Fribourg: Décès accidentel en Inde du professeur de missiologie Anand Nayak

Un disciple du jésuite indien Anthony de Mello

Fribourg, 7 septembre 2009 (Apic) Spécialiste reconnu de la questions des relations entre le christianisme et les religions asiatiques, notamment l’hindouisme, le bouddhisme et l’islam, le professeur de l’Université de Fribourg Anand Nayak est mort vendredi 4 septembre des suites d’un accident de la circulation à New Delhi, en Inde.

Théologien né en Inde en 1942, Anand Nayak se trouvait dans la capitale indienne pour préparer son prochain voyage d’études. Depuis le semestre d’été 1994, Anand Nayak était professeur associé pour la science des religions et la missiologie auprès de la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg. Depuis 1979 déjà il était collaborateur scientifique et chargé de cours à la Faculté. Les obsèques auront lieu à Fribourg à une date non encore fixée, a fait savoir lundi Martin Klöckener, doyen de la Faculté de théologie.

Anand Nayak avait étudié les sciences religieuses en Inde et avait obtenu un doctorat à la Sorbonne à Paris en théologie et en sciences religieuses. Il était membre du groupe de travail de la Conférence des évêques suisses (CES) pour les religions asiatiques et africaines, présidé par Mgr Vitus Huonder, évêque de Coire.

Spécialiste du jésuite indien Anthony de Mello, qu’il avait rencontré la première fois en 1966, Anand Nayak animait également des séminaires de méditation intitulés «Sadhana», d’après l’enseignement du Père de Mello, en Suisse (à Fribourg et à Lassalle-Haus à Edlibach), en France (Vaison-la-Romaine), en Autriche (Innsbruck) et en Belgique (Bruxelles et Rochefort). La «Sadhana» est un mot qui vient de l’hindouisme et du bouddhisme et qui signifie «cheminement spirituel».

Auteur de plusieurs livres sur des questions religieuses et de la spiritualité, il organisait également des voyages d’études en Inde pour toutes les personnes intéressées par la culture et la civilisation indiennes.

«Nouvelle illustration de l’incompréhension culturelle entre l’Orient et l’Occident»

Dans sa défense du jésuite indien, pris dans le collimateur de la Congrégation romaine pour la doctrine de la foi, dans une Notification de 1998 signée par le cardinal Ratzinger – Anand Nayak déclarait il y a une décennie à l’agence Apic: «Le Père Anthony de Mello aurait dû être béatifié, pas condamné par le Vatican… Il a emmené des milliers de personnes à la prière et à la vie spirituelle; ce mystique d’aujourd’hui a aidé tellement de monde à vivre!». L’intervention vaticane visant le maître jésuite indien, décédé en 1987, était pour lui «nouvelle illustration de l’incompréhension culturelle entre l’Orient et l’Occident».

A l’époque, la tentative du Père de Mello, dans le conseil spirituel, de marier doctrine ancienne et psychologie moderne – analyse transactionnelle et psychologie de la forme (Gestaltpsychologie) – représentait une approche nouvelle et originale. Mais pour Anand Nayak, on n’avait pas affaire ici à un cas d’hérésie. «Le Vatican se contente d’une mise en garde; il ne s’agit pas d’une condamnation du Père de Mello et d’une interdiction de son œuvre», tenait-il à rappeler. Le professeur de Fribourg relevait d’ailleurs que sa vie durant, le Père Anthony de Mello n’a jamais eu aucun conflit avec la Conférence épiscopale indienne ou la Compagnie de Jésus. Auprès des jésuites, le maître indien était considéré comme une grande autorité.

Anand Nayak considérait que l’auteur de «Sadhana, chemin de Dieu», un ouvrage publié en 45 langues ! – et de nombreux autres ouvrages distribués dans le monde entier, a été victime de malentendus: «Il n’a jamais prêché que la révélation chrétienne n’a pas de sens et n’a jamais eu l’intention de dire que Jésus n’est qu’un maître parmi les autres maîtres… S’il dramatisait parfois, c’était pour provoquer une réaction, faire penser les gens. Il utilisait une sorte de thérapie de choc, qui n’était pas du tout une position théologique». JB

Encadré

Pour le professeur Nayak, tous les malentendus entourant le Père de Mello – prêtre jésuite d’origine indienne, dont la pensée a été condamnée par le Vatican comme étant incompatible avec le dogme catholique – ne proviennent pas seulement du vocabulaire différent ou d’un effort maladroit d’inculturation: «Le problème est réel: nous ne pouvons pas finalement enfermer l’expérience spirituelle, l’expérience de Dieu, uniquement et exclusivement dans la parole. Les paroles nous aident à découvrir Dieu, elles représentent une grande aide dans le cheminement vers Dieu, mais il y a un moment où l’on doit aller au-delà des concepts et de la doctrine verbale. La doctrine thomiste, par exemple, restera comme une richesse du patrimoine. Mais qu’il faille la répéter «verbatim» dans un contexte hindouiste ou bouddhiste n’a pas de sens. Dans l’inculturation, le message du Christ ne disparaît pas, le Christ lui-même reste dans toute sa réalité, mais ces défis nous poussent à découvrir davantage certains aspects de ce mystère de Jésus-Christ que les 2’000 ans d’histoire ne nous ont pas encore révélés».

Dans son livre sur le Père de Mello – «Le faiseur de feu – la vie et les enseignements spirituels d’Anthony de Mello» (Ed. Sully, Vannes, décembre 2006), Anand Nayak voulait rendre justice au Père Anthony de Mello (1931-1987) et montrer en quoi son message est à la fois profondément chrétien et porteur de joie et de lumière pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui. L’ouvrage contient une biographie du Père de Mello ainsi que les grandes lignes de son enseignement spirituel. Il reprend également chaque point de la Notification du Vatican. (apic/be)

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