Bâle: La colline du Münster, convergence des forces militaires, politiques et religieuses

Pourquoi l’évêque de Bâle a-t-il son siège à Soleure?

Bâle, 3 juillet 2009 (Apic) A l’occasion d’une visite – incontournable – au Kunstmuseum de Bâle, pourquoi ne pas faire un crochet au Münster, voisin de quelques centaines de mètres? Le visiteur se trouvera plongé dans une véritable œuvre d’art architecturale, qui donnera des éléments de réponses à cette question qui lui taraude l’esprit: Pourquoi l’évêque de Bâle se trouve-t-il à Soleure?

Une évidence s’impose immédiatement: le Münster a été le siège d’un évêque. De très nombreux signes d’une présence épiscopale apparaissent, autant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’édifice, à commencer, le long de la rue qui mène à la cathédrale, par un imposant palais épiscopal, le « Bischofshof ». Une plaquette indique que ce bâtiment a été « bâti entre 1451 et 1458 comme résidence pour l’évêque Arnold von Rotberg ». Puis, après la Réforme jusqu’en 1794, il a été « en possession du prince-évêque à Delémont ». Depuis 1919, il est « le siège de l’administration de l’Eglise évangélique réformée ».

C’est donc la réforme, comme dans la plupart des villes dont la cathédrale n’est plus siège épiscopal, qui a chassé l’évêque de Bâle. Confirmation, toujours à l’extérieur de l’édifice, avec la présence d’une statue de Johannes Oecolampade, réformateur de Bâle, 1482 – 1531.

Les tombeaux des évêques et autres personnalités

L’intérieur du Münster recèle également de très nombreuses traces de présence catholique. Elles démontrent que si la ville de Bâle a volontiers accueilli les réformateurs, les iconoclastes n’ont par contre pas été les bienvenus. Ou alors ils n’ont pas osé accomplir leurs forfaits jusqu’au bout. Plusieurs évêques ont pu choisir ce haut lieu spirituel pour reposer pour l’éternité. Dans la crypte en sous-sol, derrière le choeur, est mentionnée le nom de l’évêque Rudolf, « tué par les païens ». Et celui de Lütolf von Arburg, évêque de Bâle 1191 – 1213. Sur le bas-côté, à la gauche du chœur, de nombreux tombeaux témoignent de l’hommage rendu par la population à de nombreuses personnalités, dont le prévôt Georg Von Andlau + 1466, premier recteur de l’université, Johannes von Venningen, évêque de Bâle + 1458, l’évêque Arnold von Rotberg +1458, Johannes von Fleckenstein, évêque de Bâle + 1436, et même Bartolomoe De la Capra, archevêque de Milan + 1433 et Ogerius de Conflens, évêque de Mauricienne + 1441. Se trouvent également les tombeaux de chevaliers, prévôts, comtes, … « und andere » (sic).

Quelques stalles des chanoines ont été conservées à l’entrée, ainsi que sur la droite au milieu de la nef et vers le chœur. A l’extérieur, entre le Münster et le Bischofshof, un passage mène le visiteur à un tout autre monde qui comprend le « Petit cloître », le « Grand cloître », un musée, un parc avec un panorama sur le Rhin, et les chapelles de Ste-Catherine et de St-Nicolas ».

Haut lieu stratégique au bord du Rhin

Le site internet du Münster (http://www.baslermuenster.ch/) révèle que le promontoire sur lequel se trouve construit l’édifice a été utilisé déjà vers 10’000 av. J.-C. à des fins stratégiques à proximité du Rhin, qui sert de voie de transport. Après avoir été occupé par un peuple celte, comme l’attestent des restes de tombes et de remparts, le site est utilisé vers l’an 14 ap. J.-C par les Romains, qui ont adopté le Rhin comme frontière naturelle avec la Germanie.

Le nom de « Basilia » est mentionné pour la première fois par écrit par Ammianus Marcellinus à la fin du 4e siècle. Le premier évêque de la région rauracienne est Justinianus, entre 343 et 346 ap J.-C. L’évêque Ragnacharius, issu du couvent de Luxeuil, était au début du 7e siècle le responsable des églises de Augst et Bâle. C’est probablement sous son épiscopat que le siège de l’évêque a été transféré d’Augusta Raurica à Basilia.

Une liste des évêques de Bâle datant du 11e siècle débute en 740 avec Walaus. C’est avec un de ses deux successeurs, l’évêque Haito, Père Abbé de Reichenau, que l’histoire de la construction du Münster prend forme au début du 9e siècle. Il a fait construire une église dont les fondations ont été identifiées par des archéologues. Lors de la réorganisation du diocèse, probablement sous le règne de Pépin, Bâle a été rattaché à l’archidiocèse de Besançon, qui allait du Jura nord au Lac de Bienne, et de l’embouchure de l’Aare à la Haute-Alsace jusqu’à Sélestat, mais sans ce qui allait devenir le Petit-Bâle.

Henri II et Sainte Cunégonde, patrons de la ville

Lors du partage de 843, Bâle rejoint l’Empire médiéval et, après sa dissolution en 880, le Royaume franc oriental. En 1006, Bâle est cédé par le roi Rudolf III à l’empereur germanique Henri II le Saint. Ce dernier, reconnaissant, offre des terres à la Ville de Bâle, ainsi que des reliques, l’antependium de l’autel en or (aujourd’hui au Musée de Cluny à Paris) ainsi qu’un soutien financier pour la construction du Münster. L’édifice est inauguré en 1019 par l’évêque Adalbert. Henri II et son épouse, Sainte Cunégonde, ont ensuite été reconnus bienfaiteurs et honorés comme saints patrons de la ville. En 1033, après les conquêtes de l’empereur Konrad II, le royaume de Bourgogne, ainsi que Bâle, rejoignent le royaume allemand. C’est durant le synode du royaume, en 1061 à Bâle, que l’évêque Pierre Cadalus de Parme fut élu antipape sous le nom d’Honorius II et régna jusqu’en 1072.

