Fribourg: Le Salesianum, fondé par les évêques diocésains de Suisse, fête ses 100 ans

Apic dossier

Une « Suisse miniature » avec des résidents de 22 nations

Katharina Rilling / Apic – Traduction: Bernard Bovigny

Fribourg, 28 février 2007 (Apic) Le 28 avril prochain, le « Convict Salesianum » fondé à Fribourg par les évêques diocésains de Suisse fête officiellement ses 100 ans. Ce qui était à l’origine un séminaire compte actuellement 90 résidents, essentiellement des étudiants, issus de 22 pays, dont un tiers de femmes. La responsable de la maison, Hildegard Aepli, un ancien et un actuel résident racontent leur vie dans cette maison particulière.

Ce bâtiment vieux de 100 ans pourrait facilement convenir à des apprentis magiciens comme Harry Potter. Les arbres ancestraux à l’entrée du Salesianum cachent les murs gris du regard des visiteurs qui proviennent de l’Avenue du Moléson. Vus de plus prêt, les toits en pointe couverts de tuiles rouges et les fenêtres hautes en couleur du foyer imprègnent une ambiance mystérieuse d’une autre époque.

« Par vent fort, sur la colline, nous sommes très exposés. Ici, c’est le règne du courant d’air », affirme Hildegard Aepli en ouvrant la porte d’entrée. La maison est toutefois baignée d’une douce chaleur et d’une odeur de lard grillé. Les portes vitrées modernes dans la zone d’entrée font penser que certaines choses ont changé durant les 100 dernières années.

Les débuts du Salesianum

C’est en 1907 que s’est ouvert le « Convict Salesianum », un peu plus de 20 ans après la fondation de l’Université de Fribourg. Une maison pour théologiens et futurs prêtres répondait à des besoins évidents. Le nombre d’étudiants en théologie était en constante augmentation. Après la Deuxième guerre mondiale, de moins en moins de théologiens et de prêtres viennent au Salesianum. En 1947, pour la première fois, le foyer accueille des étudiants issus d’autres facultés. Puis, en 1979, la Conférence des évêques suisses y installe son secrétariat.

La maison est maintenant dirigée par Thomas Ruckstuhl, prêtre du diocèse de Bâle, et la théologienne laïque Hildegard Aepli. Le fait qu’une femme accompagne un prêtre à la tête du « Convict Salesianum » ne s’était encore jamais vu. Mais d’autres changements sont aussi intervenus dans l’histoire centenaire de la maison, fait remarquer Hildegard Aepli. « Je ne sais pas si l’esprit à l’intérieur du Salesianum a beaucoup changé, mais à l’origine le foyer était un séminaire. Depuis 50 ans, des hommes issus d’autres facultés ont pu y résider. Et seulement depuis 10 ans, les femmes sont aussi admises. Je suis la première qui assume la direction de la maison ».

Une femme? Pas grave du tout .

Lors de son entrée en fonction, certains résidents lui ont manifesté un certain manque de respect. « Surtout des Bas-Valaisans ont clairement affirmé: nous ne voulons pas entendre parler d’une femme ». Le problème s’est peu à peu résolu lui-même. Parmi les récalcitrants, plus personne ne se trouve dans la maison à l’heure actuelle. Et pour ceux qui sont venus par la suite, le fait qu’une femme soit à la direction « n’est pas grave du tout », voire même normal, affirme-t-elle avec un clin d’oeil.

En outre, elle a mis en place un conseil de la maison, dans lequel tous les groupes linguistiques sont représentés et peuvent s’exprimer. La nouvelle directrice a ainsi voulu montrer que chacun peut exprimer ses voeux et qu’elle-même ne tient pas à prendre simplement des décisions qui touchent les résidents.

La théologienne laïque travaille et vit depuis 7 ans dans le foyer. Avec l’abbé Ruckstuhl, elle accompagne surtout les étudiants en théologie germanophones de l’Université de Fribourg dans leur cheminement spirituel, mais aussi tous les autres résidents qui cherchent une aide sur le chemin de leur foi.

Le modèle, le nom et le saint patron du Selesianum et des deux accompagnateurs spirituels, c’est François de Sales. Lui-même était accompagnateur spirituel et enseignant. Son influence constitue encore aujourd’hui une force de conviction et peut donner une orientation dans la vie de tous les jours à des personnes en recherche spirituelle, selon les pages en allemand du site internet du Salesianum.

20% d’étrangers

Actuellement, le Salesianum accueille près de 90 résidents de 22 nationalités différentes sous son toit. Parmi eux figurent des Suisses issus des trois régions linguistiques. La proportion des étrangers se situe à environ 20% et un tiers sont des femmes. Une « Suisse miniature », fait fièrement remarquer Hildegard Aepli.

