Apic portrait
A la tête du plus vaste diocèse du monde
Walter Lüdin, Apic / Traduction: Bernard Bovigny
Ingenbohl, 24 août 2007 (Apic) C’est un avec beaucoup d’habileté diplomatique et un sang-froid irréprochable qu’il dirige le plus vaste et certainement le plus difficile diocèse du monde. Le capucin thurgovien Paul Hinder, 65 ans, est vicaire apostolique d’Arabie. Son diocèse regroupe six pays. L’agence Apic l’a rencontré le 22 août à Ingenbohl (Schwytz) dans le cadre d’un Jubilé des prêtres « Fidei Donum ».
Les données concernant le territoire de son diocèse sont impressionnantes. Elles donnent même le vertige: une superficie de trois millions de km2. Pour combien de chrétiens? Personne ne le sait exactement. Six pays en font partie: les Emirats arabes unis, Yémen, Oman, Qatar, Bahrein et Arabie saoudite. Dont un où les droits à la liberté religieuse sont gravement atteints.
Déjà dans sa précédente mission, en tant que membre du Conseil général de l’ordre des capucins, Frère Paul avait à faire dans cette région. Il a visiblement si bien accompli son activité de visiteur qu’il a été appelé en 2003 comme évêque auxiliaire d’Arabie, et désigné comme successeur de l’évêque en place, qui se retirera plus tard pour raison d’âge. Cet appel avait représenté un petit choc pour le Suisse. C’était la semaine sainte, se souvient-il. Et il se trouvait à Jérusalem. Le Jeudi saint, il se rend au Jardin des Oliviers et se met en prière pour prendre une bonne décision. Après un dialogue éclairant avec un bénédictin, il retourne à Rome pour la Pâques, « prêt à prendre mes responsabilités envers les catholiques en situation difficile ».
La situation en Arabie n’est pas si facile, certes, mais pas aussi dramatique que beaucoup s’imaginent. L’évêque Paul Hinder raconte en souriant aux participants du Jubilé des prêtres Fidei Donum les peurs exprimées par un de ses visiteurs de Suisse à son arrivée à l’aéroport d’Abu Dhabi. Il craignait sans cesse pour sa sécurité. L’évêque l’a rassuré et lui a affirmé qu’il ne pouvait pas lui arriver plus de choses qu’à Zurich. « Les gens aspirent tout autant à la paix que nous. Ils souffrent autant que nous des extrémistes ».
La lancinante question de la liberté religieuse
Qu’en est-il de la liberté religieuse? Durant son congé en Suisse, cet été, Mgr Hinder a dû sans cesse répondre à cette question lors des interviews et durant ses conférences. Il esquisse alors une image différenciée. La liberté religieuse dans le sens d’un choix libre de la religion (conversion) n’est pas appliquée. Par contre il existe une liberté – restreinte – de culte. Les sultans et cheiks mettent à disposition des chrétiens des territoires définis, sur lesquels ils peuvent bâtir des églises et vivre des célébrations.
Lorsqu’il aborde la question des célébrations, Paul Hinder se passionne. Sa cathédrale d’Abu Dhabi, d’une capacité de 1’200 places, est pleine à craquer dix fois chaque fin de semaine. Et lors des fêtes importantes, il est habituel que 20 à 30’000 fidèles prennent part aux grand-messes.
L’évêque précise à chaque fois que son diocèse ne compte aucun indigène parmi ses fidèles. Tous sont des travailleurs immigrés, et viennent surtout d’Inde, du Pakistan et des Philippines. Mais aussi des pays arabes comme le Liban et la Syrie. Il en résulte une communauté multicolore, et ouverte sur le monde.
Pas assez de travail pour un homme d’Eglise?
Un évêque allemand, lorsqu’il a appris la nomination de Paul Hinder, avait laissé entendre qu’il n’y avait pas suffisamment de fidèles pour assurer du travail à un homme d’Eglise. En outre, son ordination épiscopale était la première dans la Péninsule arabique depuis la période de Mahomet.
Durant sa conférence à Ingenbohl, Frère Paul ne cesse, lors de la présentation de son diocèse, de préciser: « Mais dans le plus grand pays, c’est différent ». Il exprime souvent, à mots couverts, le désir de voir les gouvernements européens s’engager plus fortement en faveur de la liberté religieuse en Arabie saoudite. L’évêque affirme que les cheiks des autres pays l’accueillent « cordialement et amicalement ». Et cela est certainement une conséquence de son habileté diplomatique et de son intelligente modération.
L’exemple du sultan d’Oman
Pour illustrer les relations possibles entre musulmans et chrétiens, le capucin cite l’exemple positif du sultan d’Oman. Comme étudiant à Londres, celui-ci avait habité dans une famille chrétienne. Elle lui a mis à disposition une deuxième pièce, devenue une véritable « petite mosquée », pour ses prières quotidiennes. Lorsque les opposants du sultan lui adressent des critiques parce qu’il met à disposition des chrétiens des terres pour bâtir leur église, il leur relate sa propre expérience: « Alors que j’ai pu prier dans la maison des chrétiens, pourquoi est-ce que je ne pourrais pas laisser les chrétiens prier dans ma propre maison, autrement dit, dans mon propre pays? »
Il est vrai, affirme l’évêque Hinder, qu’il existe toujours des difficultés dans les services inférieurs et moyens de l’administration. Mais les problèmes bureaucratiques ne sont pas des spécialités qui relèvent uniquement des pays musulmans.
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