Une majorité de 830 voix pour une « surprise inévitable »
Michel Bavarel, Genève
Genève, 8 juin (Apic) Le 30 juin 1907, par 7653 voix contre 6823, les électeurs genevois ont supprimé le budget des cultes. Ils ont ainsi établi cette particularité, sur le plan suisse, qu’est la séparation des Eglises et de l’Etat, n’existant sinon qu’à Neuchâtel.
Le résultat de ce scrutin provoqua une « surprise inévitable », selon l’expression du professeur Olivier Fatio, qui a prononcé jeudi soir la conférence inaugurale d’un colloque sur ce sujet. Ce colloque est organisé, en cette fin de semaine, par trois facultés de l’Université de Genève, dont la Faculté autonome de théologie protestante.
Le choix des citoyens visait alors essentiellement à assurer une coexistence pacifique entre catholiques et protestants, a souligné Charles Beer, président du Conseil d’Etat, lors de l’ouverture. Aujourd’hui, ces deux confessions ne regroupent plus qu’une minorité d’une population fortement diversifiée. Et le problème, en particulier pour l’école, consiste plutôt dans l’ignorance en matière religieuse, a ajouté le magistrat.
Ce cadre posé, il revenait au professeur Olivier Fatio de rappeler dans quel contexte les électeurs du canton de Genève ont pris une décision lourde de conséquences, si l’on songe, entre autres, aux difficultés financières actuelles des Eglises. Une décision qualifiée par l’orateur de « coup de foudre », car personne ne s’y attendait. Certes, deux ans auparavant, la France « laïcarde » avait déjà coupé les liens entre Eglises et Etat. Cependant, l’esprit n’était pas le même à Genève: une tendance anticléricale y existait certes, mais elle était minoritaire.
Une trahison de la mission divine de Genève
Alors? En 1814, pour rallier la Suisse, Genève s’était dotée d’un arrière-pays de confession catholique. Le canton était ainsi devenu confessionnellement mixte, « rareté en Suisse ». Le radical Antoine Carteret avait voulu, en 1873, créer une Eglise catholique « nationale », dont les curés devaient être élus par le peuple. Non seulement il avait échoué, mais il avait suscité un profond ressentiment. Une promesse de restitution de l’église Notre-Dame, qui avait été confisquée, a encore aidé les catholiques à voter en faveur de la séparation. Cela n’aurait pas suffi. Les protestants étaient divisés. Une minorité de pasteurs, de tendance évangélique, ont publié un manifeste pour la séparation, position également adoptée par les Eglises libres. Le débat précédant le scrutin fut chaud: une cinquantaine de réunions publiques se déroulèrent en quinze jours. « La séparation est une trahison de la mission divine de Genève », disaient les uns. « C’est une opinion passéiste. Nous voulons une égalité entre toutes les Eglises dans un Etat laïc », commentaient les autres. Conclusion d’Olivier Fatio: « La surprise était inévitable ». (apic/mba/pr)
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