Malgré les différences entre hommes et femmes, Suisses et étrangers, théologiens et étudiants d’autres facultés, l’idéal d’un « Convict » – à savoir d’une communauté – reste encore et toujours un élément important de la maison, explique la responsable. Ainsi, il est possible de prendre les repas dans un espace commun, la salle à manger, de participer à des fêtes de maison, ainsi qu’à des événements culturels.

Raphael Troxler, âgé de 21 ans, est étudiant de 3e semestre en théologie. Son oncle vivait déjà au Salesianum durant sa période d’études. « Nous avons là une bonne vie communautaire, qui complète bien les études théoriques. Surtout les prières communautaires, mais aussi la vie communautaire à la salle à manger, à la buanderie et lors des fêtes rendent la vie spéciale et agréable ».

La chambre de l’étudiant en théologie est agréable et aménagée de façon personnelle. Trois bouteilles de bière vides posées sur le sol témoignent d’une soirée de rencontre. Raphael Troxler s’est tout de même levé tôt pour participer à la prière du matin, qui débute à 7h15. « Le fait que chaque jour soit différent imprègne différemment la prière, et cela me motive. » Il ne reste au lit que lorsqu’il a participé la veille à une fête de la maison jusqu’aux petites heures du matin.

« Nous sommes tout de même des gens normaux », dit l’étudiant aux cheveux bouclés. Les fêtes au Salesianum comprennent aussi une disco, avec danse, bar et alcool. « Mais simplement nous trouvons important qu’une messe communautaire ait lieu avant la fête. Et ici, nous n’allons pas simplement à l’Irish-Pub pour regarder des femmes. Au Salesianum, on sait faire la fête correctement avec les gens. »

Avec la participation d’évêques

Les évêques aussi participent volontiers aux fêtes de la maison. Ainsi, l’an dernier, l’évêque auxiliaire Denis Theurillat a présidé l’eucharistie lors de la fête de Saint François de Sales. Mgr Amédée Grab a participé pour sa part à la fête de l’été. Il est vrai que la maison a autrefois accueilli des étudiants en théologie qui sont devenus évêques. C’est le cas de Markus Büchel, devenu récemment évêque de St-Gall, et qui avait résidé au Salesianum durant ses études de théologie.

Près de la moitié des 90 résidents sont étudiants en théologie. A côté d’eux se trouvent également des théologiens orthodoxes de Moldavie, Roumanie ou Russie qui se trouvent à Fribourg pour une formation continue.

Des personnes de différentes cultures ou théologies, et même peut-être des athées résident ensemble dans un même espace et doivent franchir le pas de la « cohabitation ». Comment cela se passe-t-il?

« Le principe d’une certaine distance est important dans la maison. Il n’y a pas de discussions forcées sur la religion. Cela aurait un effet contraire: beaucoup sont ouverts et cordiaux lorsque l’on n’aborde pas les questions de foi et très distants lorsque l’on en parle. Il ne devrait pas y avoir de conflits », affirme Andreas. « Au Salesianum, personne ne te dirait: tu dois participer à la célébration ». L’étudiant allemand en sciences de la communication a vécu deux ans dans cette communauté particulière. Il n’est pas particulièrement croyant. Au commencement de ses études, seuls la beauté de la maison et le caractère communautaire du foyer l’ont convaincus de résider au Salesianum. « On s’y sent comme un châtelain d’autrefois et l’on et fier devant ces grands espaces », affirme-t-il avec le sourire en évoquant son passage dans la maison.

Les premières craintes à l’idée d’habiter dans un foyer catholiques sont vite dissipées. « Il n’y a pas de vieille nonne à l’accueil comme je m’y attendais. La secrétaire à la réception était jeune, aimable et ouverte. »

Une certaine retenue face à un foyer catholique

La foi catholique est tout de même présente dans la maison. « On trouve naturellement des croix ou des images de Jésus aux parois. Mais comme tout avait été rénové, cela ne donnait pas l’impression d’une chapelle poussiéreuse. » Et si l’on veut en apprendre davantage sur Dieu et sur la foi, il faut se montrer entreprenant et poser des questions. Il n’a malgré tout pas pu inviter facilement ses amis étudiants de l’uni. Il a senti chez eux « comme une certaine retenue ». Et beaucoup de ses connaissances ont d’abord dû se laisser convaincre avant d’accepter de visiter le foyer catholique.

