« Guérir » politiquement et culturellement les maux du continent
Rome, 27 juin 2006 (Apic) La seconde Assemblée spéciale du Synode des évêques pour l’Afrique aura pour objectif de trouver des solutions politiques et économiques au maux du continent, « consciemment oublié dans ce monde en construction ».
Les grandes lignes (en latin Lineamenta) des questions préalables au second Synode spécial pour l’Afrique ont été présentées à la presse le 27 juin 2006. Le document de 64 pages et 5 chapitres dresse un tableau de la situation de l’Eglise catholique en Afrique. Une situation « favorable », au regard de la croissance du nombre de fidèles et de prêtres d’une Eglise jugée « dynamique et féconde ». Celle-ci est bien souvent « l’unique réalité qui fonctionne encore bien et permet aux populations de continuer à vivre ».Ainsi, face à une situation africaine qui « ne peut qu’interpeller les consciences », l’Eglise et « les grandes forces spirituelles » doivent créer « les conditions pour une nouvelle renaissance de l’Afrique au niveau religieux, social, économique et politique ».
Le document dénonce une certaine forme de néo-colonialisme sur un continent qui « aujourd’hui, plus que jamais, dépend des pays riches, et de manoeuvres visant à donner d’une main et reprendre de l’autre »; visant à maintenir une main-mise sur le déroulement de la vie politique, économique, sociale voire culturelle, des pays africains ».
Le Saint-Siège veut ainsi inviter les Eglises d’Afrique à « méditer » sur ces aspects socioculturels et sur « l’échec de l’Etat post-colonial dans la grande majorité des pays africains ».
Des Africains « véritablement démocrates »
L’un des défis est ainsi celui de « la bonne gouvernance et de la formation d’une classe politique capable de récupérer le meilleur des traditions ancestrales et de l’intégrer aux principes de gouvernance des sociétés modernes » dans le respect de « la pluralité ethnique » des nations, alors que « des crimes néfastes » sont justifiés par « une instrumentalisation des cultures africaines ». Il faut créer « des Etats de droit en Afrique, gouvernés par des Africains véritablement démocrates ». La question du commerce des armes demeurant le « signe éclatant de l’échec de la politique en Afrique ». En effet, le commerce international des armes « continue à maintenir l’Afrique en état perpétuel de guerre » dont « les ravages » constituent « un obstacle évident à tout processus de développement ».
Mais les Africains sont surtout appelés à prendre leur destin en main. « Si l’Occident doit s’interroger sur ses propres responsabilités, les Africains doivent également assumer leurs propres responsabilités ». Le Vatican invite ainsi les Africains à lutter contre l’analphabétisation et l’oubli des racines culturelles – car « l’enracinement dans sa propre culture, vécu positivement peut être enrichissant pour la réconciliation; la justice et la paix » – , mais aussi contre les discriminations sexuelles et les violences infligées aux femmes.
Ce travail auquel sont appelés les habitants du continent doit par ailleurs se fonder sur « le dialogue avec certaines communautés musulmanes et avec les adeptes de la religion traditionnelle africaine, ouverts à une collaboration en vue de l’avènement de la réconciliation ». En effet, « il est évident qu’il n’y aura pas de paix sans la collaboration entre les adeptes des diverses religions ». En ce qui concerne les religions traditionnelles africaines, « on ne saurait toutefois perdre de vue que certaines pratiques, telles que les rites contre les sortilèges, peuvent produire aujourd’hui des effets contraires et accentuer la haine et les divisions dans les sociétés ».
Faire la distinction entre l’islam et les musulmans
D’autre part, en ce qui concerne le dialogue avec l’Islam – « souvent un partenaire important et difficile » – il doit être compris « dans son dynamisme actuel, qui a des aspects qui ne sont pas toujours rassurants comme celui de l’intolérance religieuse ». Surtout, « son impact politique est tellement diversifié qu’il rend difficile l’établissement, de manière univoque, de modalités concrètes pour le dialogue, pourtant indispensable ». Par conséquent, « il est nécessaire d’opérer des distinctions entre sa dimension politique et sa dimension religieuse et, à l’intérieur de celle-ci, entre l’Islam et les musulmans ». Le document regrette par ailleurs la « grande influence vers les nouveaux mouvements religieux ».
