Philanthropos: ce monde a besoin de retrouver des valeurs

Fribourg: La religion doit avoir sa place dans une société sécularisée

Jacques Berset, agence Apic

Fribourg, 3 juin 2007 (Apic) Les Eglises se sont certes affaiblies, mais le religieux n’a pas disparu de l’horizon de la société contemporaine. Notre époque, au contraire, a plus que jamais besoin de retrouver des valeurs et un sens à la vie, ont estimé à l’unisson samedi Mgr Bernard Genoud, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, et la conseillère nationale Géraldine Savary.

Tous deux débattaient sur le thème « Religion, affaire publique ou affaire privée? » à l’invitation de l’Institut Philanthropos, l’Institut européen d’études anthropologiques à Bourguillon, au-dessus de Fribourg. Plus de 200 personnes ont participé le 2 juin à la Journée de rencontre annuelle de cet institut établi depuis 2004 dans des locaux appartenant aux soeurs de la Divine Providence de Baldegg. Actuellement, 27 jeunes étudiants y suivent une année de formation de niveau universitaire dans le but d’acquérir une vision intégrale de l’anthropologie chrétienne en lien avec les grands défis auxquels la personne humaine est aujourd’hui confrontée.

Dans un débat dirigé par le journaliste Pascal Décaillet – ancien de la Radio suisse romande, il y a animé durant cinq ans l’émission Forum – Géraldine Savary a fait part de ses convictions. Originaire de Bulle, où l’abbé Bernard Genoud fut son professeur de philo, la jeune socialiste vaudoise a estimé que cela lui fut très utile pour la formation de sa pensée. Et si la femme politique n’a étudié ni la philosophie ni la théologie, elle a rappelé que la question religieuse nous interpelle tous à l’heure actuelle. Cette interrogation est loin de ne relever que de la sphère intime.

La question religieuse ne relève pas que de la sphère intime

« L’exigence de la spiritualité est certes une affaire privée, admet-elle, mais elle débouche dans le domaine politique.Depuis des siècles, les religions ont partie liée avec la vie des sociétés humaines. Elles en seront parties prenantes tant qu’il y aura de la vie sur terre ». Pourquoi? a demandé la conseillère nationale d’origine gruérienne. « Parce qu’elles tentent de répondre à des interrogations auxquelles la science n’a toujours pas répondu, comme le sens de la vie et de la mort ».

Elle a rappelé qu’en Suisse, où en général on ne connaît pas le laïcisme à la française, tant l’agnosticisme radical que l’athéisme rigoureux ne sont pas la norme. D’après une enquête récente, seules 12% des personnes interrogées répondent par l’affirmative à la question « Dieu n’existe pas ». Cela ne veut pas dire que 80% des gens vont à la messe, a-t-elle souligné, mais bien que la question religieuse n’a pas disparu de nos interrogations.

Mais, à l’instar de Mgr Genoud, la vice-présidente de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture (CSEC) du Conseil national a déploré la perte de la mémoire des racines judéo-chrétiennes de notre société. « Les jeunes d’aujourd’hui, qui entrent à l’Université ou dans le monde du travail, sont quasiment analphabètes en ce qui concerne notre héritage culturel. ».

La Suisse, un pays pluriculturel et plurireligieux

Pour Géraldine Savary, la privatisation de la religion conduit à l’incompréhension de nous-mêmes, de notre propre société et des autres. Et c’est d’autant plus grave que la Suisse est devenue un pays pluriculturel et plurireligieux, avec notamment une population musulmane de plus de 300’000 personnes.

Pour elle, on assiste en ce qui concerne l’islam en Suisse – notamment à propos de la question des minarets, des cimetières musulmans, du voile islamique – à une dangereuse politisation. Il est essentiel, à ses yeux, que l’on évite la confrontation entre les religions, que l’on mette en place des instances de dialogue, que l’on évite de diaboliser « l’autre » comme le fait trop souvent l’UDC. Ceci grâce à l’éducation, à la formation et à l’information.

Partageant cet avis, Mgr Genoud, constatant que l’homme d’aujourd’hui est trop souvent déboussolé et qu’il a perdu tout repère, plaide pour davantage de formation religieuse. Mais contrairement à Géraldine Savary, il serait « mécontent » que l’on interdise tout signe religieux dans les établissements publics et qu’on enlève les crucifix dans les classes du canton de Fribourg. « Je crois qu’on peut porter des signes religieux et même en avoir dans les écoles, à condition que ce ne soit pas agressif envers les autres! »

Et l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg de lancer un appel à ceux qui militent en Suisse pour l’égalité des autres religions: qu’ils s’engagent également pour qu’il y ait un minimum de droits fondamentaux pour les chrétiens dans les pays islamiques. « Car j’entends la souffrance des chrétiens dans certains de ces pays! » Il en a d’ailleurs parlé au président du Centre islamique de Lausanne.

Finalement, face à l’analphabétisme religieux qui progresse en Suisse, Mgr Genoud se déclare favorable à un enseignement des religions. Mais il estime qu’un cours sur l’histoire des religions est insuffisant pour un croyant. Il faut encore une catéchèse confessionnelle, « car on ne peut pas renoncer à nos racines! » JB

Encadré

Un Institut créé en 2004

En 2003, le pape Jean Paul II publiait l’exhortation apostolique « Ecclesia in Europa ». Il y insistait sur l’origine anthropologique de la tentation d’obscurcissement de l’espérance qui affecte les sociétés européennes. C’est pour répondre à ce défi qu’a été créé en 2004 à Fribourg l’Institut européen Philanthropos.

S’adressant plus particulièrement aux jeunes qui sont l’espérance de l’Eglise, l’Institut Philanthropos vise à donner, en une année de formation de niveau universitaire, « une vision intégrale de l’anthropologie chrétienne en lien avec les grands défis auxquels la personne humaine est aujourd’hui confrontée ».

La société actuelle a besoin de responsables qui puissent réfléchir au-delà d’un savoir purement technique et spécialisé. « Or les filières universitaires classiques ne proposent le plus souvent ni les fondements ni la finalité de l’agir individuel et social », estime Philanthropos. « Une vie réussie dépend de la manière dont elle a été mûrie à la lumière de la vérité sur l’homme et de sa vocation. Or, rares sont les cursus de formation qui intègrent une réflexion sur la manière de conduire son projet de vie en vérité ».

En une année de formation, l’Institut Philanthropos propose une formation de niveau universitaire en anthropologie dont les objectifs sont intellectuels, spirituels et pré professionnels. Cette année offre à chaque étudiant l’occasion d’un discernement et d’un mûrissement de son projet de vie personnel et professionnel. Des conventions passées avec la Faculté de Théologie de l’Université de Fribourg et avec les Facultés Libres de Philosophie et de Psychologie (IPC) de Paris permettent aux étudiants de valider les acquis de leur année de formation à l’Institut Philanthropos. Ils peuvent intégrer directement – sous certaines conditions – la 2ème année de Licence ou de Bachelor de philosophie, de psychologie ou de théologie. (apic/be)

webmaster@kath.ch

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/fribourg-la-religion-doit-avoir-sa-place-dans-une-societe-secularisee/