catéchuménat des adultes, qui a été chargé de la préparation, « en respectant leur rythme ». D’accord de raccourcir la préparation, il leur a cependant donné à nouveau rendez-vous à leur retour, en automne, pour poursuivre la catéchèse. « Et c’est comme cela que tout a commencé. Sans acte officiel! » Puis est né en 1999 le 1er Pèlerinage des Gens du Voyage, le 1er samedi de mars à Broc, et fin juillet de la même année, le 1er Pèlerinage national à Einsiedeln.
Selon le dominicain fribourgeois, 90% des gens du voyage en Suisse sont de religion catholique. Lorsqu’il a été nommé par la Conférence des évêques suisses aumônier national à temps partiel pour les gens du voyage, Jean-Bernard Dousse a pris l’option de privilégier le langage symbolique et les manifestations d’ensemble, et de mettre l’accent sur la Vierge Marie, à laquelle les gens du voyage manifestent une grande dévotion. Quant au budget pour mener à bien les activités de l’aumônerie, « on ne reçoit quasiment rien. On doit se débrouiller sur la base du bénévolat ». Près d’une quinzaine de personnes travaillent ainsi dans le « conseil pastoral » de l’Aumônerie au niveau suisse. JB
Encadré
Sur la route au plus tard le 1er avril
Daniel Gerzner, de Domdidier, est spécialiste de la révision d’ustensiles de cuisine et rétameur. « Rassembleur » de la communauté, il précise que les Yéniches en Suisse sont essentiellement catholiques, même si les évangéliques commencent à faire des adeptes. Si grande la majorité des nomades de Suisse – plus de 30’000 – sont devenus sédentaires, il y a en peut-être 5’000 qui prennent encore la route d’ici la mi-mars, et sillonnent la Suisse jusque vers le 1er novembre, à la Toussaint. En fonction notamment des endroits où ils peuvent s’installer et trouver des places officielles ou des campings qui les acceptent.
« Nous, on se déplace en famille; on n’aime pas trop les places super aménagées; un peu d’eau, de l’électricité, cela nous suffit, on aime bien être libres », précise Daniel Gerzner, père de deux enfants. Il insiste sur la nécessité que les gens du voyage s’adaptent aux exigences suisses, notamment en matière d’environnement: pas question de laisser des places souillées. C’est déjà assez difficile de se faire accepter quand on ne fait partie de la majorité de la population. « Souvent on est jugé et mis dans le même panier que les gens du voyage étrangers qui passent par la Suisse et laissent de nombreux déchets. C’est une question de culture, certes, mais je ne leur jette pas la pierre, ce sont des pauvres gens comme nous. Le problème, c’est le manque de places aménagées par les cantons en Suisse ».
Les Yéniches restent en principe en Suisse, où ils vivent de métiers comme le rétamage, le rémoulage, ou comme vendeurs forains, colporteurs, restaurateur de meubles, commerce de vieux métaux, de vêtements, de tapis ou d’antiquités. Le nomadisme demeure cependant un élément essentiel de l’identité culturelle des gens du voyage, intrinsèquement liée à l’exercice de leurs différentes activités professionnelles. (apic/be)
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