Romandie : Plus de 350 laïcs sont engagés professionnellement en pastorale

Apic enquête

Au nom de leur vocation de baptisés

Bernard Bovigny, agence Apic

Fribourg, 31 mai 2006 (Apic) C’est au début des années 70 que les premiers laïcs oeuvrent professionnellement en pastorale dans l’Eglise catholique en Suisse romande. Engagés d’abord pour « pallier le manque de prêtres » ou pour « aider monsieur le curé qui ne peut pas tout faire », il faudra attendre plusieurs décennies avant que leur ministère ne soit vraiment reconnu par les fidèles, et souvent par le clergé lui-même.

L’engagement professionnel de laïcs en Suisse n’est pas directement un des fruits du Concile Vatican II. Il fait suite au manque de prêtres, provoqué par la crise des vocations à la fin des années 60. Cette analyse a été confiée à l’Apic par Gérald Crausaz, responsable de la pastorale des adultes et ancien directeur du Centre catéchétique dans le canton de Fribourg. Elle montre bien que les animateurs de jeunes, catéchistes professionnels ou autres assistants pastoraux (lesquels ne sont apparus qu’au début des années 80) ont dû essuyer beaucoup d’incompréhensions avant de se faire reconnaître.

En décrétant 2006 « année des vocations de baptisés », les évêques suisses rappellent que ce n’est pas dans un esprit de concurrence que les catholiques sont appelés à s’engager au service de l’Eglise. Et si certains d’entre eux – ils sont maintenant plus de 350 en Suisse romande – travaillent en pastorale, c’est au nom de leur baptême qu’ils ont répondu à l’appel du Christ « Viens, suis-moi ! » et non en vue de conquérir un certain pouvoir dans l’Eglise, comme l’a confié à l’Apic François-Xavier Amherdt, directeur de l’IFM (Institut romand de formation aux ministères) à Fribourg. On les trouve actuellement dans les équipes pastorales de secteurs, Centres catéchétiques, en animation des jeunes, dans les mouvements d’action catholique et, depuis quelques années, dans les aumôneries spécialisées : écoles, maisons de santé, établissements pénitentiaires, . BB

Fribourg: Les professions pastorales attirent toujours plus de laïcs

Le nombre d’étudiants a presque doublé depuis deux ans à l’IFM

Fribourg, 31 mai 2006 (Apic) Quelque 25 étudiants fréquentent actuellement l’IFM (Institut romand de formation aux ministères) à Fribourg et s’apprêtent à rejoindre les quelque 350 laïcs qui oeuvrent en pastorale en Suisse romande. La crise des vocations de prêtres a certes contribué à l’engagement professionnel des laïcs, mais ce n’est pas tout.

Pour François-Xavier Amherdt, directeur de l’IFM, de plus en plus de chrétiens sont attentifs aux besoins pastoraux, notamment auprès des enfants, des jeunes et des malades, et y répondent en se proposant comme agents pastoraux.

Apic: Est-il vrai que le nombre d’étudiants a presque doublé à l’IFM ces deux dernières années, comme l’a récemment affirmé Mgr Bernard Genoud, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg ?

F.-X: Amherdt: C’est vrai. Ils sont actuellement 25 à l’IFM, dont 9 en année finale. 11 ont débuté l’IFM en 2005. Une dizaine ont déjà été annoncés pour cet automne par les vicariats épiscopaux et presque autant se trouvent en période de discernement. Donc une grosse volée se profile pour l’année 2006-2007.

Cela est réjouissant, mais nous sommes aussi confrontés à quelques soucis. Comment, avec nos modestes moyens, prendre en charge au mieux toutes ces attentes individuelles? Comment assurer l’encadrement nécessaire pour tous (conseillers d’études, accompagnateurs spirituels, maîtres de stage, .)? De plus, il pourrait devenir difficile de garder le côté « familial » de la formation avec autant d’étudiants, qui partagent logement, repas, célébration. Il deviendrait également plus problématique d’assurer une interactivité entre animateurs et étudiants durant la formation, en prenant en compte les expériences pastorales de chacun.

Apic: Comment expliquez-vous cet afflux d’étudiants?

F.-X. A: D’une part, l’IFM a adopté plusieurs parcours de formation afin de répondre à la pluralité des situations (familiales, professionnelles, .). Le système de parcours sur 4 ans au lieu de 3, par exemple, rencontre un bon succès. Il s’adresse notamment à ceux qui exercent une activité professionnelle non pastorale à temps partiel, à ceux qui se remettent difficilement aux études après une longue interruption et à ceux et celles qui ont des enfants en bas âge.

