A l’ombre des minarets, en bonne entente avec les musulmans
Fribourg, 9 octobre 2009 (Apic) Au Sénégal, pays musulman à plus de 90%, l’Eglise catholique vit à l’ombre des minarets, dans une ambiance de collaboration tant avec l’Etat qu’avec l’ensemble de la société. « C’est notamment grâce à des présidents comme Léopold Sédar Senghor ou Abdou Diouf que notre entente est si bonne », souligne Mgr Benjamin Ndiaye, évêque du diocèse de Kaolack.
Cet ancien étudiant de l’Université de Fribourg – il y a fait sa licence en théologie avec le Père dominicain Bernard Trémel en 1977 – est de passage en Suisse à l’invitation de Missio, les Oeuvres Pontificales Missionnaires en charge d’organiser le Dimanche de la Mission Universelle le 18 octobre prochain. Chaque année, un regard particulier est posé sur une Eglise locale, et le pays hôte de la campagne Missio 2009 est le Sénégal. 5 à 6% de chrétiens vivent dans ce pays de 14 millions d’habitants et d’une superficie de 196’723 km², soit plus de quatre fois et demi la surface de la Suisse.
Mgr Benjamin Ndiaye est né il y a 61 ans dans la région de la Petite Côte, qui s’étend le long du littoral au sud de Dakar, plus précisément à Fadiouth, une île formée par un amas de coquillages blancs, reliée à la terre par une passerelle. « Les gens y sont à 95% catholiques, la proportion inverse de la population sénégalaise, c’est pourquoi quand j’ai été nommé évêque de Kaolack, en 2001, je me suis dit que j’allais devoir m’installer en ’pays de mission’ », lâche en riant cet évêque à la vision très ouverte. C’est que Mgr Ndiaye a une large expérience du monde: il étudiait à l’Ecole biblique et archéologique française (EBAF) de Jérusalem quand le président égyptien Anouar el-Sadate se rendit dans la ville sainte en novembre 1977, et il conduit tous les deux ans les pèlerins du Sénégal en Terre Sainte et à Rome.
Il vient de conduire cet été, sur le thème « pèlerin de la paix », le pèlerinage 2009 aux lieux saints de la chrétienté, avec pour but d’apprendre à « mieux vivre en artisans de paix ». L’évêque de Kaolack est président du Comité interdiocésain national des pèlerinages catholiques, le CINPEC, une structure créée par les évêques du Sénégal en 1964 pour essayer d’aider les chrétiens à effectuer une démarche de foi.
Cette année, près de 400 pèlerins sont partis du Sénégal pour visiter la Terre Sainte, Rome et Lourdes, accompagnés par une dizaine de prêtres pour les encadrer spirituellement. « L’Etat sénégalais subventionne ce pèlerinage catholique, comme il le fait pour le pèlerinage des musulmans à La Mecque. Il finance l’accompagnement d’après un budget voté à l’Assemblée nationale. Il subventionne l’équipe médicale qui nous accompagne, l’encadrement administratif du Ministère des Affaires étrangères qui participe au pèlerinage, facilite l’obtention des passeports…. Nous lui en sommes très reconnaissants! », témoigne l’évêque de Kaolack.
Cette solidarité entre Sénégalais de diverses appartenances religieuses se manifeste partout dans le pays: « Les gens au Sénégal respectent le choix d’autrui. On peut appartenir à une religion différente, mais cela ne va pas supprimer les liens sociaux que les gens entretiennent entre voisins. Ainsi la Caritas dans mon diocèse est très engagée dans l’accompagnement de la population, pour l’aider à accéder à l’eau, à la santé. Nos œuvres sociales sont une exigence de notre foi. C’est aussi une exigence de cohérence, car nous ne devons pas seulement parler, nous devons aussi agir selon l’Evangile, en relisant Matthieu 25: ’Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli’… Agir pour l’autre, c’est agir pour Dieu ».