L’Eglise catholique, elle, « n’est pas un moyen que l’on peut employer pour une quelconque idéologie », car « Jésus dédivinise le politique » et les « chrétiens s’opposent aux sorciers et aux sorcières modernes qui sèment partout en Afrique la misère et la mort, avec leurs armes et leurs politiques criminelles ». Ainsi, les Lineamenta rappellent que les évêques doivent être « impartiaux vis-à-vis du pouvoir politique et des idéologies des différentes formations à caractère politique et tribal » et « dénoncer les abus » de certains politiciens.
Le rôle des évêques et celui de l’Eglise en Afrique est donc de favoriser « la formation de la conscience politique », à laquelle les laïcs catholiques sont aussi appelés à apporter leur contribution en prenant « conscience de leur responsabilité politique dans le domaine de la vie économique et politique ». Le Saint-Siège souhaite ainsi la formation « d’une élite chrétienne capable d’exercer une forte influence dans la transformation positive de l’Afrique ».
Promouvoir une résolution non violente des conflits
Cette dernière passe par « le pardon » qui « n’est pas facile dans cette Afrique dominée par la violence ». »Il n’exige pas l’oubli, mais la réconciliation avec les bourreaux. Seule la victime peut faire les premiers pas, seule elle peut pardonner ». C’est donc « une culture de paix » que l’Eglise catholique voudrait voir se développer en Afrique. En effet, « la violence et la guerre sont comme un produit culturel né dans le quotidien de la société, basé sur un paradigme belliqueux qui nous éduque à la violence (.) ». « La non-violence et la paix sont des entités culturelles, donc à construire, à enseigner, à apprendre. Elles ont quelque chose à voir avec la politique, l’économie, l’organisation sociale, mais aussi l’éducation et la religion ». « La résolution non-violente des conflits n’est pas une utopie ou une fiction », concluent les Lineamenta.
Fin février 2006, le Conseil spécial pour l’Afrique du Synode des évêques s’était réuni au Vatican pour préparer, selon « les dispositions » données par Benoît XVI, la deuxième assemblée spéciale pour l’Afrique. Les membres du Conseil avaient travaillé à l’élaboration d’un projet de Lineamenta pour cette assemblée, se fondant sur les conclusions de la première assemblée spéciale pour l’Afrique de 1994, et notamment sur l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa publiée l’année suivante par Jean Paul II.
Une initiative de Jean Paul II
Jean Paul II avait convoqué à Rome une première assemblée synodale pour l’Afrique du 10 avril au 8 mai 1994. Il avait ensuite promulgué l’Exhortation apostolique Ecclesia in Africa en 1995. Le 13 novembre 2004, il avait annoncé qu’il avait l’intention de convoquer une seconde assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des évêques, mais sans en donner les dates. « Confirmant ce qu’avait décidé mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II le 13 novembre 2004, je souhaite annoncer mon intention de convoquer la seconde assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des évêques », avait déclaré à son tour Benoît XVI le 22 juin 2005, lors de l’audience générale sur la place Saint-Pierre et devant les 15 membres du Conseil spécial pour l’Afrique du Synode des évêques.
Si aucune date n’a encore été fixée pour cette seconde assemblée, les réponses aux 32 questions des Lineamenta devront parvenir à Rome au plus tard à la fin du mois d’octobre 2008. Après avoir été soumis au pape, les Lineamenta sont envoyés aux évêques résidentiels, à des membres de la curie romaine et de l’Union des supérieurs généraux, de façon à élaborer, dans une phase successive, l’Instrumentum laboris sur lequel travaillera le Synode sur le thème « l’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. ’Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde’ », (Mt 5,13.14). (apic/imedia/hy/vb)
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