Paul Grossrieder remplace Raphaël Rimaz

Fribourg: Nouveau président pour l’Association des Amis de l’Hôpital de la Paix à Istanbul

Fribourg, 26 mars 2009 (Apic) Après dix ans à la tête de l’Association suisse des amis de l’Hôpital de la Paix à Istanbul (ASAHPI), l’ancien conseiller d’Etat fribourgeois Raphaël Rimaz, de Domdidier, cède sa place à un autre Fribourgeois, le Charmeysan Paul Grossrieder, ancien directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). L’ASAHPI regroupe depuis plus de dix ans des bénévoles laïcs, pour constituer un réseau d’échanges et de soutien en faveur de cet établissement psychiatrique unique en son genre en Turquie.

Paul Grossrieder, politologue et théologien, sera formellement élu lors de l’assemblée générale de l’ASAHPI qui se tient ce samedi 28 mars à Fribourg, dans les locaux de la Maison provinciale des Filles de la Charité. Ces dernières ont la charge de cet établissement privé en Turquie depuis un siècle et demi. L’Hôpital de la paix, en turc « Özel Fransiz Lape Hastanesi », est en effet géré par les Filles de la Charité depuis sa fondation en 1858, suite aux affres de la Guerre de Crimée. Plus de 300 soeurs françaises avaient alors répondu à l’appel conjoint des gouvernements ottoman et français pour aller soigner les soldats blessés et les victimes de la guerre.

Pour récompenser cet engagement, le Sultan Abdülmecit fit don aux soeurs de Saint Vincent-de-Paul d’un terrain situé dans le quartier de Sisli, à Istanbul. Aujourd’hui, les religieuses ne sont plus que huit, de sept nationalités différentes, à poursuivre cette oeuvre qui s’est voulu dès le départ un service aux plus pauvres.

Confié depuis 1998 à la Province suisse des Filles de la Charité à Fribourg

L’Hôpital de la paix, confié depuis 1998 à la Province suisse des Filles de la Charité à Fribourg, est reconnu par le Ministère turc de la santé comme hôpital de psychiatrie et de psychogériatrie privé. Mais cet établissement privé de 150 lits, s’il est soumis à la surveillance du Ministère, ne reçoit par contre aucune subvention. Il vit des pensions versées par les patients, du travail des Soeurs, ainsi que de dons privés. Ses longs bâtiments aux toits rouges enserrant des jardins verdoyants sont comme une oasis au milieu des hauts immeubles du quartier.

Les malades atteints de troubles psychiques sont de toutes conditions sociales, et en grande majorité de nationalité turque, et la directrice, les médecins et le personnel – une septantaine – sont turcs, précise Soeur Jeanne Marie Rostoucher. La religieuse vient de rentrer d’Istanbul, où elle fut durant plus de sept ans supérieure de la communauté des Filles de la Charité qui vivent au sein de l’Hôpital à Sisli. Elle a remis la charte de l’Hôpital au personnel turc, qui en avait exprimé la demande, afin de transmettre les valeurs qui en sont à la base.

Elle souhaite que l’état d’esprit reste le même lorsque les soeurs s’en iront – dans une génération peut-être – faute de relève. Mais pas question de faire du prosélytisme chrétien: « On est en Turquie, et les gens ici sont musulmans! » C’est un dialogue de vie, pas un échange au niveau de la théologie…

L’image de la Turquie souvent véhiculée dans les médias est fausse

Cette religieuse originaire de Lorraine est très claire: l’image de la Turquie souvent véhiculée dans les médias est fausse. Le peuple turc est très accueillant, pourvu que l’on ne se présente pas de façon arrogante, comme un Occidental sachant tout mieux que les autres. « Les Turcs ont leurs propres valeurs, et on doit aussi apprendre d’eux… ils ont des valeurs comme l’accueil qui ont souvent disparu de chez nous! ».

Certes, si les chrétiens locaux – d’origine arménienne, grecque, chaldéenne – sont reconnus, les Occidentaux, que l’on appelle en Turquie les « latins », n’ont pas de reconnaissance légale. Mais Soeur Jeanne Marie est optimiste: on avance lentement vers un statut pour les catholiques « latins ».

