Mgr Bruguès fait face à la décroissance dans son diocèse

Berne: La Commission de planification pastorale de la CES (CPP) a fêté ses 40 ans

Berne, 17 novembre 2006 (Apic) Une centaine de personnes a participé jeudi à Berne, à l’occasion des 40 ans de la CPP, la Commission de planification pastorale de la Conférence des évêques suisses (CES), à une réflexion sur la restructuration de la pastorale à l’heure de la sécularisation.

L’hôte d’honneur de ce jubilé était un ancien professeur de théologie morale à l’Université de Fribourg, Mgr Jean-Louis Bruguès, évêque d’Angers depuis le printemps de l’an 2000. L’évêque originaire des Hautes-Pyrénées a présenté un modèle de réforme de la pastorale diocésaine dans une région de l’Ouest de la France autrefois très catholique et marquée au fer rouge par les guerres de Vendée, « premier génocide de l’époque moderne ».

Se définissant comme « l’évêque du creux » dans une région où les effectifs des pratiquants ont fondu depuis une bonne vingtaine d’années, il estime que rien ne sera plus comme avant et qu’il faut trouver de nouvelles formes d’évangélisation. Angers fut en effet un diocèse de référence dans l’Eglise de France; les prêtres y étaient près d’un millier au début des années 60, les ordinations de trente ou quarante jeunes prêtres issus des séminaires n’étaient pas rares, les congrégations religieuses pouvaient aligner quelque 20’000 religieuses dans les années 1920, et il y a trois décennies l’assistance à la messe dominicale dans certains bourgs atteignait encore 95%.

« Un visage de l’Eglise connu et aimé est en train de disparaître, rien ne pourra le ressusciter. Un autre peine à voir le jour. », estime-t-il. Un phénomène semblable à ce qui se passe au Québec, en Irlande, en Espagne.

Face à la décroissance

« La ’chrétienté angevine’ a longtemps fait référence dans le panorama de l’Eglise de France. Je suis arrivé après! », note l’évêque. Il ne se lamente pourtant pas sur cette décroissance vertigineuse, en particulier et paradoxalement dans les zones rurales. Il propose toute une panoplie de mesures. Mgr Bruguès met en avant cette « source de joie » représentée par les 600-700 adolescents qui font leur confirmation chaque année, les centaines de jeunes de son diocèse qui participent avec leur évêque au pèlerinage des adolescents à Lourdes ou aux Journées mondiales de la Jeunesse (JMJ) avec le pape. Il est cependant conscient du risque que ne s’installe ainsi une « Eglise à deux vitesses, comportant une élite et une masse ».

Face à ce processus d’auto-sécularisation et de privatisation de la religion qui est évacuée de la vie publique, face au tarissement des vocations et au vieillissement des cadres, l’évêque d’Angers estime qu’il faut faire le deuil d’une forme d’Eglise qui est morte: « Nous devons refondre l’Eglise et penser la sécularisation, car que nous l’aimions ou non, elle ne va pas s’arrêter demain et c’est le cadre dans lequel nous sommes appelés à vivre! ».

Le religieux dominicain relève que si les catholiques ont joué un rôle de premier plan dans l’histoire de cette société, on assiste depuis un moment déjà à une « éclipse de la mémoire », la jeune génération ayant perdu les références, voire les fondamentaux de la culture chrétienne. « Le défi d’aujourd’hui n’est plus celui de l’incroyance, note-t-il, mais celui de l’indifférence! »

Mgr Bruguès ne veut cependant pas se laisser aller au pessimisme: « Je suis un évêque heureux, car il y a de nombreuses ’pierres d’attente’ qui vont permettre un renouveau ». Dans son diocèse, il l’a mis en route en proposant des chemins nouveaux à la jeunesse, qui se fait rare dans les assemblées dominicales.

« 41% de toute la jeunesse du département fréquente les écoles catholiques; nous avons là un instrument d’évangélisation de première importance et il serait donc faux de dire que l’Eglise a perdu le contact avec les jeunes ». Il met aussi en garde contre le risque, face au manque de prêtres, de pousser les communautés à se passer du ministère ordonné.

