France: Décès de l’abbé Pierre lundi matin à l’hôpital du Val de Grâce à Paris

Un « géant de la charité » nous a quittés

Paris, 22 janvier 2007 (Apic) L’abbé Pierre, fondateur des communautés des chiffonniers d’Emmaüs dans les années 50, est décédé lundi matin à l’hôpital du Val de Grâce à Paris. Ce « géant de la charité », symbole du combat contre la misère et pour la justice sociale, était âgé de 94 ans. Hospitalisé depuis le 14 janvier, il a été emporté par une infection pulmonaire.

Le vieil abbé barbu en soutane, qui paraissait à la fois si fragile et si rayonnant, a été durant de longues années au hit parade des personnes les plus aimées en France. Cette histoire d’amour avait commencé dès les années 50, notamment depuis ce triste hiver 54 où des familles mouraient de faim et de froid en banlieue parisienne. Il avait alors dénoncé de façon prophétique: « Trop de pauvreté pour les uns, devant tant de richesses pour d’autres, l’urgence est au partage! » C’est à cette occasion qu’il avait lancé sur les ondes de Radio Luxembourg son fameux appel à l’ »insurrection de la bonté ».

L’automne dernier, l’Abbé Pierre n’avait pu faire le déplacement de Fribourg, pour fêter le 50e anniversaire de la Communauté Emmaüs à la route de la Pisciculture, mais il avait encore une fois demandé que l’on s’engage à continuer de servir « ceux qui sont laissés dehors et qui ont faim et froid ». De son vrai nom Henri Grouès, cet ancien résistant a fondé la première Communauté Emmaüs en 1949.

Malgré la maladie et son grand âge, l’Abbé Pierre a continué jusqu’au bout sa lutte pour les « cabossés de la vie ». Il est encore descendu ces dernières années dans la rue pour défendre la cause des pauvres, en soutenant notamment l’association Droit au Logement (DAL).

Sympathie dans l’Eglise, malgré quelques « propos libres »

S’il n’était pas une personnalité de « l’Eglise institutionnelle », l’Abbé Pierre n’était pas en conflit avec elle, malgré quelques propos libres en faveur du mariage des prêtres, de l’ordination des femmes, voire de l’homoparentalité. Son image au sein de l’Eglise était même très positive, car il était une figure incarnant des valeurs essentielles comme la charité, la générosité, la lutte contre la pauvreté et la solidarité avec les plus pauvres.

Son soutien à son vieil ami le philosophe Roger Garaudy, un écrivain passé par le christianisme et le communisme avant de se convertir à l’islam, lui a fait perdre un temps sa grande popularité. Garaudy obtenait la sympathie de l’Abbé Pierre après avoir publié en 1996 un livre à caractère antisémite, « Les mythes fondateurs de la politique israélienne ». Il avait alors été publiquement désavoué par Mgr Jean-Marie Lustiger, à l’époque archevêque de Paris. Mais l’Abbé Pierre allait pourtant rapidement se remettre de ce « faux pas » et se retrouver à nouveau en tête de liste des personnes les plus admirées et aimées en France. JB

Encadré

Moine, prêtre diocésain, député, militant contre la misère et l’exclusion

L’Abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, est né en 1912 à Lyon dans une famille aisée. C’est à l’âge de 18 ans, renonçant à tout héritage, qu’il décide de devenir moine chez les capucins. Il passe six ans dans un petit couvent cloîtré près de Valence, avant d’en sortir pour des raisons de santé. Ordonné prêtre en 1938, il appartient au clergé du diocèse de Grenoble. Pendant la guerre, il vit la mobilisation comme sous-officier dans l’armée française.

Il entre dans la clandestinité, participe à la Résistance contre l’occupation nazie dès 1942, dans les maquis de la Chartreuse et du Vercors, avant de se faire arrêter en 1944, puis de s’évader en Algérie.

Député de Meurthe-et-Moselle de 1945 à 1951, où il siège au groupe MRP (Mouvement républicain populaire), c’est en 1949 qu’il fonde à Neuilly-Plaisance, à l’Est de Paris, la première Communauté Emmaüs, pour accueillir ceux qu’il appelle les « cabossés de la vie », ceux qui, après avoir connu toute une cascade d’échecs, se retrouvent au bas de l’échelle sociale, sans plus aucun filet de survie. Pendant le dur hiver 1954, des milliers de familles dans la rue souffrent de la faim, des adultes et des enfants meurent de froid. C’est alors que l’Abbé Pierre, indigné par un tel drame, alerte l’opinion publique: c’est « l’insurrection de la bonté » en France, qui aura également des répercussions en Suisse, où Genève voit naître sa propre communauté de chiffonniers en 1957. Aujourd’hui, en Suisse, on compte six communautés: Genève-Carouge, Etagnières, Sion, Rivera (au Tessin), Fribourg et La Chaux-de-Fonds. JB

Encadré

Des médailles et des livres

Médaillé de la Résistance, il est promu pour son combat contre la pauvreté Grand officier de la Légion d’honneur par le Président de la République française en 1992 mais il refuse de la porter jusqu’en 2001 pour protester contre le refus de l’Etat d’attribuer des logements vides à des sans domicile fixe (SDF). Le 14 juillet 2004, il est élevé à la dignité de Grand’ Croix de la Légion d’honneur.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont « Testament » (1994), « Confessions » (2002), « Je voulais être marin, missionnaire ou brigand. Carnets intimes et pensées choisies », rédigé avec Denis Lefèvre (2002), « Mon Dieu. pourquoi ? Petites méditations sur la foi chrétienne et le sens de la vie » (2005), qui est un recueil de petites méditations, rédigé avec Frédéric Lenoir, sur la foi chrétienne et le sens de la vie. Il y aborde également des sujets d’actualités comme le célibat des prêtres, l’ordination des femmes, le fanatisme religieux, le désir et le sexe, le mariage homosexuel. Les droits d’auteur de ses livres vont à des chantiers de logements sociaux. (apic/be)

webmaster@kath.ch

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/france-deces-de-l-abbe-pierre-lundi-matin-a-l-hopital-du-val-de-grace-a-paris/