Apic Interview Fribourg: Entretien avec l’abbé Nicolas Glasson, Supérieur du Séminaire diocésain

Un Séminaire actif, malgré le manque de vocations

Fribourg, le 22 octobre 2009 (Apic) Cinq séminaristes au Séminaire du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), avec une possibilité d’accueil de 40 séminaristes, et cinq à celui du diocèse de Sion et une possibilité d’accueil pour une trentaine: pourtant on ne semble pas prêt à fusionner les deux Maisons. L’abbé Nicolas Glasson, Supérieur du Séminaire de LGF, a cependant confiance et consacre toute son énergie à aider les candidats à la prêtrise dans leur cheminement.

L’abbé Glasson ouvre même de nouvelles voies pour une meilleure utilisation de ses locaux. Les deux Maisons s’autofinancent et ne bénéficient d’aucune contribution des impôts ecclésiastiques paroissiaux ni des Fédérations ou Corporations.

Apic : Monsieur l’abbé, comment vont vos séminaristes et combien sont-ils ?

Abbé Nicolas Glasson: Ils vont très bien. Il y en a actuellement 5 dans la maison, échelonnés dans les différentes années de formation. Trois sont en année de discernement, qui est une année commune aux diocèses de Suisse romande. Ce temps de discernement, les séminaristes le passent dans les bâtiments du Séminaire de Sion à Givisiez. Mais ils viennent ici tous les mardis, parce que c’est dans nos locaux qu’un de nos Pères donne les leçons de solfège, de psalmodie, de chant et de pause de voix. En contrepartie, nous rejoignons nos séminaristes à Givisiez le mercredi soir pour l’office des Vêpres et assister à la conférence du père spirituel.

Apic : Il y a une très bonne collaboration entre les deux séminaires` ?

Abbé Nicolas Glasson: Il y a une excellente collaboration. Le mardi et le mercredi, nous sommes en partie ensemble, en fin de journée. Nous faisons toutes nos récollections ensemble, notre retraite annuelle ensemble, ainsi que certaines sessions de formation. Il y a eu un essai de réunir les deux maisons. Cela ne s’est pas fait. Certains sont un peu outrés que cela ne se soit pas fait, mais on est en Suisse et tout va assez lentement. Il y a dix ans exactement, il n’y avait pas de contact entre les deux maisons. J’ai fait tout mon séminaire ici de 1993 à 1999, et je ne savais pas qui était le directeur du séminaire de Sion.

Apic : Et pourtant c’est la porte à côté?

Abbé Nicolas Glasson: A vol d’oiseau, c’est très proche. Dans ma volée universitaire, il n’y avait pas de séminaristes valaisans. Je n’avais alors pas de copains séminaristes valaisans avec qui j’aurais pu avoir un contact dans la maison. On ne faisait guère de choses en commun.

Apic : Et maintenant ?

Abbé Nicolas Glasson: Maintenant, les deux séminaires collaborent pour beaucoup de choses.

Apic : C’est vous qui avez initié ces rapprochements ?

Abbé Nicolas Glasson: Pas du tout. Je commence ma 3ème année comme Supérieur, et cette collaboration était déjà là quand je suis arrivé. C’est mon prédécesseur, l’abbé Aenishänslin, qui a instauré ces relations. On continue, en imaginant qu’un jour les deux séminaires seront réunis, et que l’année propédeutique aura lieu dans le même bâtiment. Cela prend un peu de temps, parce qu’il y a deux séminaires et, s’il faut se réunir en un seul endroit, un des évêques devra fermer sa maison. Ou la maintenir autrement, mais cela, apparemment, c’est une question qui va prendre encore un petit peu de temps.

Apic : Les intérêts des deux diocèses sont multiples et différents ?

Abbé Nicolas Glasson: Chacun a ses arguments qu’on peut comprendre. Notre évêque dit : je suis dans mon diocèse, j’accueille volontiers. D’un autre côté, l’évêque de Sion tient à garder son autonomie.

Apic : Les séminaristes étudient à l’Université toute la semaine ?

Abbé Nicolas Glasson: Il y a 4 parties ou piliers de la formation sacerdotale ou presbytérale que sont la formation humaine, la formation spirituelle, la formation intellectuelle ou théologique et la formation pastorale. Les 4 sont de même importance, on peut même dire que les trois premières sont en vue de la dernière.

Chez nous, la formation intellectuelle, théologique, prend beaucoup de place parce que les séminaristes suivent les cours à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg. Ce qui a pour nous des incidences, si on compare à d’autres séminaires (en France, par exemple), où les cours de théologie sont encore donnés au séminaire par des professeurs du séminaire. Dans ces maisons-là, on arrive bien à concilier formation théologique et vie communautaire.

