Il faut attendre 1344 pour voir la création d’une province ecclésiasti-
cordé par le pape, en même temps que l’introduction du slavon comme langue
liturgique officielle, pour faire contrepoids à l’influence germanique. Le
XIVe siècle est pour la Bohème une période de splendeur politique et culturelle, mais aussi un grand siècle sur le plan catholique.
Au XVe siècle se produit, suite à la politique de germanisation, une
terrible réaction nationale et religieuse: la révolte de Jean Hus. Prédicateur à Prague en 1403, il dénonce les abus de l’Eglise et réclame l’affranchissement du peuple tchèque de la prédominance allemande. Arrêté à son arrivée au Concile de Constance, où il vient s’expliquer, il est condamné et
brûlé vif en 1415. Ses disciples s’organisent en bandes armées à travers
tout le pays. Ils résisteront vingt ans avant d’être vaincus et dispersés
en 1434.
La naissance de la secte des Frères Moraves (1457) contribue elle aussi
à l’affaiblissement du catholicisme. Elle se disperse après la ruine de la
Bohème-Moravie. Celle-ci devient une province de l’empire des Habsbourg,
qui imposent le catholicisme comme religion d’Etat. La tolérance religieuse
n’est rétablie qu’en 1720 (pour les seules traditions réformée et luthérienne). Il faut attendre l’indépendance, en 1918, pour que renaissent
l’Eglise hussite et les Frères Moraves. La Slovaquie, de son côté, passée
dans la sphère hongroise dès le XIe siècle, trouvera dans le catholicisme
la sauvegarde de sa personnalité (alors que la Hongrie passera pour une
grande part au protestantisme en réaction contre l’absolutisme autrichien).
La chape du silence
Au lendemain de l’indépendance (1918), le catholicisme connaît des
moments difficiles en Tchécoslovaquie, notamment quand survient le schisme
de l’Eglise nationale tchécoslovaque (1920), après le refus de Rome
d’accéder à certaines requêtes (célibat des prêtres, usage de la langue
nationale dans la liturgie, participation des laïcs au gouvernement de
l’Eglise).
Mais c’est la tornade soviétique qui va gravement affecter la situation
de l’Eglise au lendemain du « coup de Prague » de Gottward (1948): suspension
des hebdomadaires catholiques, confiscation des terres appartenant à
l’Eglise, nationalisation des écoles et des hôpitaux, suppression des
mouvements d’action catholique, cours obligatoire de matérialisme
dialectique dans les séminaires et facultés de théologie.
A partir de 1948, le ton monte entre le nouveau régime et l’épiscopat,
qui proteste dans un mémorandum. Le gouvernement interdit la lecture d’une
lettre pastorale de l’archevêque de Prague, Mgr Beran, mettant en garde les
prêtres et les laïcs invités par le gouvernement à faire partie d’un « Comité pour l’Action Catholique », comme nouvel interlocuteur. Mgr Beran est
placé en résidence surveillée, le nonce est déclaré « persona non grata ».
L’épiscopat élève une nouvelle protestation suite à la création d’un Bureau
pour les Affaires religieuses et l’adoption d’une nouvelle législation religieuse. C’est alors l’offensive sur plusieurs fronts: procès spectaculaire de onze supérieurs religieux, fermeture des couvents et des séminaires,
arrestation de nombreux évêques,… En 1951, Mgr Beran connaît la déportation. La même année, Jean XXIII lui envoie une lettre qui ne lui parviendra
jamais. Mgr Eltschner, son auxiliaire, dernier évêque en liberté, meurt en
1951.
