Comment l’Eglise peut-elle relever les défis de la société moderne?

Belgique: Conférence du Père Paul Valadier à Namur (110690)

Namur, 11juin(APIC) Depuis une quarantaine d’années, plus encore depuis

le Concile Vatican II, l’Eglise catholique a entrepris des efforts considérables de rénovation. Et pourtant, cela n’a pas empêché une baisse importante de la pratique religieuse et une désaffection de la part des nouvelles génération. Faut-il dresser un constat d’échec ou de demi-échec? « Sans

doute. Mais il serait injuste de s’accuser mutuellement », répond le Père

Paul Valadier, théologien jésuite français. L’ancien rédacteur en chef de

la revue « Etudes » s’exprimait récemment à Namur (Belgique) à propos de

l’Eglise dans les défis de la société moderne.

S’agissant des défis à relever, le Père Valadier en considère surtout

quatre, à commencer par la sécularisation. Celle-ci, qui peut prendre des

formes diverses selon les lieux, se caractérise par des distinctions, sinon

des démarches typiques. Désormais, il y a séparation entre l’Etat, espace

public, et l’Eglise, qui tend à être reléguée dans la sphère privée. La

perte d’influence de l’Eglise est évidente. Et l’Eglise, qui ne peut plus

revendiquer « le monopole de la gestion sociale », est marginalisée. Dans le

champ du savoir, les divers domaines de recherche ont également pris leur

autonomie et se sont affranchis de la tutelle de l’Eglise. Cette évolution

a des conséquences importantes sur la vie des croyants: si la foi se privatise, quel peut encore être son impact? Les croyants ne vont-ils pas être

tentés de mener une double vie, dont tout un pan restera en dehors de leur

vision de foi? Si la foi apparaît moins pertinente ou moins concevable,

l’indifférence religieuse ne va-t-elle pas gagner de plus en plus de terrain?

Démocratie pluraliste et communication

Autre défi, qui découle de la sécularisation de la société: celui de la

démocratie pluraliste. Le pluralisme existe d’ailleurs aussi au plan religieux. « Les idéologies globalisantes sont mortes », constate le Père Valadier. « Personne ne peut plus prétendre détenir seul la vérité sur la société et sur l’homme. La vérité, on est donc obligé d’en débattre ». Ici encore, cette évolution n’est pas sans conséquences pour l’Eglise, qui s’est

longtemps présentée – du moins dans le catholicisme – comme détentrice de

la seule Vérité. L’Eglise va-t-elle se replier dans un ghetto, d’où elle

n’aura plus part au débat? Ou bien va-t-elle apprendre à mettre sa propre

recherche en relation avec d’autres?

Troisième défi: une communication et une mobilité généralisées. La circulation de l’information, jointe aux déplacements nombreux des individus,

leur permet de comparer, donc de relativiser. Comme il y a des brassages de

population, il y a des brassges culturels. Une fois encore, les conséquences sont importantes sur le plan religieux: « On butine un peu partout tout

en prenant ses distances par rapport à une religion déterminée », observe

Paul Valadier. « Puisque tout est comparable, chacun est tenté de faire son

propre cocktail. Ceci ne facilite pas la découverte et l’attitude religieuse. L’ouverture à la religion suppose, au contraire, enracinement, durée,

fréquentation ».

A ces situations, assez repérables dans le monde occidental, le théologien jésuite en ajoute une quatrième, « peut-être plus spécifique aux régions francophones »: l’Eglise catholique a toujours un contentieux à régler

avec la société moderne qui s’est opposé à elle pour prôner les droits de

l’homme et défendre la laïcité.

Trois pistes

Comment l’Eglise peut-elle relever les défis observés? D’abord en les

considérant positivement, et non en y voyant le signe d’un assaut dirigé

contre elle, suggère le jésuite français. Dans cette optique, il attire

l’attention sur trois lieux de témoignage de foi.

D’abord, souligne-t-il, alors que les philosophes du XIX siècle avaient

annoncé la disparition des religions, il y a une permanence de la quête religieuse. En fait, « plus une société moderne se développe et se différencie, plus se pose le problème des jointures ». C’est dans ce contexte que se

posent à nouveau la question du sens de la vie et la question de Dieu. Les

problèmes de bioéthique en sont un exemple évident. On n’est donc pas mécontent d’entendre des croyants s’exprimer dans ce domaine. Certes, leur

témoignage peut être ambigu: annoncer un Dieu faussement sauveur, laisser

croire à des certitudes faciles, voire entraîner dans l’irrationnel ou le

repli sectaire… Il n’empêche, le témoignage de foi garde toute sa force

quand la quête religieuse demeure. Aux chrétiens, pour leur part, de répondre à cette attente en annonçant vraiment le Dieu de Jésus-Christ, un Dieu

qui met l’homme en face de ses responsabilités, un Dieu dont la rencontre

s’authentifie par l’amour fraternel.

La deuxième piste suggérée a trait à l’indifférence religieuse, « défi

majeur »: on ne saurait relever le défi du manque apparent d’intérêt par des

réaffirmations massives ou arrogantes; elles ne feraient que renforcer

l’indifférence et la méfiance. Mais peut-on parler sans réserve d’indifférence? Lorsque la démarche religieuse ne passe plus par les chemins aménagés par les Eglises, celles-ci auraient tort de conclure: il n’y a plus

d’intérêt pour la religion. Qui peut dire comment Dieu veut se faire découvrir? « Portons donc un regard fraternel et chaleureux sur les autres: il

leur est possible de connaître Dieu par d’autres voies et d’autres noms »,

suggère Paul Valadier. Le théologien ajoute: « L’indifférence que des chrétiens perçoivent est aussi là pour leur rappeler que la foi chrétienne

n’est pas un paquet de vérité. C’est une expérience, une façon de vivre.

S’ils veulent en témoigner, à eux de contribuer à la redécouverte du goût

de Dieu et du chemin de l’expérience spirituelle fondamentale ».

« Mille ans sont comme un jour »

Quant au défi de la démocratie et du pluralisme, le Père Valadier estime, vu les problèmes considérables auxquels les sociétés d’aujourd’hui sont

confrontées, que si les croyants ont des choses à dire, on les appelera à

la table de réflexion pour en débattre. Ils pourront donc y faire valoir

leurs points de vue, leurs convictions, les valeurs qu’ils défendent. A eux

aussi d’apprendre à trouver leur place dans le débat.

Pour conclure, le Père Valadier invite à regarder l’avenir avec confiance. « Aux yeux de l’Eternel, dit-il, mille ans sont comme un jour. Nous n’en

sommes qu’au deuxième jour du christianisme ».

Répondant ensuite à des questions, le théologien jésuite a souhaité que

chacun ne respire pas seulement l’air du catholicisme du vieux continent,

mais aspire aussi l’air de la planète. Cela suffira-t-il à faire changer

les choses, que certains estiment quelquefois bloquées? Paul Valadier répond: « La Bible raconte qu’avant de prendre Jéricho, il a fallu faire sept

fois le tour de la ville. Pendant les six premiers tours, on ne voyait rien

bouger. Puis, au septième tour, les murailles de Jéricho se sont effrondrées. Il faut donc préparer les changements par tout un travail, et notamment

un travail de formation. Et puis, un beau matin, les choses avanceront. Il

est certains que des carcans vont tomber ». (apic/cip/pr)

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