Nous, ici, nous sommes dépendants des horaires de l’Université, et maintenant, depuis quelques années, avec le système de Bologne, cela nous complique un peu la vie communautaire. On doit parfois regarder un peu pour la célébration de la messe selon les horaires universitaires. On a des séminaristes qui rentrent à 20h00 des cours de philosophie. La vie communautaire et la formation humaine, spirituelle et pastorale, sont souvent réduites à leur minimum durant la semaine, puisque toute la place est mangée par la formation théologique.

Apic : Le week-end, vous êtes ensemble ?

Abbé Nicolas Glasson: Je garde les séminaristes ici une grande partie des week-ends. En moyenne ça fait un week-end sur deux pendant le 1er semestre, et un peu plus de 3 week-ends sur 4 le deuxième semestre. Durant ces temps-là, j’organise le samedi matin une formation presbytérale, qui peut être une formation humaine, spirituelle ou pastorale. Elle est donnée par des intervenants extérieurs que je fais venir, des confrères, des religieux. Certains sujets, je les confie par exemple aux moines de l’Abbaye d’Hauterive. C’est alors nous qui nous déplaçons à Hauterive. On a aussi des Carmes à Fribourg, avec qui nous collaborons pour la formation spirituelle.

De plus, nous organisons trois entretiens condensés en un week-end, donnés par un bénédictin à Einsiedeln. Je fais aussi venir des gens d’autres milieux: des médecins (on a eu l’année passée une femme gynécologue pour traiter des questions de sexualité). J’ai fait une liste de sujets qui me semblaient pouvoir être traités sur 5 ans.

Il y a aussi l’aspect de la vie communautaire le week-end, puisque c’est un petit peu moins tendu que les jours où les séminaristes sont pris par la vie universitaire. C’est l’occasion de vivre ensemble, de faire des choses en commun. Et puis le dimanche, sauf si c’est trop près des périodes d’examen où il faut leur laisser du temps, sinon ils deviennent un peu « nerveux », je prends volontiers du ministère de remplacement en paroisse. Et nous y allons ensemble.

La Semaine Sainte, par exemple, on remplace le curé de Vallorbe, qui a reçu toute la vallée de Joux dans sa nouvelle paroisse et qui veut faire connaissance. Il y 3 lieux de culte, nous irons à Vallorbe et nous y célébrerons la Semaine Sainte ensemble. Cela permet à nos séminaristes de connaître un petit peu la réalité pastorale de nos paroisses. J’ai beaucoup de demandes sur Fribourg, mais assez peu dans les autres cantons du diocèse. A Fribourg, on a des paroisses petites et cela permet aux séminaristes de se rendre compte des communautés qui se réunissent le dimanche. C’est aussi bon pour les paroissiens de se rendre compte de l’avenir des vocations et de l’état du séminaire. En principe cela se passe très bien, il y de bons contacts entre les paroissiens et les séminaristes.

Apic : Votre itinéraire personnel?

Abbé Nicolas Glasson: J’ai une voie que l’on qualifie de normale pour les institutions telles qu’elles existent encore maintenant. J’ai fait mes écoles obligatoires à Bulle, le collège à Bulle. J’ai eu une année de petite transition, puisque j’ai fait mon école de recrues, l’école de sous-officier et le paiement de galons: j’ai fait 9 mois de service militaire. Je suis rentré au séminaire ici en 1993, avec les 5 années de formation plus une année de stage, comme c’était compris à l’époque. J’en suis ressorti en 1999.

J’ai ensuite été envoyé comme vicaire dans le Fribourg alémanique, à la paroisse de Planfayon, où je suis resté jusqu’en automne 2003. J’ai ensuite été détaché 3 ans pour rédiger une thèse de doctorat sur un aspect de l’ecclésiologie du cardinal Journet. En 2006, on m’a nommé supérieur adjoint ici, en m’envoyant à Paris suivre un cours de formation pour éducateurs du clergé (cours mis en place immédiatement après le Concile par les évêques de France).

Ce cours me prenait une à deux semaines par mois. J’étais enchanté de ce cours, tant du point de vue contenu que des contacts que cela m’a apportés. En automne 2007, l’évêque m’a nommé supérieur du séminaire. Depuis, on nous a confié aux deux supérieurs des séminaires de Sion et de LGF la coordination du Centre Romand des Vocations (CRV). Je m’occupe aussi de la formation initiale des jeunes prêtres, durant les 5 premières années de leur ministère.

