Série Apic: Artistes dans les couvents en Suisse (4)
L’artiste est un constructeur de portes d’accès à l’autre monde
Andrea Krogmann, Apic / Traduction: Bernard Bovigny
Saint-Maurice, 22 mai 2009 (Apic) L’art sous toutes ses formes constitue une véritable passion pour Isabel Bachmann. Elle voulait travailler comme styliste et étudier les beaux-arts. Elle voulait également devenir sculpteur, mais cela n’aurait pas convenu à ses yeux sensibles à cause de la poussière. Alors elle a appris le métier de fleuriste, tout en dessinant et en peignant à côté. La soeur de St-Augustin est maintenant devenue sa sacristine à l’Abbaye de St-Maurice où elle peut exercer son activité de fleuriste. L’agence Apic a rencontré ce « paquet de nerfs » chez elle en Valais.
En fait, Soeur Isabel n’aurait pas besoin de ce « café de la résurrection » sicilien qu’elle sert le matin pour son « déjeuner d’artiste ». L’entrain et la passion de cette femme de 52 ans pour toutes les formes d’art apparaissent au premier coup d’oeil dans son atelier. Des marionnettes sont suspendues derrière la scène de la dernière représentation. « Mon hobby, à côté des autres arts », explique-t-elle. Ajoutant: « C’est si varié et si passionnant: il faut sculpter les marionnettes, coudre des vêtements, les enfiler, peindre et assembler les décors. Puis viennent les textes, les différents intermèdes musicaux, … Cela forme un tout. Ce éléments doivent s’assembler ».
Dans la pièce voisine de l’atelier sont exposés les tableaux de la dernière exposition, sur le thème de l’ange. Les créatures volatiles de couleurs vives partagent l’espace avec des oeuvres plus anciennes, comme un portrait de Mozart, des paysages grecs et des motifs préhistoriques. Un portrait en cours d’élaboration – un visage d’expression jeune dans des tons lumineux – est en attente sur un chevalet. Des anciens projets sont illustrés sur des photos, et partout sont entreposés des objets ramassés ci et là et des souvenirs, qu’elle utilisera peut-être une autre fois.
« Je n’aurais jamais pensé que tout cela aboutisse ainsi, mais le Seigneur l’a su », lance-t-elle, amusée, en évoquant son parcours jusqu’au couvent. Elle a lutté durant trois mois avec Dieu au sujet de sa vocation, avant de venir se présenter à la Soeur supérieure à Saint-Maurice. « J’aimerais que vous fassiez de moi une soeur », a-t-elle affirmé. Et le résultat est concluant, serait-on tenté de dire, car Sr Isabel se donne corps et âme dans sa vie religieuse.
Exotique chez les artistes et parmi les religieuses
« Le couvent me procure l’espace pour mon activité artistique. Ma communauté m’a toujours beaucoup soutenue et a même parfois fermé plus qu’un oeil. Car elle a manifesté un accueil plein d’amour à l’égard de quelqu’un dont l’activité pourrait s’avérer dérangeante », affirme la religieuse au sujet de sa relation avec ses consoeurs. Cet espace de liberté artistique, c’est son atelier, situé en face du bâtiment principal, dans un ancien jardin. Elle y convie également ses amis artistes de l’Arva, « Association romande pour la valorisation des arts », dont elle est membre. Elle se sent un personnage « exotique » autant comme artiste dans son couvent qu’en tant que religieuse parmi les artistes.