De tous les pays d’Europe – à l’exception de l’Albanie – la Tchécoslovaquie est celui qui a le plus développé sa lutte contre l’Eglise. Après la
rupture entre Prague et le Vatican, la majorité des évêques et des sept
mille prêtres du pays ont été emprisonnés, comme d’ailleurs les quelque
huit mille (la chape de silence qui pèse sur l’Eglise n’autorise que les
approximations) des douze mille membres des Ordres religieux. Des quinze
séminaires ouverts en 1950, deux seulement subsistent, qui sont placés sous
un contrôle des plus stricts. Seuls ont droit à la parole les trois mille
prêtres membres de l’association sacerdotale « Pacem in terris », qui a succédé en 1971 au Mouvement des prêtres pour la Paix (créé en 1949 et dissout
en 1968). « Pacem in terris » compte à cette époque un grand nombre de membres. L’organisation n’a pas cessé de se désintégrer, perdant tant en audience qu’en crédibilité sous les coups de boutoir de figures éminentes, en
particulier du cardinal Frantisek Tomasek.
La résistance
Ordonné évêque en 1949 – dès le lendemain de sa nomination comme auxiliaire d’Olomouc, pour éviter qu’il ne soit appréhendé – Mgr Tomasek est
tout de même arrêté et il connaît les camps de travail de 1951 à 1954 avant
d’être assigné à résidence jusqu’en 1960. En 1965, Paul VI le nomme administrateur de Prague et le crée cardinal « in petto », sans publier son nom,
ce qui sera fait un an plus tard, quand Mgr Tomasek deviendra archevêque de
Prague.
D’abord discrète, l’opposition du cardinal au régime se durcit après
l’échec du « Printemps de Prague ». On ne compte plus ses lettres pastorales,
mémorandums, monitions, protestations, dont l’une fut adressée au ministreprésident L. Strougal le 23 avril 1988, en la fête de saint Adalbert, son
prédécesseur, à la veille du 20e anniversaire du « Printemps de Prague ».
Tout récemment, il a donné son appui à la « charte » en 31 points réclamant
la liberté religieuse. Cette pétition, dont le rédacteur principal est
l’activiste catholique A. Navratil (ce qui lui a valu un nouveau séjour en
hôpital psychiatrique) a été mise en circulation en décembre 1987. Quelques
mois plus tard, elle avait recueilli 900’000 signatures.
La libération
Après la mort de deux évêques, il ne reste dans le pays, fin 1989, que
trois diocèses sur treize à avoir un pasteur à leur tête, dont deux, nommés
en 1973, bénéficient des faveurs du régime. Avant les récentes nominations
épiscopales, les dernières dataient en effet de 1973. Le Vatican avait
alors accepté un compromis: qu’au moins un des évêques soit membre de « Pacem in terris ». Les résultats de ce compromis se sont révélés désastreux.
Depuis mai 1988, onze évêques ont été nommés, dont quatre étaient déjà administrateurs apostoliques. Les prêtres et les religieux sont sortis de
l’ombre, les séminaires ouvrent à nouveau leurs portes, la pastorale et les
mouvements catholiques se réorganisent. C’est cette Eglise aujourd’hui libérée et le peuple tchécoslovaque tout entier que le pape vient saluer et
encourager les 21 et 22 avril.
65% des 15,5 millions de Tchécoslovaques sont catholiques. Leur répartition est inégale selon les régions: ils sont 25% en Bohème (6,5 millions
d’habitants), 60% en Moravie (4 millions) et 80% en Slovaquie (5 millions).
Soit en tout dix millions de catholiques, dont 5% de rite byzantin (200 paroisses en Slovaquie).
Sur les vingt Eglises luthériennes que compte le pays, la plupart sont
de petites dénominations protestantes, les plus importantes étant l’Eglise
hussite (500’000 membres) et les Eglises luthériennes (300’000 membres).
Les protestants représentent 5,5% de la population. L’histoire de ces Eglises minoritaires se caractérise par la résistance à la domination catholique, puis communiste. Leur espoir est que l’oecuménisme de base fondé sur
la prière et l’étude commune de la Bible, vécu dans un combat commun contre
le communisme, ne sera pas mis à mal par une « marche triomphale » et la confiscation par les catholiques de l’espoir du peuple tchécoslovaque. Le pape
les rencontrera lors de sa première étape à Prague (Bohème), après sa visite au président Vaclav Havel, avant de se rendre au sanctuaire marial de
Vehlerad (Moravie) sur la tombe de saint Méthode, puis à Bratislava. (apiccip/ba/cor)
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