Danger de « protestantisation » de l’Eglise

« Sans le dire, de manière subreptice, ne sommes-nous pas en train de pousser vers une ’protestantisation’ de l’Eglise, avec une perte de sacramentalité de l’Eglise et un rôle de plus en plus négligeable laissé au ministère ordonné? Les jeunes prêtres commencent à se plaindre de ne recevoir que des ministères d’accompagnement, alors qu’ils ont bien compris qu’ils étaient d’abord des pasteurs! » Face au manque de prêtres, Mgr Bruguès estime que son diocèse, qui a donné tant de prêtres aux missions, pourrait à son tour faire appel à des prêtres venus de l’étranger.

Son diocèse met également la priorité sur les vocations sacerdotales. Il a regroupé les paroisses en réseaux, en parlant de « mutualisation des ressources ». L’évêque se prépare à mettre en place de sept à neuf « pôles » pour assurer une nouvelle coopération entre les paroisses, tout en constituant un « réseau de lieux spirituels » s’appuyant sur des monastères et couvents déjà existants, et en intégrant des « communautés nouvelles » qui s’installent peu à peu dans le diocèse.

Face à la baisse du nombre de prêtres en activité, à celle de la pratique dominicale, à la réduction des moyens financiers (le diocèse doit réduire ses dépenses d’environ un tiers dans les trois années à venir), un besoin urgent de rationalisation s’est fait sentir. Mgr Bruguès a réduit – pas toujours sans mal face à certaines « féodalité » – le nombre des services diocésains de 32 à 7. L’évêque d’Angers se veut optimiste: la réforme a commencé dans de bonnes conditions, et le diocèse vient de plus d’entrer dans la démarche du synode diocésain. Elle a été lancée par la publication à Noël de l’an dernier d’une lettre pastorale intitulée « Cet avenir à aimer. L’Espérance pour l’Eglise d’Anjou ». JB

Encadré

La messe en latin: faire la différence entre traditionnels et traditionalistes

Les nouvelles concernant une éventuelle généralisation de la messe St Pie V, selon le rite tridentin, ont créé beaucoup d’incertitudes, notamment en France. « Dans mon diocèse, il y a deux sortes de traditionnels, affirme Mgr Bruguès, ceux qui sont restés fidèles à Rome et qui ont suivi le mouvement de l’Eglise avec constamment le désir de pouvoir célébrer selon le rite ancien, selon les textes de 1962. On a ensuite des traditionnels devenus des traditionalistes qui sont en dehors de l’Eglise catholique, lefebvristes ou autres. Sur cette deuxième catégorie, je n’ai aucune espèce de responsabilité ni d’influence ». Il y a dans le diocèse d’Angers six ou sept maisons de cette deuxième tendance.

Les traditionnels restés fidèles à Rome avaient reçu du prédécesseur de Mgr Bruguès l’indult, c’est-à-dire la permission de célébrer selon le rite ancien tous les dimanches et les jours de fête dans une chapelle qui venait d’être abandonnée par les religieuses de la Visitation. « Quand je suis arrivé à Angers, venant de Suisse, j’ai pensé qu’il s’agissait de nostalgiques du rite ancien, des gens d’un certain âge. J’ai pensé qu’avec le temps, leur nombre allait se réduire par la force des choses. Quand je leur ai rendu visite, j’ai été surpris de constater qu’il n’y avait presque pas de personnes âgées. Ce groupe relativement important – entre 250 et 300 personnes – était composé pour l’essentiel de jeunes familles qui n’avaient pour la plupart jamais connu le Concile. (.) J’ai demandé à une paroisse ordinaire de pouvoir les accueillir, en leur faisant la place, à la condition que le ou les prêtres concernés célèbrent selon le double rite. Cette décision date d’un an ».

