Apic – Portrait
La vie d’abord
Jürg Meienberg*, traduction et adaptation Jacques Berset
Bienne, 12 avril 2006 (Apic) Le Biennois Peter Friedli, 48 ans, sera ordonné prêtre le 30 avril à Soleure. Il a été ordonné diacre en novembre dernier par Mgr Denis Theurillat, évêque auxiliaire de Bâle. L’ancien rédacteur d’ »Angelus », le bulletin paroissial de Bienne et environ, est père de deux fils jumeaux et veuf depuis 2003.
Quand, après toutes ces années au service de l’Eglise et après tous ces coups du destin, l’idée lui revint de devenir prêtre, il a d’abord réagi avec colère: « Au début, je trouvais cela pas du tout amusant! »
La mort suite à un cancer de sa femme Susanne mettait brutalement un terme à une union de 26 ans, pleine de joies, de visions, d’expériences et de difficultés surmontées en commun. Dans le vide qui a suivi la disparition de Susanne, en plein dans la nostalgie de l’être perdu, le désir de retourner dans le travail pastoral a fait son chemin. Et pour Peter Friedli, la vocation à la prêtrise a ressurgi. Mais le Biennois utilise le mot vocation avec prudence. Il était de toute façon conscient que cet appel n’allait pas provoquer une joie totale.
Le père comme exemple
Peter Friedli a grandi avec six frères et soeurs. Markus, l’un de ses frères, est diacre, Il dirige depuis des années le secrétariat spécialisé « Kirche im Dialog » (Eglise en dialogue) à Berne. Peter a passé son enfance à Soleure, fils d’une mère catholique et d’un père converti par conviction. Il était un véritable exemple pour ses enfants, avec sa façon d’allier spirituel et christianisme vécu.
Le scoutisme catholique, les engagements comme servant de messe et lecteur, les messes pour jeunes, le travail avec la jeunesse, les expériences positives avec des catéchistes et des prêtres convaincants, la chaleur trouvée dans le couvent « Namen Jesu » à Soleure – c’est dans sa lumineuse église que le théologien a été ordonné diacre – avaient déjà marqué le chemin de Peter. Après son école de commerce, il fréquente l’Institut catéchétique de Lucerne, tout en habitant au séminaire St-Béat.
« C’était un temps plein d’expériences et d’éveil », lance le diacre dont les cheveux sont désormais poivre et sel. Et de souligner qu’il répéterait volontiers cette période initiatique. Après ses études, il travailla durant trois ans comme « catéchiste de la cathédrale » à Soleure.
Mariage et engagement au Pérou
Sa femme Susanne, il la connaissait dès l’école primaire, mais c’est chez les scouts qu’il y eut vraiment le coup de foudre. C’est en 1980 que les deux amoureux se marièrent dans le couvent « Namen Jesu », devant le même autel où il allait recevoir, 25 ans plus tard, l’ordination diaconale.
A l’époque, il avait laissé tombé son intention de devenir prêtre en suivant la « troisième voie » de formation. Le mariage lui paraissait alors plus important. « C’était une décision bien fondée. Je voulais vivre avec Susanne, fonder une famille. Alors, devenir prêtre n’était plus de mise ». Mais au fond, souligne Peter Friedli, « je ne vois pas encore aujourd’hui pourquoi être prêtre pour notre Eglise ne peut se conjuguer avec le sacrement du mariage ».
Après le mariage, les deux époux envisagent trois perspectives: les enfants, la formation d’agent pastoral, et l’engagement dans le tiers monde avec les missionnaires de Bethléem Immensee. C’est ce dernier engagement qu’ils choisirent d’abord. Tous deux travaillèrent six ans et demi à Cuzco, au Pérou, en aidant à mettre en place une paroisse, en réalisant des projets sanitaires et d’adduction d’eau, en participant à la messe avec les paroissiens.
Ce projet de pastorale intégrale, reliant le quotidien et les fêtes religieuses, a marqué Peter et Susanne de façon durable. Elle correspondait bien à ce vivait le père de Peter. C’est à Cuzco que naquirent les deux fils – des jumeaux -. Susanne tomba gravement malade, à cause d’une forte jaunisse.
Des semaines d’attentes et d’espoir
C’était en 1986. Cette période, pour la jeune famille, a été marquée par des semaines d’attente et d’espoir. Finalement, Susanne s’en remettra. Les jumeaux devant commencer l’école, ils rentrèrent en Suisse. Mais le contact avec Cuzco et ses habitants n’a jamais été coupé. Un des fils se trouvait d’ailleurs au Pérou pendant l’ordination diaconale de Peter, en novembre dernier.
Peter Friedli a étudié la théologie à Coire, vivant durant deux ans avec sa famille à Sargans, dans le canton de St-Gall, et pris la responsabilité de la paroisse, comme « Gemeindeleiter », de Derendingen, dans le canton de Soleure. Les années passées là furent tout à la fois importantes et difficiles: « Nous avons vécu quelques conflits. J’étais le premier responsable de paroisse non ordonné. Ce n’était pas facile, en tant que famille, de vivre à la cure. Mais nous avons également réussi à mettre en oeuvre des expériences glanées à Cuzco ».
Après sept ans, la famille quitte la paroisse. Peter Friedli est alors un an sans travail. Il avait certes plus de temps pour ses deux enfants: « Aujourd’hui, je comprends mieux la situation des gens au chômage, je suis donc content de cette expérience. Mais à l’époque, c’était très pénible. » C’est en ce temps-là que sa femme Susanne fut atteinte d’un cancer.
Quand il fut nommé rédacteur de l’ »Angelus », la situation s’améliora et Susanne supportait bien la chimiothérapie. Mais après quatre ans, la maladie était à nouveau là, et son épouse décédera le 28 juillet 2003, le jour de la fête nationale du Pérou. « Pour moi, ce n’est pas un hasard! », remarque Peter, qui devient alors silencieux.
Aussi intégralement que le mariage
« Et c’est alors que j’ai ressenti que ma décision de devenir prêtre était aussi totale que fut à l’époque celle du mariage avec Susanne. Après 26 ans de service dans l’Eglise, à divers niveaux, je sais à quoi je m’engage. Je n’ai plus 20 ans. » Peter regarde par dessus la table: « Je saisis volontiers la possibilité de m’engager dans l’Eglise, avec toutes mes compétences ».
Des questions importantes accompagnent sa vision du travail pastoral: « Ce que je fais, est-ce que cela libère, est-ce que cela sert la vie, bâtit la communauté? » Naturellement, Peter est conscient des dilemmes et des contradictions que va lui apporter cette décision.
Il y a par exemple cette réalité que la mort de sa partenaire est également décisive dans le choix du sacerdoce et le fait que dans l’Eglise les femmes ne peuvent pas être traitées à égalité en ce qui concerne la prêtrise, et que des réformes devraient être entreprises.
« Au Pérou et à travers mon parcours, j’ai appris ceci: la vie d’abord. En mettant ensemble le quotidien et la fête, on intègre les dilemmes et les contradictions. » Et les fils ? Ils ont laissé passé une nuit avant de lui répondre. Ils ont alors dit tous deux: « Ce que tu fais nous est égal, l’essentiel, c’est que tu sois heureux! » JB
*Jürg Meienberg est rédacteur du bulletin de paroisse « Berner Pfarrblatt ».
Des photos de Peter Friedli peuvent être commandées auprès de l’agence Apic: kipa@kipa-apic.ch
(apic/jm/be)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse