Suisse: Justice et Paix dit oui à l’interdiction de l’exportation de matériel de guerre
Berne, 30 juin 2009 (Apic) Après un examen approfondi des aspects éthiques et des expériences passées, la Commission nationale suisse « Justice et Paix », une commission de la Conférence des évêques suisses (CES), recommande d’accepter l’initiative pour l’interdiction d’exportation du matériel de guerre. L’initiative populaire fédérale pour l’interdiction de l’exportation du matériel de guerre a été déposée le 21 septembre 2007 munie de 109’224 signatures valables. Elle devrait être soumise au peuple à la fin de l’année 2009.
La prise de position complète de cet organe de la Conférence des évêques suisses (CES) pour les questions de caractère politique, social et économique peut être consultée sur son site internet: www.juspax.ch . « Justice et Paix » base son jugement sur la défense des droits de l’homme qui doivent garantir la dignité de chaque personne humaine. La commission part également de la conviction que les armes provoquent les guerres plus qu’elles ne les préviennent, surtout dans les pays pauvres.
Plus de 35 partis et organisations, dont le Parti socialiste suisse et les Verts, font partie de la « Coalition contre l’exportation de matériel de guerre », qui est officiellement à la tête de l’initiative menée par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA). L’initiative veut interdire toute exportation et tout transit de matériel de guerre par la Suisse. En cas d’acceptation, la Confédération devrait soutenir pendant au moins dix ans les régions et les employés économiquement touchés par l’interdiction.
« Ils briseront leurs épées pour en faire des socs de charrue et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre », peut-on lire dans Isaïe 2,4, cité par la Commission nationale suisse « Justice et Paix » dans sa prise de position sur l’initiative pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre.
Certes, comme le relève le message du Conseil fédéral, l’exécution du contrôle des exportations dans le domaine de l’armement, en particulier lorsqu’il s’agit de matériel de guerre, a toujours fait l’objet d’une polémique en Suisse. La palette des exigences va d’une libéralisation des exportations à leur interdiction totale. Face à ces difficultés, « Justice et Paix » propose des « repères éthiques », à l’instar de ceux relevés par le Conseil pontifical « Justice et Paix » en 1994. La Commission estime que « la guerre n’est jamais la solution aux conflits politiques, économiques ou sociaux et les armes ne sont pas des biens ordinaires ».
« Justice et Paix » estime qu’il y a un rapport « indissociable et étroit entre les armes et la violence » et qu’aucun Etat exportateur d’armes ne peut renoncer à sa responsabilité morale devant les éventuels effets négatifs de ce commerce. Evidemment, l’enseignement de l’Eglise catholique reconnaît le principe de la légitime défense individuelle et collective. Dans ce cadre, la production et le commerce des armes sont tolérés et chaque Etat peut posséder uniquement les armes nécessaires pour assurer sa légitime défense. « Ce principe s’oppose à l’accumulation excessive d’armes ou à leur transfert indifférencié ».
Pour la Commission de la CES, aucun intérêt économique ne peut justifier à lui seul la production ou le transfert des armes. De même, les difficultés économiques qui frappent la Suisse « ne peuvent pas légitimer le maintien d’une industrie d’armement simplement en vue de la sauvegarde de l’emploi ».
« Justice et Paix » estime en conclusion que si on confronte les arguments en présence – comme le maintien des places de travail ou la défense nationale – avec les critères éthiques comme le droit à la vie, l’option préférentielle pour les pauvres, une juste répartition des ressources, le respect de l’intégrité de chaque personne et la recherche de la paix, l’interdiction d’exporter du matériel de guerre ne remet pas fondamentalement en cause le droit de la Suisse à assurer sa légitime défense. « Le maintien d’une industrie d’armement dans le seul but de sauvegarder des emplois n’est pas acceptable. Les pertes pour l’économie suisse sont supportables. Les coûts pour la collectivité publique également ». JB/Com
RUAG, deuxième exportateur en Europe de munitions de petit calibre
La promotion de la justice et de la paix est un des objectifs de la politique étrangère de la Suisse et elle est active dans ce domaine, reconnaît « Justice et Paix ». Elle passe notamment par les efforts en faveur du désarmement et de la lutte contre le commerce illicite des armes légères. La Suisse s’est notamment engagée pour la « Déclaration de Genève sur la violence armée et le développement » signée à ce jour par quelque 90 Etats. Dans le même temps, insiste la Commission de la Conférence des évêques suisses, l’entreprise RUAG, propriété de la Confédération, est le deuxième exportateur en Europe de munitions de petit calibre.
Le respect des droits de l’homme est un autre objectif de la politique étrangère de la Suisse. Les efforts de la Suisse dans ce domaine sont souvent ruinés par les conflits armés qui entraînent systématiquement des violations des droits de l’homme, déplore « Justice et Paix ». « Les armes et les munitions engagées dans ces conflits proviennent pour une part de la Suisse ». JB/Com
Des conséquences économiques relativement modérées pour l’ensemble de la Suisse
Le Conseil fédéral reconnaît dans son message que « les conséquences économiques d’une acceptation de l’initiative seraient relativement modérées pour l’ensemble de la Suisse », note « Justice et Paix ». Les exportations de matériel de guerre ont représenté, en 2007, 464 millions de francs, soit le 0,24% de l’ensemble des exportations suisses. « En cas de cessation de l’industrie d’armement nationale, les biens militaires pour notre propre équipement ne seraient plus produits. Ce qui aurait des conséquences supplémentaires pour l’économie sous forme de perte d’emplois et de réduction des recettes fiscales. Les arguments économiques doivent être donc pris au sérieux ».
Les problèmes d’emploi interviendraient plutôt à l’échelle régionale, eu égard à la concentration géographique de l’industrie de l’armement dans cinq cantons: BE, LU, OW, ZH, TG, relève la Commission. Selon le Conseil fédéral, quelque 5’100 postes de travail seraient touchés pour toute la Suisse, y compris chez les sous-traitants. On peut relever ici que deux des principales industries d’armements appartiennent à des groupes étrangers, Mowag à l’américain General Dynamics et Oerlikon-Contraves à l’allemand Rheinmetall, qui délocaliseraient certainement leur production. L’effet sur la diminution de la production générale d’armements serait ainsi annulé.
Face à cette problématique, l’initiative prévoit que la Confédération apporte un soutien pendant dix ans aux régions touchées, sans en préciser cependant ni la forme, ni le montant. Le Conseil fédéral estime les coûts pour les collectivités publiques à environ 500 millions de francs sur dix ans. A titre de comparaison, note « Justice et Paix », le programme d’armement 2008 se montait à 917 millions de francs. (apic/com/be)
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