Je suis aussi aumônier des armaillis. Je fais donc de la pastorale de la montagne l’été. Et puis, je suis aumônier militaire. Je remets un peu cette tâche en question, car le travail qu’on y fait n’est plus celui que j’ai connu à mes débuts. Quand j’ai commencé en 2000, j’étais dans un régiment fribourgeois. Il y avait un cours de cadres qui avait commencé la Semaine Sainte. Je n’avais rien besoin de dire: sur l’ordre du régiment, Jeudi Saint, il y avait la messe, et Vendredi Saint on les « coinçait » à Saint-Maurice pour une liturgie de la Passion, à l’abbaye. C’était le colonel qui décidait ça.

Maintenant, on n’a plus tellement ce rôle de servir la foi des gens qui sont là. Souvent ceux qui veulent vraiment pratiquer leur foi demandent congé, et habituellement l’obtiennent. Nous, les aumôniers, on est là pour des questions diverses qui relèvent plus du sociologue ou du psychologue que de notre tâche pastorale. Je me demande si cette fonction d’aumônier militaire ne prend pas trop de temps pour le peu de travail que je peux faire.

Apic : Bien occupé ?

Abbé Nicolas Glasson: On se dit souvent: il y a peu de séminaristes, donc peu de travail. Mais je fais en sorte d’être là. On a les repas, les offices, et il ne faut pas que je sois excusé une fois sur deux. C’est un pôle de présence qui demande beaucoup. On a affaire à des séminaristes aujourd’hui – et c’est un peu l’habitude de cette nouvelle génération, de notre jeunesse – qui veulent pouvoir nous rencontrer souvent et qui ont beaucoup de demandes.

A mon époque, lorsque je voulais voir le Supérieur, je devais demander un rendez-vous qu’il m’accordait pour un, deux jours, voire une semaine plus tard. Maintenant, il faut être à disposition des jeunes. Et comme on a un éventail de personnes qui n’ont pas suivi la « filière normale », je leur offre ce que j’appelle un « tutorat d’études » hebdomadaire. C’est toutes les semaines que je suis les 5 séminaristes. Ils arrivent avec leurs bouquins, leurs cours, leurs questions. Ils ouvrent plus facilement leur cœur que ce n’était le cas à mon époque d’étude où le Supérieur était le for externe et le Père spirituel le for interne.

Au tutorat, je leur fais quand même les remarques que j’ai à leur faire, mais je suis très ouvert et je leur dis que les incompréhensions et les remarques vont dans les deux sens. Je suis étonné comme ils le font et me disent des choses qu’ils ne sont pas tenus de me dire, mais ils parlent et se confient assez volontiers.

La base de la formation est une formation humaine, et j’essaie de faire que cette maison ne soit pas simplement l’endroit où l’on loge, parce que c’est à côté de l’Université, mais que chaque séminariste puisse dire: « c’est ici ma maison », où il va pouvoir accueillir sa famille, ses amis. Mais c’est surtout un vivre ensemble où il y a des lieux chaleureux, accueillants. C’est dans ce cadre de vie communautaire que s’ébauche la formation humaine, c’est-à-dire que le fait de vivre ensemble, de se dire les choses aide à se construire.

C’est aussi comme ça que je peux discerner une vocation, ce qui n’est pas si simple. C’est pour cette raison que c’est bien de pouvoir les voir vivre dans un autre contexte. J’ai instauré une semaine de « travail d’utilité publique »: après la semaine des examens au mois de juin, on pose des parquets et on repeint les chambres. Je trouve cela très agréable. C’est aussi utile pour moi de faire cela avec les séminaristes, car je les découvre sous un autre angle. Eux aussi trouvent cela sympathique, parce qu’on se côtoie dans d’autres circonstances qu’au tutorat ou à la chapelle.

Notre maison compte 40 chambres, et nous avons 5 séminaristes. Nous avons ouvert un foyer pour accueillir des étudiants croyants, pratiquants et qui désirent participer un peu à notre vie de communauté. Mais cela n’est pas très facile dans un monde marqué par l’individualisme. JS

Encadré

Le séminaire du diocèse de Sion, situé à Givisiez, dans le canton de Fribourg, compte actuellement 3 séminaristes (2 en 1ère année et 1 en 3ème), à qui s’ajoutent 1 séminariste vivant pour l’instant à l’étranger en vue d’apprendre une autre langue et 1 personne passant une année de « repos » ou sabbatique au séminaire. L’immeuble peut accueillir jusqu’à trente séminaristes. JS

Des photos du séminaire peuvent être obtenues à l’agence Apic: 026 426 48 11 ou apic@kipa-apic.ch (apic/js)

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