Le désastreux bilan du Président Alan Garcia

Pérou: Passation du pouvoir ce samedi (270790)

De Lima,

Pierre Rottet, APIC

Lima, 27juillet(APIC) Il y exactement cinq ans, le 28 juillet 1985, Alan

Garcia, du parti APRA, était élu dès le premier tour de scrutin et devenait

à 36 ans le plus jeune président de l’histoire du Pérou. S’il était à

l’époque déjà au bord du gouffre, le pays est aujourd’hui à la dérive. Rien

ne va plus en effet à la veille de la passation de pouvoir à « El Chino »,

l’ingénieur agronome d’origine japonaise Alberto Fujimori, suprenant vainqueur de l’écrivain conservateur Mario Vargas Llosa.

Le Pérou traverse la crise économique et morale la plus grave qu’il ait

jamais connue, et de l’avis de nombreux observateurs à Lima, le pays est

« semé de bombes à retardement » peut-être encore plus graves que celles que

pose le « Sentier Lumineux ».

L’héritage que transmet ce samedi le gouvernement « apriste » d’Alan Garcia est désastreux dans pratiquement tous les domaines. Et la dette extérieure, qui avoisinait alors les 12 milliards de dollars, atteint aujourd’hui les 20 milliards. Quant aux réserves monétaires nettes, qui présentaient en 1985 un solde positif de 1,2 milliard de dollars, elles ont

fondu comme neige au soleil et sont entrées dans les chiffres rouges pour

un montant de 150 millions de dollars.

Les espoirs du peuple une fois de plus frustrés

L’arrivée au pouvoir d’Alan Garcia avait suscité l’enthousiasme et un

fol espoir de changement. Sa position ferme face à la dette extérieure (il

voulait n’y consacrer que 10 % des revenus d’exportation), son refus de

composer avec le Fonds Monétaire International (FMI), et son discours populiste, nationaliste et anti-impérialiste, ainsi que son rôle en faveur de

la paix en Amérique centrale, avec le soutien au Groupe de Contadora, ont

suscité la confiance dans le peuple péruvien.

Un peuple fatigué de tant de frustrations et de promesses électorales

non tenues. Cette confiance, aujourd’hui, s’est transformée en un cri de

déception et de colère : « Qu’il s’en aille, et le plus tôt sera le mieux »,

peut-on entendre dans les rues de la capitale dans la bouche d’une population étranglée par une hyperinflation qui pourrait atteindre 3’000 % ces

douze derniers mois. Peut-être même 4’000 % ,selon certains économistes.

Illustration du chaos dans lequel se trouve plongé le Pérou, le dollar,

qui cotait encore entre 105’00 et 110’000 intis le 23 juillet, se monnayait

2 jours plus tard à plus de 200’000 intis. Il faut ajouter à cela les carences du système de production, l’énorme déficit budgétaire, l’absence

presque totale d’investissements et la dramatique inefficacité des services

publics. Ainsi, les entreprises publiques ont toutes un bilan négatif, comme PetroPeru, qui laisse un déficit de 1,2 milliard de dollars.

En dehors d’une corruption endémique, plus grave que jamais selon de

nombreux observateurs, la détérioration touche encore le secteur de la santé et de l’éducation. Sans compter les écoles fermées dans le partie centrale du pays en raison du manque d’enseignants, peu ou pas de salles de

classe ont été ouvertes, en dépit d’un taux de croissance démographique annuel de l’ordre de 2,5 %, un des plus hauts du continent.

La mortalité infantile oscille entre 88 et 95 pour mille, tandis que

plusieurs milliers de femmes meurent chaque année en couches. Sur 23 millions de Péruviens, 10 millions n’ont pas l’accès aux services de santé de

l’Etat. Ainsi, la malaria et la tuberculose continuent à faire des ravages.

7 millions de Péruviens vivent dans une situation de pauvreté extrême, 7

autres dans la pauvreté tout court, la majorité d’entre eux vivant dans les

quartiers marginalisés des villes et tout au long de la Cordillère des Andes. La spirale inflationniste a réduit en cinq ans le pouvoir d’achat des

travailleurs de quelque 70 %.

Loin de s’être modernisé ces dernières années, le pays a au contraire

reculé de façon alarmante, affirme pour sa part la revue spécialisée « Semaine économique » qui qualifie le gouvernement d’Alan Garcia « d’incapable,

de corrompu et de démagogue ».

Ruée sur les marchés

A la veille du 28 juillet, les habitants de Lima se sont rués sur les

marchés pour s’approvisionner en aliments en raison des sévères mesures de

stabilisation qui risquent d’être mises en place par le nouveau gouvernement pour empêcher la flambée des prix de ces derniers jours : parfois du

simple au double en une seule journée. En raison de la spéculation

effrénée, le sucre, l’huile, le lait et le riz sont devenus rares, ainsi

que l’essence et le pétrole. Renforcée par une grave sécheresse, la crise

énergétique prive depuis le début de l’année les habitants de la capitale

d’eau et d’électricité 4 à 5 jours par semaine, à raison de 6 à 8 heures

par jour.

La violence atteint des niveaux extrêmes

En raison de la crise économique, la violence atteint des niveaux extrêmes, et la subversion est plus présente et organisée que jamais. L’évasion

de la prison de « haute sécurité » de Canto Grande du chef du mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) en compagnie de 47 de ses compagnons, suscite indignation et colère face à l’incurie des autorités. Et si les organisations de défense des droits de l’homme ne ménagent pas leurs dénonciations pour les exactions et les crimes commis par les groupes terroristes,

avant tout le mouvement d’obédience maoïste Sentier Lumineux, ils relèvent

également les massacres, la torture et les exécutions extrajuciaires commis

par les forces gouvernementales.

Pas moins de 18’000 personnes – militaires, subversifs et civils

(surtout des campesinos) – ont en effet trouvé la mort dans cette guerre

civile qui ensanglante le pays depuis dix ans, quand le Sentier Lumineux a

décidé de lancer la lutte armée dans le pays à partir de son bastion

d’Ayacucho. Malgré les coups qui lui ont été assénés, la guérilla maoïste

maintient ses positions dans les régions andines et amazoniennes. Comme si

cela ne suffisait pas, on a vu naître ces dernières années des groupes

paramilitaires, des « Escadrons de la Mort », qui agissent impunément et

bénéficient si ce n’est de la complicité active, du moins de la

complaisance de certains secteurs des forces armées. Toutes ces « bombes à

retardement » ne vont évidemment pas faciliter la tâche du nouveau président

Fujimori, qui cherche actuellement à rétablir la confiance des milieux

économiques et financiers de la planète. (apic/pr/be)

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