Isabel Bachmann ne se laisse pas enfermer dans une catégorie ou dans un style. Bien qu’elle s’adonne surtout à la peinture, d’autres formes d’expression comme le dessin, la caricature et la sculpture prennent également place dans son atelier. Elle a aussi décoré une chapelle funéraire, tout comme l’intérieur de la Villa Eugénie à St-Gingolph, un restaurant situé au bord du Lac Léman en Valais. Et elle se lance toujours dans de nouveaux projets. Sa préférence va vers les plus grandes surfaces. Non pas des projets faramineux, dignes de la « folie des grandeurs », comme elle le dit, mais sur de vastes espaces. Elle a par exemple décoré la chapelle du collège catholique de la principauté de Monaco sur une surface totale de 38 mètres de long. Elle a porté son choix sur une peinture de style figuratif, à cause des enfants, explique-t-elle. Les enfants considèrent l’art avec un regard vrai. Pour Sr Isabel, l’art n’a rien d’élitaire, il s’adresse « aux gens comme toi et moi ». L’art, ajoute-t-elle, c’est pour tout un chacun comme des portes d’accès à un autre monde, le monde intérieur. Et l’artiste? « Il confectionne les portes d’accès à cet autre monde. Il est un constructeur de portes ».
Un artiste qui cherche est influencé par l’Esprit-saint
Isabel Bachmann s’inspire aussi volontiers des récits bibliques que de la vie. Elle ne veut pas attribuer une définition précise de l’art sacré. « Un artiste, qui recherche vraiment, est aussi influencé mentalement par l’Esprit-saint », affirme-t-elle. La remuante religieuse reçoit sans cesse des commandes et prend part à des concours. « Lorsque je ne perçois pas immédiatement une idée dans ma tête pour un mandat précis, alors je le dis en toute simplicité, car je n’arriverai pas à mener mon travail à terme. Il faut que ce soit tout de suite là. » En réalité, elle n’a encore jamais refusé une commande par manque d’idée jusqu’à maintenant. Mais parfois, elle aimerait bien disposer d’un peu plus de temps pour se lancer dans de nouvelles techniques de peinture.
« Tu pourrais bien peindre encore une fois quelque chose! » ou « A quand la prochaine pièce de théâtre? », lui demandent ses consoeurs en voyant le travail intense de Soeur Isabel. Elle compose des airs pour les fêtes de la communauté, écrit des poèmes, dessine des caricatures ou d’autres sujets. S’il y a une chose que la religieuse dont les batteries sont toujours chargées à fond ne peut pas faire, c’est ne rien faire. « Lorsque je n’a rien à faire, alors je m’invente quelque chose ».
Encadré 1:
Paris, sa Jérusalem de l’art
Isabel Bachmann est née en 1957 à Freienbach, dans le canton de Schwyz. Avant d’entrer à l’âge de 22 ans chez les Soeurs de St-Augustin à St-Maurice, elle a fait une formation de fleuriste à Zürich, avec une spécialisation dans les plantes exotiques et l’hydroculture. Elle a travaillé à Zürich et à Balzers au Liechtenstein. A 25 ans, alors qu’elle était déjà religieuse, elle a accompagné l’artiste suisse Madeline Diener à Paris, afin de « voir de l’art ». Cette expérience a constitué la base de son activité artistique. « Paris est devenu ma Jérusalem de l’art », affirme-t-elle en évoquant son séjour dans la capitale française.
Durant deux ans, elle a été étudiante libre à l’Ecole cantonale d’art de Lausanne. Elle a également fréquenté différents cours, entre autres ceux de « l’Ecole romande des arts graphiques (Erag) » à Lausanne. Ses oeuvres sont exposées notamment à Monaco, Chambéry, et à plusieurs reprises au Art Forum à Montreux.
Avis aux rédactions: Des photos relatives à ce reportage peuvent être commandées à:
kipa@kipa-apic.ch. Prix: 80 frs la première, 60 frs les suivantes.
Encadré 2:
Ora et labora. Dans les couvents, on travaille et on prie. Mais pas seulement. Dans de nombreux monastères et communautés en Suisse des religieux exprime leur recherche de Dieu de façon artistique. Travail ou vocation? L’agence de presse Apic a visité « les artistes qui se donnent à Dieu ». Une série d’été en une douzaine de portraits.
(apic/ak/bb)
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