L’enthousiasme et la fierté des Bavarois pour « leur » pape
De Munich, Ariane Rollier, de l’agence I.MEDIA
Munich 14 septembre 2006 (Apic) C’est avec enthousiasme que les Bavarois ont accueilli leur pape au début septembre. Dans les petites villes et villages où a vécu Joseph Ratzinger quand il était enfant, ses concitoyens manifestent leur fierté de l’avoir connu personnellement, bien avant qu’il soit élu sur le siège de Pierre.
A son retour de Munich, le 14 septembre, l’avion du pape affrété par la Lufthansa a survolé, pour lui, chacune de ces bourgades: Aschau-am-Inn, Tittmoning et Traunstein. I.MEDIA s’est rendu dans l’arrière-pays souvent méconnu de cette Bavière, à laquelle le pape est très attaché.
Né à Martkl-am-Inn le 16 avril 1927, Joseph Ratzinger n’en a pas gardé de souvenirs. Sa famille a quitté la ville deux ans plus tard. Baptisé dans l’église saint-Oswald, il y est retourné pour « la première fois » au cours de ce voyage, selon Mgr Engelbert Siebler, évêque auxiliaire de Munich, qui le connaît bien. L’ancienne maison des Ratzinger, devant laquelle le pape est passé le 11 septembre 2006, a été rachetée peu de temps après son élection par la fondation ’Stiftung Geburstshaus Papst Benedikt XVI’, en lien avec l’archevêché de Munich, afin d’en faire un lieu privilégié de rencontre autour de la figure du pape et de son message. La maison sera ainsi ouverte au public dès le 16 septembre et jusqu’à fin octobre 2006, tandis que le musée qui y logera sera inauguré à l’occasion du 80e anniversaire du pape, en avril prochain.
En 1929, la famille Ratzinger déménage à Tittmoning, au sud d’Altötting et de Marktl-am-Inn, au nord-est de Munich. Cette petite ville, dont le pont fait frontière avec l’Autriche, est située sur la Salzach. Tittmoning « est restée le pays des rêves de mon enfance », raconte le pape dans son livre « Ma vie, souvenirs ». Son architecture rappelle celle de Salzbourg, avec ses belles façades colorées. Sur les hauteurs de la ville, se dresse une grande forteresse. Non loin, dans les bois surplombant la bourgade, coule la rivière Ponlach, au bord de laquelle fut construite une chapelle en l’honneur de la Vierge. Joseph Ratzinger aimait se rendre dans ce lieu tranquille avec sa mère et son frère et sa soeur. « Nous y montions souvent en pèlerinage, nous laissant envahir par la paix émanant de ces lieux ».
Un enfant surnommé ’Bepperl’
Mais c’est sur la grande place que se dresse la demeure de la famille Ratzinger, au coeur de la ville. Cette belle maison à façade rose appartenait autrefois au chapitre conventuel. Les habitants de Tittmoning, où le petit Joseph vécut trois ans, sont fiers d’avoir pour pape un enfant du pays. Anne-Marie Erlacher se souvient d’avoir été à l’école maternelle avec celui qu’on appelait alors ’Bepperl’, surnom bavarois couramment donné à ceux qui portent le nom de Joseph. Il était connu comme « le fils du gendarme », se rappelle la vieille dame au regard azur, brandissant fièrement une photo noir et blanc des 37 enfants de sa classe. Il était déjà « calme », si bien qu’on ne le remarquait pas, poursuit-elle, en indiquant du doigt le futur pape sur sa photo. La femme explique aussi que l’école maternelle de l’époque était particulièrement empreinte de religiosité, les enfants priant matin et soir. Si les Ratzinger formaient une famille sympathique, ils ne restèrent pas longtemps à Tittmoning, souligne-t-elle aussi.
Joseph Ratzinger, le père de Benoît XVI, s’étant fait trop remarquer en s’opposant aux chemises brunes décida fin 1932, de déménager à Aschau-sur-Inn, village situé non loin de Tittmoning. Les Ratzinger emménagèrent dans une villa construire par un fermier, qu’on peut encore admirer aujourd’hui. « Il y avait un jardin devant la maison avec une belle croix, une grande prairie avec un étang à carpes », se souvient le pape dans ses mémoires. La bâtisse est grande et l’environnement agréable. Les villageois sont très accueillants, mais leur accent difficile à comprendre. Une ferme, sur la Papst-Benedikt XVI Weg (le Chemin pape Benoît XVI) est décorée d’un drapeau aux couleurs du Vatican. On sent la fierté des habitants de connaître le pape et sa famille depuis si longtemps. Une vieille femme, amie de Marie Ratzinger, la mère de Joseph, offre les pâtisseries qu’elle cuisine à l’ancienne, faisant des commentaires dans un dialecte typique. Elle se souvient d’une fois où elle en avait données aux enfants Ratzinger, lesquels avaient tout dévoré. Un peu en dehors du village, se trouve la petite église néo-gothique des saint Vitos et sainte Anne, où se rendait souvent le pape quand il était jeune. C’est à Aschau am Inn, qu’il fit sa première communion.
Les Ratzinger ont toujours été de bons catholiques
De là, la vue sur la Bavière et les Alpes est imprenable. Irene Rieger, la cousine du pape coté maternel, confie que les Ratzinger ont toujours été de bons catholiques, plongés aussi dans les traditions bavaroises. « La vie paysanne était encore solidement en symbiose avec la foi de l’Eglise: naissance et mort, mariage et maladie, semailles et moisson, tout était imprégné de foi », se souvient le pape dans son livre autobiographique. Plus jeune que Benoît XVI, ’die Irene’ n’en est pas restée très proche. Elle garde néanmoins contact avec lui: il a ainsi répondu à la lettre qu’elle lui avait écrite au moment de son élection.