Le jeune prêtre qui s’occupe de cette communauté – un ancien de la Fraternité St-Pierre – a accepté de s’incardiner dans le diocèse et de devenir l’aumônier de ce groupe « étant bien entendu qu’il participe à toutes les autres manifestations. il concélèbre, il vient à la messe chrismale, etc. » Mgr Bruguès estime que l’opération, malgré une campagne de presse hostile orchestrée au plan national (l’évêque d’Angers fut par ex. accusé de donner une paroisse aux ’tradis’), s’est révélée positive. Même si certains « anciens » de la paroisse d’accueil l’ont quittée pour se rendre dans d’autres paroisses.

« Je me suis toujours opposé à ce que, en dehors de l’eucharistie et des funérailles, les autres sacrements soient célébrés selon le rite ancien », insiste-t-il, en rappelant qu’à l’époque le cardinal Ratzinger à Rome lui avait demandé d’agir ainsi tant que la Commission « Ecclesia Dei » n’avait pas remis ses conclusions. « C’est ce qui s’est passé chez moi. Cela n’a pas été facile, mais je suis heureux de l’avoir fait. Car dans ma communauté de traditionnels, je n’ai pas eu l’ombre d’une revendication quelconque par rapport aux événements récents ».

Concernant la reconnaissance par Rome, dans l’archidiocèse de Bordeaux, de l’Institut du Bon Pasteur visant à accueillir des prêtres traditionalistes exclus de la Fraternité saint Pie X, Mgr Bruguès a estimé que c’était là pour le moins « un épisode malheureux » et un « mauvais calcul ». « Alors que cela n’avait rien à voir, cela a parasité complètement le débat sur la liturgie qui a suivi ». JB

Encadré

Mgr Jean-Louis Bruguès, évêque d’Angers, un ancien prof. de l’Université de Fribourg

Mgr Jean-Louis Bruguès est né le 22 novembre 1943 à Bagnères-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées. Mgr Jean-Louis Bruguès passe sa jeunesse à Béziers où il fait ses études secondaires au pensionnat de l’Immaculée-Conception, chez les frères des Ecoles chrétiennes (1948-1958), puis au Lycée Henri IV (1958-1960). Il poursuit ses études supérieures à la Faculté de droit de Montpellier (1960-1963), à la Faculté de lettres de Madrid (1963-1964), puis à Paris à l’Ecole des sciences politiques (1964-1966), à la Faculté de droit de Strasbourg (1970-1972). Il obtient plusieurs diplômes: diplôme d’études supérieures de droit (option: sciences politiques), maîtrise en sciences économiques, diplôme de l’Institut d’études politiques (IEP-Paris).

Entré au noviciat de l’Ordre des Frères prêcheurs à Lille (1968-1969), il poursuit ses études philosophiques et théologiques aux couvents de Strasbourg (1970-1972), de Paris (1972-1973) et de Toulouse (1973-1976). Dans l’Ordre des dominicains, il prononce ses voeux définitifs le 2 octobre 1972 et il est ordonné prêtre le 22 juin 1975 à Toulouse, pour la province de Toulouse. Prieur du Couvent des dominicains de Toulouse (1980-1986), puis de Bordeaux (1987-1990), il devient prieur de la Province de Toulouse (1993-1997). Il devient aussi le premier président élu du Conseil européen des provinciaux dominicains.

Le Père Bruguès commence à enseigner la théologie morale fondamentale à l’Institut catholique de Toulouse en 1976. En 1997, il enseigne comme professeur de théologie morale fondamentale à l’Université de Fribourg, en Suisse; son enseignement comprend aussi l’éthique de la sexualité, la bioéthique et l’esthétique.

Ses activités d’enseignement et de prédication lui ont permis de voyager en Asie, en Afrique, au Canada, aux Etats-Unis. Il a passé 18 mois à San Francisco (Californie) et s’est rendu fréquemment en Amérique latine. Il a fondé une mission dans l’Océan indien. Tout au long de son ministère, il a accompagné de nombreux groupes laïcs de réflexion chrétienne et a été pendant un temps aumônier des Scouts de France. Il a créé également une fraternité sacerdotale dominicaine. Auteur de nombreux ouvrages, il a été aussi prédicateur des conférences de Carême à Notre-Dame de Paris (1995-1997) et prédicateur aux messes radiodiffusées de France Culture. Il a été ordonné le 30 avril 2000 à Angers. JB

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