D’autre part, par le biais de la CRFI que je coordonne (Commission Romande des Formations Initiales), nous avons établi des liens avec les parcours cantonaux de formation pour bénévoles (Galilée, FAL, FAME, Damaris, Siloé, Barnabé) où l’IFM est présentée et où il m’arrive d’intervenir comme animateur.

Enfin, l’équipe de direction de l’IFM a effectué deux tournées des vicariats épiscopaux, en plus des bilans de fin d’année, afin de répondre au mieux aux attentes des cantons.

Apic: Mais peut-on parler de « regain des vocations d’agents pastoraux laïcs »?

F.-X. A: Peut-être. Je dirais que l’offre de collaboration entre prêtres et laïcs, par la mise en place des équipes pastorales, a aussi incité des laïcs à s’engager au service de l’Eglise. Certains vicariats font face à beaucoup de demandes d’engagement et doivent effectuer un important travail de discernement.

Je relève également une autre évolution: même si elle n’est pas encore très connue du grand public, beaucoup de laïcs découvrent cette possibilité d’avoir une activité professionnelle en pastorale dans l’Eglise. L’idée passe toujours mieux que c’est au nom du sacerdoce baptismal et non comme bouche-trous ou pour pallier le manque de prêtres que des laïcs s’engagent. Je rencontre à l’IFM une volonté de collaboration, sans revendication de pouvoir ni concurrence de la part des laïcs. Ces agents pastoraux s’engagent par amour pour l’Eglise, dans un état d’esprit positif, dans le respect des divers ministères et de leurs spécificités.

Par ailleurs, une grande partie de la formation des futurs diacres permanents est assurée en lien avec l’IFM au moyen de sessions, ce qui permet d’établir des contacts réguliers. Le fait de se connaître permet d’ajuster la compréhension des ministères des uns et des autres. Du reste, les conflits qui apparaissent en pastorale sont davantage des conflits de personnalités que de ministères proprement dits.

Une raison économique vient s’ajouter à ce regain de vocations de laïcs: des postes pastoraux se créent ou se libèrent, en raison entre autres de la baisse du nombre de prêtres. Cela permet aux Fédérations cantonales de dégager plus aisément des moyens financiers pour assurer la formation à l’IFM.

Apic: Qui sont ces laïcs qui s’engagent professionnellement en pastorale?

F.-X. A: Il y a un peu de tout. D’abord des jeunes qui choisissent cet engagement comme profession. Ils deviennent souvent animateurs pastoraux en paroisse, auprès des jeunes ou en pastorale de la santé. Il y a aussi des catéchistes bénévoles, essentiellement des femmes, qui ont des années d’expérience et à qui on veut confier des responsabilités plus importantes. Il y a aussi des personnes qui arrivent à un certain âge, entre 40 et 50 ans, qui ont déjà un métier et qui se réorientent professionnellement.

Un nouveau profil apparaît. Il s’agit de personnes actives dans une profession à « prédisposition pastorale », comme des infirmiers ou des assistants sociaux, et qui complètent leur formation de base en vue de s’engager dans une pastorale catégorielle. Cette forme est encouragée notamment dans le canton de Vaud.

Parmi les étudiants de l’IFM se trouve environ un tiers d’hommes. Il n’y a actuellement qu’une religieuse, qui commence l’an prochain.

Apic: De quels cantons proviennent-ils?

F.-X. A: De tous les cantons romands sauf Genève, surtout pour des motifs financiers. Mais cela pourrait changer sous peu. Beaucoup proviennent de Vaud et Fribourg. Quelques-uns viennent du diocèse de Sion, du Jura et de la partie francophone de Berne, et un de Neuchâtel.

Apic: Certains agents pastoraux ne connaissent-ils pas un essoufflement après une dizaine d’années?

F.-X. A: Cela peut effectivement arriver. C’est un travail exigeant, qui demande beaucoup de disponibilités. Je prône pour ma part une redynamisation des ministères des agents pastoraux, par exemple par un changement d’activité au bout de quelques années. L’IFM peut y contribuer avec des modules ou des sessions de formation permanente.

Apic: Quelles sont les motivations des laïcs à s’engager en pastorale?

