Suisse: les musulmans convertis au christianisme cachent leur changement de religion

Apic dossier

Priorité à sa propre sécurité et à celle de ses proches

Georges Scherrer / Traduction: Bernard Bovigny

Fribourg, 19 juillet 2006 (Apic) Combien parmi eux vivent en Suisse? Nous ne le savons pas. Ni les Eglises ni les autorités fédérales ne connaissent le nombre de musulmans convertis au christianisme. Les concernés eux-mêmes cachent leur conversion. Car «l’apostasie», à savoir le renoncement public de sa foi, peut être puni de peine de mort dans l’islam.

Ibrahim vit depuis une année avec sa femme en Suisse. Elle est une convertie. Même si elle ne le dit pas, c’est par amour pour son mari qu’elle s’est d’abord tournée vers le christianisme. La lecture de la Bible lui a facilité le passage dans sa nouvelle communauté religieuse. Elle a été séduite par le Christ, tout comme par la compréhension de Dieu telle qu’elle est transmise par les chrétiens.

Ibrahim pourrait citer les noms de six autres couples convertis, qui vivent en Suisse allemande. Mais il ne le fera pas. Il gardera également le silence sur les circonstances exactes de la conversion de son épouse dans son pays. Tous deux ont été l’objet de poursuites et auraient dû aller en prison. Ibrahim n’en dira pas plus, afin de préserver la sécurité des personnes et des organisations qui les ont aidés. D’autres convertis doivent pouvoir continuer de bénéficier de leur protection.

«Accidents domestiques» en Allemagne

Certains chiffres tendent à démontrer que la conversion des musulmans au christianisme peut s’avérer dangereuse. Selon, l’Organisation internationale pour les droits humains à Francfort, cinq anciens musulmans devenus chrétiens perdent en moyenne la vie dans des circonstances inexpliquées en Allemagne. L’organisation a fait des recherches sur des «suicides mystérieux» et des «accidents domestiques» touchant d’ex-musulmans. Chez tous, le moment du décès est intervenu peu après qu’ils aient annoncé leur conversion aux membres de leur famille.

Le directeur de l’Institut des archives islamiques à Soest, en Allemagne, estime à environ 60 par année le nombre de musulmans convertis au christianisme dans son pays. Mais, tout comme en Suisse, une recension exacte n’est pas disponible. Elle est même impossible à réaliser.

Amnesty International explique que les musulmans convertis à une autre religion commettent une «apostasie», très sévèrement sanctionnée selon la charia. Le droit islamique classe l’apostasie parmi les plus hautes trahisons à l’Etat et à la société. Elle peut être punie de la peine de mort, notamment là où la charia sert de levier à la société.

Un motif possible pour accorder l’asile

En Suisse, la conversion de l’islam au christianisme peut être prise en compte, dans certains cas, comme motif d’asile, affirme l’Office fédéral des migrations à Berne, interrogé par l’Apic. Mais il ne peut préciser à quelle confession ces convertis ont adhéré. Un changement de religion peut aboutir à l’asile politique dans le cas où le concerné est sujet à des discriminations ou des persécutions dans son pays d’origine en raison de son appartenance religieuse. L’asile peut également être accordée si la personne a de sérieuses craintes de se voir discriminée pour des motifs religieux.

En cas de doute, l’Office fédéral des migrations s’adresse à l’Eglise à laquelle le converti a adhéré, afin de mesurer la crédibilité de la conversion. Le concerné a rejoint, dans la plupart des cas, une Eglise chrétienne présente dans son pays d’origine. En Egypte, par exemple, il s’agit de l’Eglise copte, et en Syrie de l’Eglise arménienne apostolique.

Pas de statistiques sur les convertis en Suisse

L’Eglise catholique en Suisse n’établit aucune statistique sur les conversions. Les évêchés interrogés par l’Apic n’ont donné aucune information précise à ce sujet, tout comme migratio, la commission de la Conférence épiscopale suisse pour les migrants, et Caritas-Suisse, qui apporte toutefois son aide à Ibrahim et à son épouse. Ibrahim l’affirme d’ailleurs: «Sans Caritas, il n’y a aucune survie possible pour nous ici». Le jeune homme a une formation de dessinateur technique et cherche du travail. Mais son permis B le limite beaucoup dans ses recherches d’emploi. Interrogé sur l’importance de la foi dans sa vie, il répond: «Que je trouve du travail est pour le moment plus important.

Son épouse espère débuter une formation de trois ans d’aide-soignante à la Croix-Rouge. Mais cette formation est coûteuse. Le couple doit pour l’instant se familiariser davantage avec une des langues nationales, afin de faciliter les démarches dans les recherches d’emploi. (apic/gs/bb)

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