APIC – Témoignage
« Accepter de vivre avec les communistes »
Hô Chi Minh-Ville, 20mars(APIC) La situation des chrétiens au Vietnam
n’est certes pas facile, mais des religieux, tenant compte de la réalité
nationale actuelle, estiment qu’il faut « accepter de vivre avec les communistes ». Ils ont décidé il y a 12 ans de s’installer à la campagne pour
partager la vie des populations démunies. Dans une ferme de 34 hectares à
40 km de Hô Chi minh-Ville (ex-Saïgon), 2 jésuites, 2 frères salésiens et 8
moines trappistes s’engagent avec les pauvres. La ferme est appelée par les
habitants du district de Cu Chi « la plantation des religieux ».
Cette ferme a été fondée en 1978 à la demande de Mgr Paul Nguyen Van
Binh, archevêque de Hô Chi Minh-Ville, mais le projet avait été suggéré par
le Comité d’Union des Catholiques Patriotes (CUPC) et le prêtre diocésain
Phan Khac Tu. La ferme est dirigée par le Frère jésuite Nguyen Van Tinh,
agé de 43 ans, mais cette propriété est enregistrée officiellement sous le
nom du CUPC. En effet, selon les lois en vigueur au Vietnam, l’Eglise n’a
pas le droit de posséder de tels biens.
Destinée aux religieux et séminaristes qui pouvaient continuer là leur
formation et travailler avec les pauvres, l’exploitation agricole commença
avec plus de 40 membres (dont une soeur) de neuf congrégations différentes.
Au cours des annés certains d’entre eux ont été ordonnés prêtres, d’autres
ont quitté pour étudier la philosophie et la théologie. D’autres encore se
sont engagés dans l’armée ou dans les Volontaires de la Jeunesse (Thanh
Nien Xung Phong).
La difficulté d’être acceptés comme catholiques
Au commencement, les religieux n’ont pas été bien accueillis par la population locale, relève le Frère Tinh. « Il y avait beaucoup de malentendus
et nous n’étions pas acceptés. Nous étions catholiques et parlions avec un
accent du Nord. Nous portions des lunettes et ne connaissions pas l’agriculture. Ils pensaient qu’on était avec les « capitalistes américains ». Lors
de la guerre, les gens d’ici s’étaient battus contre les Américains », ajoute-t-il.
Les religieux partagent les repas et prient ensemble. Chaque congrégation a son propre supérieur dans la communauté et les supérieurs constituent un conseil qui dirige la communauté. L’archevêque Paul Nguyen Van Binh
en est le directeur spirituel et lui rend visite chaque année.
« Une fois que les gens et les membres du Parti nous ont mieux connus,
ils nous ont respectés, poursuit le Frère Tinh. Ils comprenaient que nous
étions spirituellement différents d’eux, mais que nous n’étions pas socialement décadents. On partageait et vivait en fraternité. Nous travaillions
dur et étions prêts à recevoir n’importe qui. Par notre vie chrétienne, on
a apporté une grande contribution à la société. »
Quoiqu’il y ait encore quelques préjugés envers les catholiques dans
cette région, le Frère Tinh affirme que les relations avec la population
locale et les membres du Parti sont bonnes et qu’il espère qu’elles
s’améliorent encore.
Difficultés d’écouler la production
L’exploitation produit des pousses de bambou, des noix de cajou et des
noix de coco, mais la faiblesse de l’économie du pays rend difficile la
vente de ces produits. En plus de l’agriculture, les frères donnent des
cours professionnels de couture et de tressage de bourses et de corbeilles.
Ils veulent aussi commencer des cours d’électricité et de menuiserie et
mettre sur pied un jardin d’enfants. Mais ils manquent de moyens financiers.
Malgré la pauvreté, la communauté religieuse fournit des médicaments aux
indigents, transporte les femmes enceintes et les malades à l’hôpital, paye
les contributions pour l’école aux enfants dans le besoin et leur donne des
vêtements. Les frères sont aussi connus pour faire des cercueils en bois et
ils participent à la construction de canaux et d’écoles dans la région.
Ils organisent encore une retraite annuelle pour environ 70 personnes et
chaque samedi et dimanche ils enseignent le catéchisme à environ 30 personnes. Le Frère Tinh se dit fort content de voir l’esprit de fraternité qui
règne dans la communauté et il espère avoir un jour un prêtre qui soit continuellement à la ferme pour y célébrer chaque jour la Sainte Messe. Mais
il s’attriste du fait que la mission de la communauté ne soit pas bien connue.
Que veut-il que l’Eglise hors du Vietnam sache et comprenne de son expérience? Le Frère Tinh répond: « Si nous vivons activement en accord avec
l’Evangile, nous découvrirons dans chaque situation ce qu’il faut faire.
L’exigence de base est que nous acceptions nos situations. Pour nous, cela
signifie accepter les communistes et les gens qui vivent avec nous. Chacun
doit payer un certain prix pour réaliser ce qui est bon », conclut-il.(apicucan/mr)
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