En 1937, Joseph partit pour Traunstein, à une cinquantaine de km d’Aschau afin d’y poursuivre sa scolarité puis de commencer ses études. Ses parents vivaient dans une vieille ferme à la sortie de la ville, dans un quartier du nom d’Hufschalg. Joseph était interne au séminaire saint Michael, où il retourna souvent par la suite. Dans ce grand bâtiment donnant sur un parc très vert, situé en périphérie de la ville, mûrit sa vocation à la prêtrise. « L’année liturgique jalonnait le temps, ce qui, enfant, me remplissait le coeur de joie et de reconnaissance », raconte-t-il dans « Ma vie ». Les Ratzinger s’attachèrent à la ville et à son séminaire, où ils revinrent de nombreuses fois pendant leurs vacances avec leur soeur aînée, Marie. Le professeur Joseph Ratzinger aimait passer l’été là, avec son frère Georg, priant et écrivant beaucoup. Ses vacances étaient très studieuses se souvient Mgr Engelbert Siebler, ancien recteur du séminaire et ami du pape. Il y a écrit « de très nombreux livres ». Le matin, il écrivait et l’après-midi, il m’appelait pour que « j’enregistre ce qu’il dictait », raconte-t-il également.
Un agenda toujours plein
Cardinal, Joseph Ratzinger venait souvent au séminaire de Traunstein avec son frère. « Cette très belle ville m’est devenue tellement chère que, depuis Rome, presque chaque année, j’y suis retourné pour quelques jours de vacances ». Il est possible de visiter sa chambre, au 2e étage du bâtiment, ou plutôt sa suite, avec un grand bureau, une chambre privée et une chambre pour le secrétaire particulier. Le cardinal, qui y passait généralement la première semaine de janvier, célébrait le matin la messe avec son frère, puis lui lisait les journaux, Georg Ratzinger ayant des problèmes de vue. Ensuite, il lisait et écrivait. Son agenda était toujours plein, se souvient le recteur du séminaire, le père Thomas Frauenlob, précisant que la dernière fois qu’il est venu remonte à 2005, quelques mois avant son élection.
Dans le couloir menant à la chapelle, un portrait du jeune cardinal est accroché au mur, tout comme celui du cardinal Michael Faulhaber (1869-1952), le fondateur du séminaire, qui avait suscité chez le petit Joseph le désir de devenir lui aussi cardinal. « Quand le cardinal Faulhaber est venu dans notre région, avec sa formidable pourpre », il m’en a « imposé » et « j’ai dit que j’aimerais devenir quelque chose comme cela », raconte en effet le pape dans son livre « Le Sel de la terre » (1997). C’est également lui qui ordonna prêtre le jeune Joseph, âgé de 24 ans, le 29 juin 1951.
Une cloche nommée Benoît XVI
Les habitants de Traunstein portent aussi en eux le souvenir de la famille Ratzinger. Une cloche gravée du nom de Benoît XVI a ainsi été hissée, le 13 septembre, sur le clocher du séminaire, d’où par beau temps, la vue sur la campagne bavaroise est imprenable. Le célèbre lac Chiemsee de Louis II de Bavière n’est pas loin.
A Traunstein, on peut aussi passer par l’église saint-Oswald, où les Pères Georg et Joseph Ratzinger, à peine ordonnés, célébrèrent leur première messe, en 1951. « Le jour de ma première messe, notre église saint-Oswald brillait de tout son éclat », se souvient le pape dans « Ma vie », parlant de la joie qui « emplit tout l’espace de manière presque tangible ». Là, officie encore un vieux prêtre qui célébra lui aussi sa première messe avec eux. La mairie, à deux pas, présente en outre une exposition sur Joseph Ratzinger et la papauté, photos et articles de journaux inédits à l’appui. La ville de Traunstein a conféré cette année la citoyenneté honoraire à Benoît XVI.
Joseph Ratzinger entra ensuite au séminaire de Freising, en 1945, où il passa deux ans, après avoir dû travailler comme militaire en raison de la guerre. Puis, en 1947, il partit pour le séminaire de Munich. Il vécut ensuite successivement à Freising (1954-1959), à Bonn (1959-1963), à Münster (1963-1966) et à Tübingen (1966-1969), où il enseigna la théologie. Entre temps, il suivit le Concile Vatican II (1962-1965) en tant que conseiller théologique du cardinal Joseph Frings. Puis, en 1969, il fut nommé professeur de théologie à l’Université de Ratisbonne, à peine fondée. C’est en juillet 1976 qu’il fut nommé archevêque de Munich-Freising, charge qu’il quitta pour Rome en 1981.
Le cardinal Ratzinger qui est resté à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi pendant 23 ans souhaitait prendre sa retraite depuis un moment, lorsqu’il fut élu pape. Il avait pour projet de retourner dans sa maison de Pentling, qu’il acquit en 1969 et où il vécut jusqu’en 1977, lorsqu’il était professeur à Ratisbonne. Il souhaitait écrire notamment un livre sur Jésus. Mais, « devenu la bête de somme » de Dieu, comme il le dit lui-même, le ’Patron’ en a décidé autrement. « Si je reviens une nouvelle fois en Allemagne, ce sera pour moi une joie et je le considérerais comme un cadeau du Seigneur », a aussi confié le pape avant son arrivée à Munich, le 9 septembre. Peut-être que la joie avec laquelle il a été accueilli lui aura donné l’envie d’accepter l’invitation des évêques bavarois à venir passer de prochaines vacances dans la région comme il le faisait autrefois, au lieu de se rendre dans le Val d’Aoste. (apic/imedia/ar/bb)
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