La restauration de la hiérarchie gréco-catholique

Encadré

en Roumanie suscite la colère des orthodoxes

Remise en cause du dialogue entre orthodoxes et catholiques

La restauration le 14 mars dernier par le pape Jean Paul II de la hiérarchie épiscopale de l’Eglise gréco-catholique (uniate) roumaine – intégrée

de force en 1948 dans l’Eglise orthodoxe de Roumanie – continue de susciter

des réactions négatives dans les milieux orthodoxes à l’étranger. En Grèce,

notamment, on évoque la possibilité de suspendre le dialogue officiel orthodoxo-catholique.

C’est que l’existence de catholiques partageant avec eux le rite byzantin est très mal tolérée par les orthodoxes, qui y voient une « manoeuvre du

Vatican » pour faire du prosélytisme dans leurs rangs. Ils souhaitent l’intégration des « uniates » soit dans l’orthodoxie, soit dans l’Eglise catholique de rite latin.

Jean Paul II a en effet repourvu les cinq sièges épiscopaux gréco-catholiques vacants depuis 1948 : Fagaras et Alba Julia, siège métropolitain;

Cluj-Gherla, Lugoj, Maramures et Oradea Mare. La nouvelle a suscité l’indignation de l’Eglise orthodoxe de Grèce. Dans sa dernière édition, le bulletin de l’Eglise grecque « Ekklesiastike Aletheia » prend position fermement

contre ces nominations. L’opinion publique des orthodoxes orientaux s’inquiète et réagit avec colère à cette « confusion canonique ». Le problème des

Eglises catholiques de rite byzantin – l’ »uniatisme » – « est l’un des points

les plus négatifs pour le dialogue et la compréhension » entre orthodoxes et

catholiques, estime le bulletin de l’Eglise grecque.

Une « union » qui divise

Des abus précis du mouvement de l’uniatisme de la part des catholiques

romains ainsi que des réalités nationales particulières, affirme-t-il, ont

créé d’une façon ou d’une autre ce problème entre les Eglises catholique

romaine et orthodoxe. Le mouvement uniate tire son nom du latin « unio »,

dans le but d’unir les Eglises, relève-t-il, mais contribue en fait à l’approfondissement du fossé qui les sépare. « Il faut dire que les catholiques

romains sont bienvenus pour nous les orthodoxes, mais que l’Union et

l’Uniatisme suscitent chez nous de l’allergie », peut-on encore lire dans

« Ekklesiastike Aletheia ».

Les orthodoxes veulent l’abolition de l’uniatisme

Rappelons que selon les directives données par la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre les Eglises orthodoxe et

catholique romaine, une sous-commission mixte a été chargée d’étudier les

questions des Eglises de rite oriental unies à Rome, ainsi que les problèmes apparentés à l’uniatisme et au prosélytisme. Cette sous-commission

s’est réunie pour la première fois à Vienne fin janvier sous la co-présidence de l’archevêque orthodoxe Stylianos d’Australie et l’archevêque Edward Cassidy, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité

des chrétiens. Elle a évoqué les changements dans les pays de l’Est et

leurs conséquences dans les pays où l’uniatisme est implanté (Ukraine, Pologne, Tchécoslovaquie et Roumanie).

L’uniatisme n’est plus considéré comme un modèle d’union des Eglises

Selon « Episkepsis », bulletin publié par le Centre orthodoxe du Patriarcat oecuménique à Chambésy (GE), la sous-commission a exprimé son consensus

unanime sur le fait que l’uniatisme n’est plus considéré comme un modèle

pour l’union des Eglises, étant donné que l’ecclésiologie dans laquelle il

s’est développé n’était pas inspirée par la tradition de l’Eglise indivise.

C’est la raison pour laquelle, estime-t-elle, la recherche de l’unité

devrait avoir comme modèle celui des Eglises soeurs dans le cadre de

l’ecclésiologie de la communion eucharistique.

Les membres catholiques de la sous-commission ont défendu le point de

vue selon lequel « on ne devrait pas demander la fusion pure et simple

d’Eglises ayant une longue histoire d’union avec une autre Eglise, même si

leurs origines sont contestables ». Les orthodoxes ont quant à eux rappelé

la décision de la Conférence panorthodoxe de Rhodes, qui dit que « l’abolition de l’uniatisme et l’incorporation des membres des Eglises uniates ou

bien à l’Eglise orthodoxe ou bien à l’Eglise latine catholique romaine, selon le principe de la liberté de choix », devraient constituer la base pour

« résoudre » le problème uniate.

Les uniates de Roumanie n’acceptent cependant pas cette alternative et

ne veulent ni appartenir à l’Eglise latine (majoritairement de langue hongroise, donc représentant une culture et une tradition étrangères) ni à

l’orthodoxie. D’autre part, nombreux sont ceux qui – laïcs, prêtres et évêques – ont payé de leur vie ou par de nombreuses années de prison leur fidélité à l’ »union », datant de 1698. Ce n’est pas la persécution des années

50 qui va les rendre plus conciliants à l’égard de l’Eglise orthodoxe,

alors qu’à l’époque les responsables de cette dernière héritèrent des biens

ecclésiastiques des uniates (églises, cathédrales, etc.) et saluèrent

triomphalement le « retour » des gréco-catholiques au sein de « l’Eglise-mère ».

L’Eglise uniate, jusqu’à l’année dernière « Eglise des catacombes », est

encore aujourd’hui forcée d’organiser ses offices dans des appartements

privés, voire en plein air. Seule la cathédrale de Lugoj, dans le Banat, a

été restituée à Mgr Ioan Ploscaru, grâce à l’esprit d’ouverture du métropolite orthodoxe de Timosoara, Mgr Nicolae Corneanu. Dans d’autres endroits,

comme en Transylvanie, les églises attribuées aux orthodoxes ne seront pas

si facilement rendues. Des paroisses orthodoxes entières risquent cependant

de passer à l’Eglise uniate, notamment en raison du discrédit qui pèse sur

la hiérarchie orthodoxe pour sa collaboration active avec le régime de Ceausescu, et par le fait qu’elle n’a quasiment fait aucune catéchèse des années durant sous prétexte que l’éducation de ses fidèles appartenait au

Parti. De telles « défections » risquent fort d’envenimer encore plus les

rapports entre catholiques et orthodoxes. (apic/kna/epis/be)

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