Bethléem: L’Hôpital de l’Ordre de Malte est la plus grande maternité de Cisjordanie

Plus de 3’000 enfants naissent chaque année dans cet établissement catholique

Bethléem, 16 décembre 2009 (Apic) « Chaque fin de semaine, des couples de jeunes Palestiniens viennent dans la belle cour intérieure de notre maternité pour faire des photos de mariage. Nous revoyons beaucoup d’entre eux neuf mois plus tard », sourit Jacques Keutgen. Le médecin belge assure depuis 6 ans la direction médicale de l’Hôpital de l’Ordre de Malte de la Sainte famille à Bethléem, la plus grande maternité de Cisjordanie. Chaque année, plus de 3’000 enfants viennent au monde dans cet établissement catholique. Les mères: presque toutes des Palestiniennes musulmanes.

« Si vous demandez en ville où se trouve le Holy-Family-Hospital, vous rencontrez des regards étonnés. » Non, ce n’est pas que l’hôpital, qui a récemment fêté son 20e anniversaire, souffre de méconnaissance. Sa bonne réputation est même très largement répandue dans les Territoires palestiniens. La presque totalité des grossesses à risque y sont traitées, et au total près de 70% des petits Palestiniens voient le jour dans la maternité de Bethléem, explique le Dr Keutgen. Mais pour les habitants, l’établissement est toujours resté le « French Hospital », en référence aux premières religieuses, des Sœurs de St-Vincent-de-Paul, qui ont ouvert en 1885 un premier hôpital dans ce même emplacement.

Beaucoup de changements ont évidemment été opérés depuis ce temps-là, et notamment depuis l’arrivée de Jacques Keutgen. « Lorsque je suis venu, en 2003, la situation n’était pas bonne. La seconde Intifada était en cours, les chars d’assaut se trouvaient encore sur les routes. Il y avait encore plus de postes de contrôle qu’aujourd’hui, et beaucoup de femmes ne pouvaient pas rejoindre l’hôpital. » La situation actuelle est un peu meilleure. Des femmes viennent même de Ramallah et Hébron pour accoucher à Bethléem.

Ce n’est pas sans un brin de fierté que Jacques Keutgen parle des améliorations médicales qu’il a pu introduire ces dernières années. La salle des soins intensifs pour les nouveaux-nés – la seule en Cisjordanie – compte 18 lits. Avec un taux de mortalité infantile d’à peine plus de 1%, la clinique atteint des résultats semblables à ceux des établissements des pays occidentaux.

Presque personne ne peut payer les traitements

Ce degré de réputation entraîne aussi des problèmes pour l’Hôpital de la Sainte famille. « Presque personne ne peut payer le coût des traitements », affirme le médecin chef. Ajoutant: « Ce sont surtout les grossesses à risque qui sont très coûteuses ». Et pourtant, toutes les Palestiniennes sont admises, sans distinction de religion, de nationalité ou de condition sociale. Elles paient ce qu’elles peuvent. Sur un budget annuel de près de 4,5 millions de francs, l’établissement compte un découvert de 2,7 millions de francs, à la charge de l’Ordre de Malte essentiellement.

La situation économique tendue se fait pourtant ressentir. La disponibilité des donateurs est clairement en recul, explique le médecin belge. Ce dernier s’oppose de toutes ses forces aux voix des personnes qui voudraient limiter les prestations de l’hôpital aux femmes de Bethléem. « Il est de notre devoir d’accueillir les personnes qui sont rejetées partout. Oui, c’est notre devoir. Sinon, je pourrais rentrer en Europe ».

Il y a encore beaucoup à faire, selon Jacques Keutgen. Son dernier projet: durant une année, des émissions de télévision sur le thème de la gynécologie sont diffusées deux fois par mois, et les téléspectateurs peuvent appeler pour poser leurs questions. Le public cible: les femmes de plus de 45 ans. En même temps, des temps de rencontre hebdomadaires sont organisés pour ces femmes à l’hôpital. Car « la plupart des femmes qui ont dépassé l’âge de mettre au monde des enfants ne vont absolument plus chez le médecin ». Chaque jour, une ambulance parcourt les déserts afin de visiter les bédouines.