L’ancien résident ne voit aucune raison de manifester une telle retenue. Il n’a pas considéré ses camarades catholiques de l’époque comme des personnes prudes ou démodées. Andreas n’a finalement quitté la maison que parce qu’il a voulu créer son univers à lui, avec son propre frigo et un grand lit.

Hildegard Aepli estime que c’est davantage en raison de la barrière des langues que peuvent apparaître des problèmes et des lignes de séparation entre étudiants dans cette « Suisse miniature ». Mais cette diversité des langues, cultures, domaines d’études et groupes d’âge peut également constituer une chance dont les résidents peuvent profiter. Cela leur offre l’occasion de dialoguer avec celui qui est différent ou inhabituel, ce qui est enrichissant.

Ce qui est spécial dans ce foyer catholique, c’est entre autres que la direction connaît tous les résidents. « Lorsqu’il est écrit cinq jours sur une porte: SVP ne pas déranger, je frappe et je vais demander ce qui se passe », raconte Hildegard Aepli. « S’il se passe quelque chose, alors nous nous en soucions ». Par ailleurs, on se salue dans les couloirs, ce qui montre qu’on s’apprécie mutuellement.

Ambiance alpestre au centre de la ville

Quelque chose va encore être entrepris, dans le futur, au Salesianum. Les évêques diocésains de Suisse ont vendu, dans le quartier du Guintzet, du terrain à construire directement à côté du foyer. Près de 80 appartements pour familles verront le jour cet automne. « Les moutons devront partir! Où trouvera-t-on ensuite cette ambiance alpestre au centre de la ville? Je trouve cela très dommage . », regrette l’étudiant en théologie Raphael. Il s’agit là du seul point négatif qu’il trouve à ce foyer.

Le montant de la vente de terrain servira entre autres à payer les travaux de rénovation dans la maison, comme par exemple les nouveaux sols et l’éclairage. On a également pensé à des toilettes et des douches dans les chambres, souligne la directrice.

Encadré 1:

François de Sales, saint patron des lieux

Dans la façade du foyer se trouve une petite niche. On suppose que ce mystérieux emplacement vide était destiné à accueillir une statue de François de Sales. Mais la statue n’a jamais été trouvée et la niche n’a jamais été occupée, faute de moyens financiers.

François de Sales, (1567-1622), est né à Thorens, d’une famille de vieille noblesse savoyarde. Il fit ses études à Paris, au collège jésuite de Clermont, et à l’université de Padoue où il obtint le titre de docteur en droit en 1591. Ordonné prêtre deux ans plus tard, il fut envoyé en 1594 dans le Chablais, ancienne région du duché de Savoie, afin de convertir les calvinistes. Il fut nommé évêque de Genève en 1602. En 1610, il participa, avec sainte Jeanne de Chantal, à la fondation de l’ordre de la Visitation, consacré en particulier aux personnes qui, du fait de leur handicap physique, de leur état de santé ou de leur âge avancé, ne pouvaient entrer dans les ordres. Trois ouvrages, Introduction à la vie dévote (1609), Traité de l’amour de Dieu (1616) et Entretiens spirituels (publication posthume, 1629) contiennent l’essentiel de sa direction spirituelle: aider les chrétiens à se comporter, tout en vivant dans le monde, en disciples de Dieu. Ils révèlent un humanisme érudit et une écriture nouvelle. Canonisé en 1665, proclamé docteur de l’Église en 1877, saint François de Sales est considéré comme le patron des écrivains catholiques. Sa fête tombe le 4 octobre

Encadré 2:

Le livre du jubilé

L’ouvrage en allemand « Leben im Haus der Kirche » marquera bientôt le 100e anniversaire du Salesianum. Il contient entre autres des contributions de spécialistes et des expériences vécues par des anciens et actuels résidents sur l’histoire et la vie au Salesianum. Le photographe d’art Noël Aeby a été chargé d’illustrer le livre à l’aide d’images d’archives et de photos actuelles.

« Leben im Haus der Kirche », (Paulusverlag) environ 200 pages, 38 frs, à commander à salesianum@salesianum.ch.

Encadré 3:

Le conseiller fédéral Couchepin comme orateur

Les festivités du 28 avril auront lieu à l’église voisine de la paroisse St-Pierre. La messe sera présidée par l’évêque du lieu, Mgr Bernard Genoud, et la prédication assurée par l’évêque de St-Gall, Mgr Markus Büchel, ancien résident du Saalesianum. Puis prendront la parole le conseiller fédéral valaisan Pascal Couchepin, le président du Conseil de fondation, le dominicain Roland-Bernhard Trauffer et son confrère, le recteur de l’Université de Fribourg Guido Vergauwen.

(apic/khr/bb)

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