F.-X. A: La première motivation de ces laïcs est souvent la prise de conscience que cette possibilité de formation existe – il faut dire qu’elle reste encore largement ignorée du grand public. Ensuite, ils ont souvent accompli un engagement bénévole et cherchent un nouveau souffle à leur vie spirituelle. Enfin, plusieurs d’entre eux voient les besoins de l’Eglise, en particulier des enfants, des jeunes et des personnes en difficultés, et souhaitent offrir des formes renouvelées de réponses pastorales. Ainsi, dans certains milieux, comme dans le monde de la santé et les établissements pénitentiaires, des postes s’ouvrent aux laïcs.

Apic: Y a-t-il parmi eux des laïcs marqués par la « génération Jean Paul II »?

F.-X. A: Quelques-uns, oui. A l’IFM, l’un ou l’autre candidats semblent correspondre à ce profil de jeunes qui ont vécu les JMJ et veulent se mettre au service de l’Eglise. BB

Encadré :

Les laïcs engagés professionnellement au service de l’Eglise catholique

La situation dans les cantons romands :

Fribourg (régions romande et alémanique confondues) compte 132 agents pastoraux laïcs se partageant 78 postes plein-temps. Les femmes sont au nombre de 92, dont 8 religieuses, et les hommes 40, dont 2 religieux non prêtres.

Neuchâtel compte 38 laïcs, pour un équivalent d’environ 20 postes plein-temps. 30 sont des femmes (dont 6 religieuses) et 8 des hommes (dont un religieux).

Vaud compte 79 laïcs parmi ses agents pastoraux. 28 parmi eux sont des hommes, et 51 des femmes, dont 7 religieuses.

Genève compte 32 agents pastoraux laïcs, pour environ 23 postes plein-temps. Les femmes sont au nombre de 20, dont deux religieuses, et les hommes 12.

Pour le Jura pastoral (Jura et Berne francophone), 36 agents pastoraux laïcs se partagent environ 30 postes plein-temps. 19 parmi eux sont des femmes, dont trois religieuses, et 17 des hommes.

Dans la partie francophone du Valais, selon les estimations de l’an dernier, 41 agents pastoraux – avec des formations diverses – sont en activité avec un mandat de l’évêque. 25 sont des femmes et 16 des hommes.

Au total, la Suisse romande (plus la partie alémanique du canton de Fribourg), compte 358 agents pastoraux laïcs, dont 237 femmes (66,2%) et 121 hommes (33,8%). Environ 28 religieuses et 3 religieux non-prêtres sont recensés dans ces estimations.

Encadré :

Le nombre de candidats augmente

Si le terme « regain de demandes d’engagement » ne lui semble guère approprié, Joël Bielmann, adjoint au vicariat épiscopal de Fribourg, reconnaît que le nombre de candidats à un engagement au service de l’Eglise tend à augmenter depuis un ou deux ans. Cela est dû essentiellement, selon lui, à l’offre riche et variée en matière de formation, qui favorise un engagement professionnel en Eglise.

Dans d’autres cantons, comme Genève et Vaud, les vicariats épiscopaux reconnaissent qu’un intérêt réel se manifeste parmi les laïcs pour une activité au service de l’Eglise. Intérêt dû, selon le vicariat de Lausanne, à la diminution du nombre de prêtres et aux besoins de l’Eglise.

Les convictions exprimées par les laïcs en vue d’un tel engagement sont multiples. Joël Bielmann cite les convictions religieuses, l’envie de témoigner de sa foi, le désir de se mettre au service de l’Eglise et de répondre aux besoins spirituels de ses membres, l’aspiration à oeuvrer dans un domaine où les relations humaines prennent une place importante, le besoin d’un renouveau professionnel. Pour Marie-Antoinette Stouder Venzin, secrétaire du délégué épiscopal à Delémont, ce sont surtout les convictions chrétiennes, la perspective d’annoncer un message qui donne sens à la vie et les expériences vécues au service de l’Eglise qui poussent des laïcs à s’engager comme agents pastoraux. BB

Encadré :

Marylène Rusterholz: agent pastorale diplômée à 50 ans

Une grande majorité des laïcs engagés professionnellement au service de l’Eglise sont des femmes. La plupart d’entre elles se sont d’abord engagées plusieurs années comme bénévoles en catéchèse, avant de franchir le pas. C’est le cas de Marylène Rusterholz, de Moutier, qui va recevoir en juin son diplôme en pastorale à l’âge de 50 ans.