Dispensaires, écoles et internats, sacs de riz distribués par Caritas au moment de la « soudure », la période où les réserves de l’année précédente sont épuisées en attendant la récolte nouvelle, tout est partagé et profite autant aux chrétiens qu’aux musulmans, qui sont de loin les plus nombreux bénéficiaires de cette aide.
Ainsi, note l’évêque de Kaolack, les musulmans – même si au début certains avaient pu penser que la Caritas était une œuvre pour les convertir – comprennent bien que l’Eglise agit sans arrière-pensée. « Si quelqu’un, après avoir bien réfléchi, veut se convertir, nous ne le refusons pas, mais nous ne faisons pas de prosélytisme! ». Les musulmans comprennent cela facilement et ils apprécient cet engagement, poursuit Mgr Ndiaye. « Ils nous le rendent bien… Il y a un imam qui m’aime bien: chaque fois que nous menons une action de reboisement, il est au premier rang pour nous aider, sans contrepartie. Durant le pèlerinage diocésain, je bénis les semences: l’imam, qui est aussi cultivateur, est encore une fois le premier à apporter ses semences d’arachides, de mil et de haricots… »
D’ailleurs, précise Mgr Ndiaye, « quand, séminariste, j’étais en crise et ne savais plus si j’allais continuer pour devenir prêtre, c’est un vieux musulman qui m’a aidé et conseillé. Il m’a dit: ’mon fils, si Dieu t’appelle, il faut répondre!’ J’ai rappelé cet épisode à la fin de mon ordination épiscopale. » JB
Mgr Ndiaye avait l’espoir de faire venir dans son diocèse des religieux contemplatifs. Il avait sollicité les bénédictins de Keur Moussa, un couvent fondé en 1961 par neuf moines de l’ordre de saint Benoît venus de Solesmes, mais ils n’étaient pas en mesure de fonder une nouvelle implantation à moins de 100 km de là. Mais invité à Keur Moussa, en octobre 2001, pour la prédication du Dimanche de la Mission, la messe étant retransmise en France par Antenne 2, son appel a été entendu. Les carmes de la Province d’Avignon-Aquitaine, qui suivaient l’émission, l’ont contacté. Ils ont installé une implantation dans le diocèse, Keur Mariama (« Chez Marie » ou la « Maison de Marie »), au beau milieu d’une population musulmane. La Province d’Avignon-Aquitaine des Carmes Déchaux (Sud de la France, Québec, Suisse et Sénégal), à laquelle appartient le couvent des Carmes de Montrevers 29, à Fribourg, est désormais à pied d’œuvre pour créer « un pôle spirituel » interdiocésain pour le Centre Ouest du Sénégal à Kaolack. Ils y ont déjà bâti sur le terrain de Keur Mariama un ermitage, qui donne le ton de leur implantation qui se veut résolument contemplative et fondée sur l’expérience intérieure du Dieu vivant. Le couvent est encore à l’état de plans, mais il va se construire.
A 10 km de Kaolack et à quelque 150 km au sud-est de la capitale Dakar, des frères ont répondu à l’appel de l’évêque du lieu. Sur un territoire de près de la moitié de la Suisse et une population d’environ 1,7 million d’âmes, les catholiques du diocèse de Kaolack sont quelque 15’000, avec à leur service une trentaine de prêtres. Sous les auspices de Mgr Ndiaye, le diocèse a acquis, dans cette région qui jouit d’un climat chaud et sec, une étendue de sable de 25 hectares, aujourd’hui entourée d’une clôture. Le terrain dispose déjà d’un puits et le forage va profiter à tous les villages alentours, car les femmes font actuellement des kilomètres pour trouver de l’eau. Sur 10 hectares, un couvent de carmes, avec église et hôtellerie, pour l’accueil est prévu. A côté se tiendra un petit couvent de carmélites apostoliques et un séminaire de propédeutique, qui accueillera les candidats deux années avant l’entrée au grand séminaire. JB
D’autres informations sur www.missio.ch. Des photos de Mgr Benjamin Ndiaye peuvent être obtenues à l’apic: jacques.berset@kipa-apic ou apic@kipa-apic.ch, tél. 026 426 48 01 (apic/be)
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