En 1260, une Constitution établit l’élection d’un bourgmestre et d’un Conseil. Durant la 2e moitié du 13e siècle, on assiste au déclin du pouvoir épiscopal et de la montée de bourgeoisie et de la chevalerie. En 1424, le pape Martin V fit savoir au gouvernement bâlois que sa ville avait été choisie pour accueillir le prochain concile, qui dura de 1431 à 1448. Un fruit de cet événement fut pour Bâle la fondation de son université en 1460, considéré comme une suite de l’Université conciliaire.

La ville prend le chemin de la Réforme dès 1521

Tout comme dans de nombreuses villes européennes, la réforme prit pied à Bâle au 16e siècle. Ce sont des facteurs économiques et politiques qui y ont contribué. Les évêques de Bâle, fortement endettés, avaient dû céder des droits en gage à la Ville notamment. L’évêque Christoph von Utenheim (1502-1527), bien qu’ouvert aux idées de la Réforme avant 1517, s’y opposa lorsqu’elle se présenta aux portes de la ville. Lorsque la municipalité dénonça ses alliances avec la souveraineté épiscopale en 1521, et que le conseil communal fut élu sans la ratification de l’évêque, la ville prit le chemin de la Réforme.

Depuis 1525, Bâle vécut une situation de semi-réforme, où parfois dans les mêmes églises se côtoyaient la célébration réformée, suivie par une partie du conseil de la ville, et la messe traditionnelle. Johannes Oecolampade, curé de l’église St. Martin dès 1525, se reconnut disciple de Luther et entreprit de réformer la ville. L’évêque abandonna sa résidence de Bâle avant 1529 pour déménager à Porrentruy, alors que le chapitre de la cathédrale trouva refuge à Fribourg-en-Brisgau, avant de rejoindre Arlesheim en 1679.

En 1529, Bâle adopte officiellement la réforme, après avoir connu les doléances des confréries, tout de même quelques actes d’iconoclasme et des manifestations populaires. Le culte catholique devient interdit, pour faire place à l’Eglise de la réforme telle qu’elle a été définie par Zwingli.

Encadré:

Le réformateur de Bâle

Jean Husschin, dit Œcolampade, est né en 1482 à Weinsberg dans le Palatinat. Il a fait des études de droit et de théologie à Bologne et à Heidelberg. En 1515, collabore avec Erasme à l’édition du Nouveau Testament. Il est nommé prédicateur à Bâle puis à Augsbourg, où il découvre les écrits de Luther. En 1525, Oecolampade, de retour à Bâle, devient prêtre à l’église Saint-Martin et achemine la ville vers l’adoption de la Réforme. En 1529, il s’impose comme le chef de la Réforme. Il devient pasteur de la cathédrale et chef de l’église bâloise. Il prend également une part active à l’implantation de la Réforme à Ulm, Memmingen ainsi qu’à Biberach. Il participe à la conversion des vaudois au protestantisme. Il meurt en 1531, deux mois après Zwingli.

Encadré:

Le diocèse de Bâle après la réforme

De 1528 à 1792, le siège de l´évêque de Bâle s’est trouvé à Porrentruy, révèle le site internet du diocèse de Bâle (www.bistum-basel.ch/ ), puis pour un temps à Offenburg. C’est depuis 1828 que Soleure devient la résidence de l´évêque. La Haute-Alsace a fait partie du diocèse de Bâle jusqu´à la Révolution. De 999 à 1802 l´évêque était prince-évêque, c´est-à-dire à la fois dignitaire de l´Eglise et prince du Saint Empire romain-germanique. Il gouvernait sur la partie du pays qui comprend le canton du Jura actuel, le Jura bernois, la vallée de Laufon, le Birseck et Pfeffingen. La perte de cette double fonction nécessita, au début du 19e siècle, la remise en question des frontières du diocèse. Un accord établit alors les termes de cette nouvelle organisation. Il s´agissait d´un contrat entre les gouvernements des cantons de Soleure, Lucerne, Berne, Zoug et le Saint-Siège. Six autres cantons ont par la suite adhéré au concordat. Le diocèse de Bâle comprend actuellement 10 cantons: Argovie, Berne, Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Jura, Lucerne, Schaffhouse, Soleure, Thurgovie et Zoug. Une partie de ce territoire a fait partie de l’ancien diocèse de Constance jusqu’au début du 19e siècle.

Encadré:

Série d’été Apic: Ces lieux chargés d’histoire

Est-il exact que les prémontrés de Bellelay ont inventé la tête de moine? Pourquoi l’évêque de Bâle se trouve-t-il à Soleure? Pourquoi les inhumations ont-elles été longtemps interdites à la Cathédrale de Lausanne? Ces questions (et bien d’autres) trouveront réponse dans la série d’été que l’Apic consacre à « ces lieux chargés d’histoire ». Une série de reportages à découvrir en juin et juillet.

Note aux rédactions: Des images du Münster peuvent être commandées à apic@kipa-apic.ch. Prix pour publication: 80 frs la première, 60 frs les suivantes. La tour St-Georges étant en rénovation, il n’a pas été possible de prendre des clichés traditionnels des deux tours du Münster.

(apic/bb)

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