Certes, admet-elle, les médias occidentaux ne donnent pas toujours une image juste de ce qui se passe en Turquie. En quasiment huit ans de vie à Istanbul, elle n’a jamais rencontré de difficulté dans la rue, alors qu’elle gardait son habit religieux: « Quand je prenais le bus, jamais je ne suis restée debout, les gens me faisaient naturellement la place, cela ne se serait pas passé ainsi en France! »

Il existe bien sûr en Turquie des tensions interreligieuses, « mais c’est le cas d’une poignée d’extrémistes isolés, comme on l’a vu lors de la visite du pape Benoît XVI en novembre 2006… Les gens dans la rue m’ont abordée pour me dire que c’était super, que le pape dans la Mosquée bleue avait même prié plus longtemps que l’imam…  » Et Soeur Jeanne Marie de relever que l’Hôpital de la Paix est très clairement soutenu par la Mairie de Sisli, dont le maire Mustafa Sarigül est un Alévi (*). Les attentats contre les chrétiens (**) qui ont fait la une des journaux sont le fait de militants dans la mouvance des « Loups Gris », des extrémistes nationalistes, pas des gens de la rue. « La Turquie ne doit pas être confondue avec cette petite minorité extrémiste », conclut Soeur Jeanne Marie Rostoucher. JB

Encadré

Quelque 24’000 fidèles catholiques en Turquie, pour la plupart des étrangers

Selon l’Oeuvre d’Orient à Paris, les catholiques en Turquie sont environ 24’000 fidèles. Ils font partie de l’Eglise catholique arménienne (environ 2’500 fidèles), de l’Eglise syrienne (de 1’800 à 2’000 fidèles), de l’Eglise Assyro-Chaldéenne (quelque 4500 fidèles, en grande majorité des réfugiés en provenance d’Irak). L’Eglise latine comprend 3 grands diocèses (Istanbul, Izmir et Anatolie), et un clergé nombreux issu essentiellement des congrégations religieuses. Ses fidèles sont essentiellement des étrangers qui viennent du monde entier et ne restent que quelques années en Turquie. On peut estimer leur nombre autour de 14 à 16’000. Les non catholiques sont notamment l’Eglise arménienne apostolique (avec 50’000 fidèles, c’est la communauté chrétienne la plus nombreuse). L’Eglise syrienne jacobite « kadim » est la deuxième communauté par le nombre (8’000 fidèles à Istanbul et 2’000 dans l’Est du pays). L’Eglise orthodoxe grecque (Patriarcat oecuménique) compte entre 1’800 et 2’300 fidèles, tandis que les Eglises dites « protestantes » comptent plus de 5’000 fidèles. JB

(*) Les Alévis sont une communauté musulmane minoritaire d’obédience laïque, libérale et républicaine. Dans le quartier de Sisli, il y a plusieurs mosquées, une synagogue et de nombreuses églises chrétiennes. C’est tout près de l’Hôpital de la Paix que des extrémistes nationalistes ont assassiné le 19 janvier 2007 Hrant Dink, journaliste turc d’origine arménienne, et éditeur du journal bilingue turc-arménien Agos.

(**) Un frère capucin italien originaire de la province de Modène a été poignardé par un « inconnu » le 17 décembre 2007 à Izmir (Smyrne). Le Père Adriano Franchini, supérieur de la Custodie de Turquie, a été agressé au sortir de la messe à l’église de Bayrakli. Emmené à l’hôpital où il a été opéré et il s’en est sorti. Le 5 février 2006 était assassiné le Père Andrea Santoro, un prêtre fidei donum italien rattaché à l’église de Sainte-Marie à Trébizonde, où il était curé depuis 3 ans. En février 2006, un groupe de jeunes a agressé le Père Martin Kmetec, un franciscain d’Izmir d’origine slovène. En juillet de la même année, le Père Pierre Brunissen, prêtre fidei donum français, était blessé au couteau dans le port turc de Samsun, sur la mer Noire, et son agresseur était arrêté. Là aussi, l’agresseur était rapidement qualifié par la police de « dérangé mental ». Notons que le 18 avril 2007, deux Turcs et un Allemand de confession chrétienne ont été égorgés sur leur lieu de travail, la maison d’édition « Zirve » qui diffusait des bibles et de la littérature chrétienne. L’assassinat a eu lieu dans la ville de Malatya, réputée pour être un foyer nationaliste. JB

En 2008, l’Hôpital de la Paix – un établissement privé destiné à accueillir et soigner des patients psychiatriques et psychogériatriques, sans distinction de sexe, nationalité et confession – a célébré ses 150 ans de fondation. Pour cette année jubilaire, l’Association a décidé de constituer un « Fonds de solidarité » pour permettre aux patients sans ressource de pouvoir bénéficier d’un accueil et des soins au même titre que tous les autres patients. Pour aider l’Hôpital de la Paix: Banque cantonale de Fribourg/Suisse Bd de Pérolles 1 CCP 17- 49 – 3 Compte no 25 01 015 030-18 Amis de l’Hôpital de la Paix. (apic/be)

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