Jacques Keutgen considère son engagement comme clairement chrétien. Il veut « essayer de faire au mieux dans cette situation difficile et être un témoin de la bonne collaboration entre musulmans et chrétiens ». Cette collaboration fonctionne parfaitement dans l’Hôpital de l’Ordre de Malte, affirme-t-il. « Nous avons moins de problèmes qu’en Europe. Notre hôpital est un oasis de paix. »

Encadré 1:

Fidèles à la doctrine catholique

L’Hôpital de la Sainte famille, en tant qu’institution de l’Ordre de Malte, respecte à 100% la doctrine catholique, souligne le docteur Jacques Keutgen. Il dispose de son propre comité d’éthique. Les interruptions de grossesse n’y sont pas acceptées.

« Nous disposons d’une médecine hautement développée, avec des appareils capables de repérer très tôt des malformations du fœtus. Du fait que nous n’entreprenons aucun avortement, nous devons renvoyer la mère. Et l’interruption de grossesse est réalisée dans une autre clinique, et le plus souvent pas dans les mêmes conditions qualitatives qu’ici. » Le médecin belge admet qu’il y a un peu d’hypocrisie. Mais, en se tenant à ses principes, il n’y a pas beaucoup de possibilité d’aider les personnes concernées. A son regret, il manque dans cette société un lieu d’accompagnement psychologique pour ces mères.

Il lui est arrivé une fois qu’une mère porte son enfant jusqu’au bout malgré le fait qu’une grave malformation ait été détectée. « Une musulmane de 19 ans a porté son enfant contre la volonté de sa famille. Il est né sans cerveau et n’avait aucune chance de survie. Elle l’a accompagné à la mort durant deux jours après la naissance. C’est pour moi un miracle. »

Encadré 2:

Investir dans la formation

L’Hôpital de la Sainte famille compte près de 150 employés, dont une majorité de chrétiens de la région. La formation de base et la formation continue du personnel médical local font actuellement partie des priorités définies par les responsables, souligne le docteur Keutgen. Un comité médical international garantit la qualité médicale de l’établissement. Environ six fois par an, des professeurs invités se rendent à la clinique pour proposer des cours de formation continue. L’hôpital est reconnu par des institutions européennes comme lieu de formation dans certains domaines. Les médecins de Bethléem doivent accomplir une partie de leur formation à l’étranger. La formation des médecins palestiniens est un aspect important pour le docteur Keutgen, car « c’est là que se trouve l’avenir de la Palestine ».

Encadré 3:

Une part de dons provient de Suisse

Les revenus directs de l’Hôpital de la Saint famille ne couvrent que le 45% des frais de fonctionnement. Le reste est couvert par des donateurs et surtout par l’Ordre de Malte. Les soutiens proviennent essentiellement de France et des Etats-Unis, confirme Heinrich Henckel von Donnersmarck, de l’Association suisse de l’Ordre de Malte. Mais une part – pour l’instant minime – du financement provient aussi de la Suisse. « Nous avons commencé avec des actions systématiques de l’Ordre de Malte en Suisse depuis cinq ou six ans. Cette année, l’hôpital a été soutenue avec un montant d’environ 150’000 francs. »

Henckel, qui siège depuis sept ans au conseil d’administration de l’hôpital, voit dans cet établissement « un projet grandiose dans une région qui revêt une grande importance pour la paix dans le monde ».

Encadré 4:

Coopération avec le Caritas Baby Hospital

La ville de Bethléem compte un autre établissement hospitalier de renom, le Caritas Baby Hospital. Dès que les nouveaux-nés placés en soins intensifs demeurent stables et n’ont plus besoin d’accompagnement médical intensif, ils sont transférés à l’Hôpital Caritas pour enfants, explique Jacques Keutgen. De tels accords ont été conclus entre les deux établissements. La collaboration entre eux est très bonne, affirme le médecin chef de l’Hôpital de la Sainte famille.

Site internet: www.holyfamilyhospital-bethlehem.org

Avis aux rédactions: Des photos sur ce reportage peuvent être commandées à kipa@kipa-apic.ch. Prix pour diffusion: 80 frs la première, 60 frs les suivantes.

(apic/ak/bb)

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