Rome, 26février(APIC) L’Eglise brésilienne vient d’être autorisée par le
Saint-Siège à instaurer, à titre d’expérience, un rite catholique intégrant
des éléments de la liturgie africaine. Cette décision fait suite à une requête introduite en avril 1989 par les évêques et les prêtres noirs du Brésil.
Sur les 70 millions de Noirs et de métis brésiliens (soit 50% de la population), 40 millions sont catholiques. Sur les 13’220 prêtres et les 376
évêques de la communauté catholique, le Brésil compte 230 prêtres et 7 évêques noirs seulement. Une cinquantaine de prêtres et deux évêques noirs
n’avaient pas attendu l’autorisation romaine pour introduire des éléments
africains dans la liturgie.
Les cultures afro-brésiliennes sont fortement présentes dans le pays. De
nombreux Brésiliens sont en effet les descendants de quelque quatre millions d’esclaves – c’est un minimun – qui, durant trois siècles
(1550-1850), ont été déportés d’Afrique au Brésil. On ne peut à ce sujet
avancer de statistiques rigoureuses en raison des archives volontairement
détruites deux ans après l’abolition de l’esclavage.
Ces Africains appartiennent à deux grands groupes: les Bantous et les
Soudanais. Leur présence a engendré une sorte de syncrétisme religieux:
baptisés par leurs « maîtres » tout-puissants, ils subissaient, en même temps
que le baptême, la mort de leur culture. D’où ce compromis par lequel ils
ont identifié leurs cultes ancestraux au culte des saints populaires du
christianisme: en mettant leurs anciens esprits sous le couvert des saints
populaires chrétiens, à l’insu des Blancs, ils ont pu préserver une certaine identité. C’est le problème des « orixa », sortes d’esprits qu’ils vénéraient en Afrique et auxquels ils ont donné des formes chrétiennes. Quant
aux sacrements, ils les ont vécus comme des rites qui transmettent la force
vitale.
Du mépris à l’acceptation
Sur ce processus de syncrétisme s’est greffée la fusion des rites africains. Les marchands évitant de réunir les esclaves provenant d’une même
région, leur dispersion a produit cet effet non voulu de la fusion de leurs
rites: c’est le « Candomble », refuge des esclaves opprimés à la recherche
d’une sécurité, auquel l’Afrique est vite apparue comme le paradis perdu.
Cet effort pour garder intacts les fondements de leur identité explique
sans doute que nombre de traditions africaines sont mieux conservées au
Brésil qu’en Afrique même. Dans une ville comme Sao Salvador de Bahia (deux
millions d’habitants), on trouve aujourd’hui 2.200 centres où se pratique
ce culte. Au début de ce siècle est apparu un autre phénomène, « l’Umbanda ».
Résultat d’une influence réciproque entre les cultes africains et amérindiens teintés d’un certain spiritisme d’origine européenne, l’Umbanda a
connu un réel essor dans les années 40, et l’on estime à 300.000 le nombre
de ses centres que fréquentent aujourd’hui plusieurs dizaines de millions
d’adeptes (qui continuent de se proclamer catholiques!).
Le problème le plus délicat est posé par le Candomble, qui n’a d’abord
suscité que mépris de la part de l’Eglise de 1530 à 1950, avant de donner
lieu à une polémique violente en raison d’une propension de ses adeptes à
vouloir se couper de l’Eglise pour se constituer en religion automne. On
constate en effet dans les rites afro-brésiliens une tendance à considérer
le christianisme comme une religion qui a participé à l’oppression des
Noirs. Ce n’est qu’au lendemain de Vatican II, et plus précisément à partir
de l’assemblée des évêques latino-américains tenue à Medellin (Colombie),
que l’on a assisté à un effort de compréhension et à un nouveau climat de
dialogue. C’est à ce climat que veut contribuer la récente décision romaine
en prenant en compte les consignes d’inculturation données par l’Eglise latino-américaine. (apic/cip/pr/ak)
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