Rome: Le secrétaire de la Congrégation pour le culte divin parle du Missel actuel de Paul VI

Apic Interview

Mgr Patabendige souhaite son « perfectionnement »

Propos recueillis à Rome par Antoine-Marie Izoard, I.Media

Rome, 23 juin 2006 (Apic) Mgr Albert Malcom Ranjith Patabendige regrette certains « résultats négatifs » de la réforme liturgique post-conciliaire et souhaite que la messe actuelle de Paul VI soit « bien étudiée et perfectionnée » au regard de certains aspects de la liturgie du passé.

Le Secrétaire de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements depuis décembre 2005, Mgr Albert Malcom Ranjith Patabendige, attend la décision du pape de lever le doute sur la validité du missel préconciliaire de saint Pie V, susceptible de satisfaire la frange traditionaliste de l’Eglise. Interrogé par l’agence I.Media, partenaire de l’Apic à Rome, l’évêque sri lankais a, en premier lieu, donné sa définition de la liturgie actuelle de l’Eglise :

Mgr Ranjith Patabendige: La vie liturgique de l’Eglise est le moment particulier dans lequel le fidèle a la possibilité d’entrer dans un rapport plus intime avec le Seigneur. Dans la vie liturgique, l’Evangile et la foi deviennent un choix. La foi n’est pas seulement intellectuelle, elle devient une chose du coeur et mène à un engagement. C’est dans l’expérience liturgique que ce rapport avec le Seigneur, la foi, se renforce et se transforme en vie. Pour cela, la liturgie est très importante. Le Concile Vatican II a tellement souhaité ce renouvellement, cet aggiornamento, dans lequel les fidèles comprennent ce qu’ils croient ou cherchent à comprendre. Ainsi, la liturgie devrait être le véhicule de ce renouvellement. Mais, malheureusement, après le Concile, certains changements peu réfléchis ont été faits, dans la rapidité, dans l’enthousiasme, dans le rejet de certaines exagérations du passé. Ceci a amené à une situation opposée à celle que l’on souhaitait.

Q.: Par exemple.

Mgr Ranjith Patabendige: On voit que la liturgie a pris des directions erronées comme l’abandon du sacré et de la mystique, la confusion entre le sacerdoce commun et le sacerdoce consacré avec un appel spécifique. En d’autres mots, la confusion des rôles entre les laïcs et les prêtres. Il y a aussi la vision du concept d’Eucharistie comme un banquet commun plutôt que l’accentuation sur la mémoire du sacrifice du Christ au calvaire et sur son efficacité sacramentelle pour le salut, ou encore certains changements comme d’avoir vidé les églises en les « protestantisant ». Ces changements de mentalité ont affaibli le rôle de la liturgie plutôt que de le renforcer. Ceci n’était pas l’idée de Sacrosanctum concilium (Constitution conciliaire sur la liturgie promulguée par Paul VI le 4 décembre 1963, ndlr) qui voulait que la liturgie soit participante, approfondie, mise plus en contact avec la Parole de Dieu et la signification de la catéchèse. Ceci a causé d’autres résultats négatifs pour la vie de l’Eglise. Ainsi, pour faire face à la progression du sécularisme dans le monde, il ne fallait pas devenir nous aussi sécularistes. Il fallait que nous approfondissions encore plus car le monde a toujours plus besoin de l’Esprit, de l’intériorité. En abandonnant certains aspects, nous avons perdu une occasion. On voit bien, chez des jeunes d’aujourd’hui, y compris chez de jeunes prêtres, une nostalgie du passé, une nostalgie pour certains aspects perdus. Il y a, en Europe, un réveil très positif.

Q.: Que peut faire la Congrégation pour le culte divin en ce sens ?

Mgr Ranjith Patabendige: Nous voulons rappeler à tous, surtout aux responsables comme les évêques, les commissions liturgiques ou les chercheurs, qu’il ne faut pas oublier ces aspects. Nous ne disons pas qu’il faut complètement abandonner les gains du Concile comme l’utilisation de la langue vernaculaire, l’usage substantiel des Ecritures sacrées. Mais, en renforçant ce que nous avons gagné lors du Concile, il faut aussi renforcer les acquis du passé.

Q.: Cela veut-il dire que le missel préconciliaire de saint Pie V doit être reconnu de nouveau?

Mgr Ranjith Patabendige: Cette question est de plus en plus fréquente. Cela démontre aussi que certains le voudraient. L’Eglise doit être sensible à ces urgences, que les gens sentent bien, et regagner certains aspects de la liturgie du passé. Je ne sais pas si cela doit prendre la forme d’une approbation du missel de saint Pie V ou d’un renouvellement du missel actuel (de Paul VI, ndlr). Le pape sait tout cela, il connaît ces questions, il en est bien conscient, il y réfléchit et nous attendons ses indications.

Q.: Le missel de saint Pie V a-t-il été réellement invalidé après le Concile Vatican II ?

Mgr Ranjith Patabendige: Il n’a jamais été aboli ou mis au ban. Mais, à cause de ce qui s’est passé avec les fidèles de Mgr Lefebvre, cette messe a pris une certaine identité qui n’est pas juste.

Q.: Cela signifie-t-il que l’Eglise devrait, en quelque sorte, « récupérer » le missel de saint Pie V ?

Mgr Ranjith Patabendige: C’est ce que nous attendons, que le pape décide à ce propos. Même si l’on récupère la messe de saint Pie V, la messe post-conciliaire de Paul VI doit être bien étudiée et perfectionnée là où c’est possible. C’est ce que certains appellent la réforme de la réforme. Si l’on approuve de nouveau la messe de saint Pie V, cela ne veut pas dire que celle de Paul VI restera inchangée. Il faut l’approfondir encore pour la faire devenir encore plus belle, plus transcendante.

Q.: Y a-t-il urgence à prendre de telles décisions ?

Mgr Ranjith Patabendige: Lorsqu’on se presse à prendre des décisions, on tombe dans l’erreur. Il faut beaucoup réfléchir, et surtout prier pour le pape et l’Eglise, et écouter ce que le Seigneur veut de nous. Sans émotion mais avec une objectivité absolue, en voyant le passé, ce que nous avons gagné, là où nous sommes trompés et comment nous pouvons retrouver ces aspects perdus. Les évêques sont appelés à devenir des pasteurs aimant leur peuple. Devenir les agents du salut de leurs fidèles, pas seulement d’un salut politique, mais aussi intérieur et profond. Cet amour doit nécessairement s’exprimer dans la joie de se consacrer à une vie liturgique joyeuse, mystique et sacrée. (apic/imedia/ami/pr)

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