Fribourg: Les Communautés Emmaüs fêtent 50 ans de présence en Suisse
Jacques Berset, agence Apic
Fribourg, 2 octobre 2006 (Apic) La politique s’occupe trop des « faibles » et pas assez des « forts », lançait sans rougir il y a une quinzaine de jours Pierre Mirabaud, président de l’Association suisse des banquiers. « Il osait qualifier les faibles de parasites qui ne doivent avoir aucune chance, car ce sont des gens abusant de l’aide sociale et des assurances sociales. C’est un discours indigne, méprisant », a fustigé dimanche soir Casimir Noël, président d’Emmaüs Fribourg.
Ce militant de longue date ouvrait ainsi les feux de la fête officielle du 50e anniversaire du Mouvement Emmaüs Suisse dans les locaux de la brocante d’Emmaüs à la Route de la Pisciculture à Fribourg. Il l’a fait avec fougue en présence d’une brochette d’invités, de représentants des autorités politiques religieuses, et de « compagnons » du mouvement des « chiffonniers d’Emmaüs » fondé au lendemain de la guerre par l’Abbé Pierre, « notre maître à penser ».
Evoquant les dysfonctionnements actuels de notre société, Casimir Noël s’est demandé « quelle valeur donne-t-on encore à l’homme aujourd’hui ? », en déplorant que la personne humaine ne soit plus considérée que comme un objet, un simple élément de production et de consommation.
« L’urgence est au partage! »
Pour lui, les dirigeants des grandes banques et des multinationales ne sont que les « nouveaux généraux qui conduisent la guerre économique actuelle, laquelle laisse un grand nombre de blessés sur le bord de la route ». Et d’affirmer sur le même ton qu’il y a maintes preuves que ce système est « pourri » et qu’il génère des injustices criantes.
Citant le message de l’Abbé Pierre lancé en cet hiver 54 où des familles mouraient de faim et de froid en banlieue parisienne, Casimir Noël a lancé: « Trop de pauvreté pour les uns, devant tant de richesses pour d’autres, l’urgence est au partage! »
Sur le même ton, le conseiller d’Etat fribourgeois Pascal Corminboeuf a déploré que l’on en vienne à supprimer l’homme dans la froideur des théories des Hautes écoles de « St-Gall et d’ailleurs ». Et de saluer les veilleurs et les éveilleurs du genre de l’Abbé Pierre ou de Raoul Follereau, l’apôtre des lépreux. Mais le chef de la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF) a souligné que le fait qu’Emmaüs fête ses 50 ans « démontre que bien peu ont entendu l’appel de l’hiver 54. »
Veilleurs et éveilleurs
Mais de ces veilleurs, Pascal Corminboeuf en voit toujours de nouveaux qui surgissent, comme le volontaire bullois de Frères sans Frontières Maurice Demierre, assassiné par les terroristes de la « contra » au Nicaragua il y a 20 ans, et dont le souvenir est évoqué ces jours-ci sur les écrans romands grâce au film de Stéphane Goël, « Que viva Maurizio Demierre ». Et de rappeler tous les sans noms qui renforcent la grande chaîne des justes.
« Moi je fais des théories, a-t-il alors lancé, tandis que vous, les compagnons et les responsables d’Emmaüs, vous êtes dans la pâte humaine. Il faut peut-être les deux pour bouger un peu ce monde inhumain. Merci d’être ces veilleurs et ces éveilleurs dont notre terre a tant besoin ».
Transmettant les salutations de l’évêque diocésain, Mgr Bernard Genoud, l’abbé Marc Donzé, nouveau vicaire épiscopal pour la partie francophone du canton de Fribourg, a relevé que les communautés Emmaüs – qui accueillent les marginalisés de la société- ont quelque chose de prophétique. « Pour moi, le génie d’Emmaüs, c’est que l’Abbé Pierre a parié sur la dignité des personnes et leur capacité de se remettre debout. Pas d’assistanat, il a voulu des compagnons, des travailleurs; il leur a fait prendre en charge ce que la société de consommation rejette… »
Ce message de dignité retrouvée a également été le leitmotiv de l’intervention de Marie-Thérèse Maradan Ledergerber, conseillère communale de Fribourg, responsable des Ecoles et des Affaires sociales de la ville. Critiquant ceux qui traitent les pauvres avec misérabilisme ou qui veulent baisser les budgets sociaux – ce sera le cas à Fribourg dès l’an prochain, avec la diminution des prestations sociales pour les familles, a-t-elle indiqué – Marie-Thérèse Maradan a relevé qu’il y avait pourtant « assez d’argent dans ce pays »
Président d’Emmaüs International, l’Italien Renzo Fior, venu de Paris pour la fête, s’est dit surpris d’entendre, en Suisse, des critiques contre les banques. Mais sans s’en offusquer pour tout autant, car pour lui, « Emmaüs, c’est autre chose que de l’assistanat, c’est un combat, un combat contre les causes de la misère! ».
Outre les interventions du président de la Fédération Emmaüs Suisse, Charles Faessler, d’Ernest Ansorge, vice-président de l’ »Association romande des Communautés Emmaüs » (ARCE), et de fondateurs du mouvement en Suisse comme Marcel Farine et Augustin Deshusses, c’est finalement un compagnon d’Emmaüs qui a conclu la partie officielle. Angel Adam a lu un message envoyé pour ce 50e anniversaire par l’Abbé Pierre, âgé aujourd’hui de 94 ans, qui encore une fois a demandé que l’on s’engage à continuer de servir « ceux qui sont laissés dehors et qui ont faim et froid ». JB
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