Mère de deux enfants adultes qui ont quitté le nid familial, Marylène Rusterholz a oeuvré durant trente ans au service de son secteur et de sa paroisse de Moutier avant de devenir agent pastoral. Institutrice de formation, elle n’avait pas trouvé d’emploi dans les années 70, une période marquée par une pléthore d’enseignants. Elle fait donc des remplacements – ce qu’elle n’a pas cessé de faire jusqu’à son entrée à l’IFM en 2002 – et accepte de se lancer dans la catéchèse. « La plupart des femmes s’engagent au moment où les enfants entrent à l’école. Pour ma part, je n’avais que 20 ans quand j’ai répondu à l’appel de mon curé », déclare-t-elle à l’Apic. Les années suivantes sont marquées par son mariage et la naissance des enfants, tout en conservant la catéchèse et, si le temps le lui permet, des remplacements comme institutrice.

Au fil des années, d’autres engagements viennent s’ajouter : deuxième groupe de catéchèse, formation des catéchistes de 4e année de son secteur, catéchèse familiale et animation du parcours de confirmation. Mais pourquoi attendre jusqu’à 50 ans avant de se former en pastorale ? Un premier déclic lui est venu lorsqu’elle a été confrontée aux questions des parents en catéchèse familiale ou de ceux des confirmands. « Je n’étais pas habituée à parler de la foi aux adultes », souligne-t-elle. Elle se lance entre 1989 et 1992 dans un parcours de formation pour laïcs bénévoles appelé FAL, et poursuit comme avant ses engagements pastoraux dans son secteur. La 2e impulsion a été l’interpellation de son curé, qui lui a proposé de se former à l’IFM à Fribourg. « J’ai perçu cela comme un envoi. Cet appel a provoqué le déclic », souligne-t-elle. Dès cet automne, au terme de son parcours de formation, elle travaillera à 25% comme animatrice au relais catéchétique de Bienne, tout en gardant ses nombreux engagements bénévoles actuels. BB

Encadré :

Blaise Curtenaz : ancien agent pastoral devenu éducateur

A 20 ans, après un apprentissage de mécanicien sur machines agricoles, il est engagé en 1988 comme animateur de jeunes au service de l’Eglise dans le canton de Fribourg. Dix ans plus tard, l’essoufflement. Et le questionnement sur son avenir professionnel. Y a-t-il une vie après la pastorale ? La réponse de Blaise Curtenaz.

Agé de 38 ans, marié et père de deux enfants de 4 ans et 2 ans et demi, Blaise Curtenaz est l’exemple type de ces agents pastoraux, souvent animateurs de jeunes, qui se sont donnés à fond dans leur activité durant une dizaine d’années avant de jeter l’éponge et de chercher un engagement hors Eglise. Pour certains, la perspective d’une vie familiale semble incompatible avec les horaires irréguliers, le travail le soir et le week-end ou une disponibilité totale. D’autres invoquent un salaire insuffisant. Pour Blaise Curtenaz, le problème s’est situé ailleurs. « Après dix ans comme animateur de jeunes, je voulais vivre un autre engagement. Et rien d’autre ne correspondait à ce que je voulais donner à l’Eglise. Je n’avais pas envie de travailler en paroisse ». Finalement, un poste d’éducateur lui est proposé par le Tremplin, une institution mandatée par l’Etat pour l’accompagnement des toxicomanes. « Finalement, cela a été un soulagement de quitter mon engagement dans l’Eglise », dit-il avec le recul. La structure pyramidale de l’institution ’Eglise’ n’avait souvent pas bonne presse auprès des jeunes et ne correspondait pas vraiment à ce à quoi il adhérait lui-même. « J’avais le sentiment bizarre de devoir rendre des comptes . qu’on ne me demandait d’ailleurs même pas », explique-t-il.

Après 7 ans passés au Tremplin, où son expérience de responsable cantonal dans l’animation de jeunesse lui a permis de devenir responsable d’équipe dans le domaine social, il est engagé depuis le 1er février 2006 à l’association des Centre de loisirs de Fribourg, comme successeur au centre La Vannerie du mythique Hubert Audriaz. Là aussi, son expérience au service de l’Eglise, à laquelle s’est ajoutée une formation post-grade comme responsable d’équipe dans le domaine social, lui a ouvert les portes de l’animation de jeunes dans la commune de Fribourg. (apic/bb)

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