Lausanne : Les musulmans vaudois à la recherche d’un cadre d’expression commun

L’UDC a mis la charrue devant les bœufs

Lausanne, 13 décembre 2009 (Apic) Vendredi dernier, des associations vaudoises d’obédience musulmane se sont réunies au Centre islamique de Lausanne pour analyser ensemble comment défendre leurs droits contre les discriminations et l’injustice dont souffrent notoirement les musulmans de Suisse à partir du 29 novembre dernier. Sous l’impulsion d’El Maliki Tewfia, président du Conseil islamique suisse, ils veulent désormais parler d’une même voix, réunis au sein d’un organe dont ils vont encore définir les structures.

La votation du 29 novembre dernier a laissé de nombreuses séquelles dans les cœurs des musulmans vaudois et ils veulent le faire entendre. S’ils reconnaissent que 42% des Suisses leur tiennent les pouces, ils savent que le reste de la population n’a rien compris de l’Islam suisse. Ils veulent désormais s’unir pour éviter que d’autres questions qui les discriminent fassent l’objet de votation populaire. Vendredi dernier, croyants et non croyants se sont rencontrés pour mettre ensemble un cadre d’expression qui leur permettrait de parler d’une même voix pour se faire entendre auprès de la population suisse, mais, aussi et surtout, auprès des hommes politiques. Il faudra cependant attendre longtemps pour arriver à mettre en route cette plateforme qui devrait leur servir de mégaphone. Pour le moment, ils sont encore à la phase des divergences, étant donné que ces musulmans qu’on veut toujours présenter en bloc uni sont loin de se connaître entre eux.

Une présence musulmane en constante augmentation

Un autre fait important qui est apparu lors des discussions est la conversion des Suisses eux-mêmes à la religion de Mahomet. Mais aussi la présence musulmane en constante augmentation. Les chiffres ne trompent pas. En 1970, 16’300 musulmans habitaient en suisse. Ils passent à 56’600 en 1980 puis à 152’000 en 1990. En 2000, la population suisse en comptait 310’000 et la votation anti-minarets est venue discriminer, selon le terme même des participants à la rencontre, une population musulmane évaluée entre 350’000 et 400’000 selon les statistiques fédérales.

En termes de pourcentage, les musulmans représentent aujourd’hui les 5% de la population suisse, contre 0,26% en 1970. Il suffit en plus de considérer que la moitié des musulmans ont aujourd’hui moins de 25 ans et que le taux de natalité est de 2,44 enfants par couple pour comprendre que la communauté musulmane formera dans un proche avenir les 10% de la population helvétique. Enfin, détail non moins important, 12% des musulmans, en l’an 2000, détenaient un passeport suisse.

Changement de statut dès les années 1970

Si les premiers musulmans qui arrivent en Suisse à la fin des années 1950, sont des travailleurs saisonniers qui viennent de Turquie et ne laissent aucune trace de leur passage dans l’espace politique et religieux, les choses changent dès les années 1970. Avec le droit au regroupement familial, les premières communautés musulmanes, notamment turques, vont s’installer en Suisse. A la même période, des musulmans du monde arabophone débarquent notamment de Syrie, d’Egypte et du Maghreb. Arrive plus tard la population musulmane issue des Balkans, notamment au moment de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie dans les années 1990. En plus des musulmans de l’Est, la Suisse enregistre aussi une petite minorité musulmane chiite.

Barrer la route à ceux qui veulent les présenter comme une menace

Comme on peut le voir, il y a en Suisse et dans le canton de Vaud, plusieurs strates identitaires islamiques différentes. C’est cela que les musulmans du canton de Vaud veulent mettre en évidence et barrer la route à ceux qui veulent les présenter comme une menace alors qu’ils n’ont même pas la possibilité de préparer cette menace. En effet, sur le sol suisse, les mosquées peuvent être aussi bien turques que bosniaques, albanophones ou autres. Pour les Suisses convertis à l’islam, on compte entre 5’000 et 10’000 dans la population musulmane actuelle, au moment où les musulmans nés en Suisse se posent encore la question de l’islam auquel ils vont adhérer.

Parler de la politique à adopter à l’égard de la communauté musulmane, c’est se poser la question de résoudre cette problématique socioculturelle et historique. «Mais voilà que l’UDC, désormais pointé du doit comme l’ennemi numéro un de l’islam suisse, vient de mettre la charrue devant les bœufs. Nous devons donc nous ressaisir pour présenter aux autorités nos différentes identités », lance El Maliki Tewfia aux différents participants, espérant que dans un prochain avenir, chaque canton ait une structure qui puisse servir d’interface entre les musulmans et les autorités politiques et administratives. Pour le moment, les musulmans vaudois considèrent que les différentes associations qui prétendent représenter les musulmans de Suisse n’ont été mandatées par personne. C’est là le nœud du problème que devront dénouer d’abord les différentes communautés sur le plan suisse. Si les musulmans du canton de Vaud ont pris les devants, ils espèrent que la même démarche suive ailleurs dans le pays. «Il en va de la paix religieuse», insiste Jamili Dabboussi, venu représenter le Rassemblement des musulmans pour l’intégration en Suisse (RAMIS). (apic/dng/js)

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