Suisse: Des coptes de Suisse dénoncent la situation des chrétiens en Egypte

Le gouvernement Moubarak se tait ou minimise les agressions

Fribourg, 27 janvier 2009 (Apic) Deux coptes de Suisse, qui veulent garder l’anonymat pour protéger leur famille restée au pays, dénoncent la difficile situation des chrétiens en Egypte. Originaire de Sohag, en Haute-Egypte, l’un vit dans le canton de Vaud, l’autre, qui habitait dans le quartier de Choubra, au Caire, a obtenu l’asile politique en Suisse. Il vit avec sa famille dans le canton de Fribourg depuis plusieurs années. Si le premier ne veut absolument pas que l’on puisse l’identifier, l’autre accepte que l’on mentionne ses initiales: R.A. Tous deux appartiennent à la minorité chrétienne d’Egypte, où les coptes forment près des 10% des quelque 80 millions d’Egyptiens.

Au lendemain de la manifestation samedi à Berne pour les 6 martyrs chrétiens – ils ont été abattus lors de la fête du Noël copte devant l’église Mar Guirguis de Nag Hammadi, dans le gouvernorat de Qena, à quelque 700 kilomètres au sud du Caire -, ces deux coptes égyptiens ont accepté de venir dans les bureaux de l’Apic témoigner du sort peu enviable de la minorité chrétienne dans ce pays où ils sont présents dès l’aube du christianisme.

Les coptes d’Egypte sont depuis plusieurs décennies la cible des fondamentalistes islamistes. Leur sort s’est considérablement dégradé depuis l’époque où le président Anouar El-Sadate, tournant le dos à l’expérience socialiste de son prédécesseur Gamal Abdel Nasser, a soutenu les islamistes comme une alternative aux communistes.

« Il faut que les médias mettent la pression sur le gouvernement égyptien! »

A l’invitation de la diaspora copte dans le monde, des manifestations étaient organisées sur plusieurs continents. A l’appel des chrétiens égyptiens établis en Suisse, quelque 500 personnes, des coptes, mais également des fidèles de l’Eglise syriaque, éthiopienne, érythréenne et serbe, ainsi que des maronites libanais, des catholiques et des protestants, se sont réunis sur la Waisenhausplatz pour protester en particulier contre l’assassinat de 6 chrétiens coptes au sortir de la messe du Noël orthodoxe le 6 janvier au soir. Cet attentat, qui survenait dans un climat tendu, est survenu à Nag Hammadi, une localité située à une soixantaine de kilomètres de Louxor. La manifestation pacifique s’est conclue par des prières œcuméniques à l’église réformée de langue française à la Predigergasse à Berne.

« Il faut que les médias mettent la pression sur le gouvernement égyptien, car les trois assassins qui ont mitraillé les fidèles qui sortaient de la messe risquent de s’en tirer avec des peines légères, il y a des avocats fondamentalistes pour les défendre », déclarent les deux témoins coptes.

Et de relever que Mgr Kirollos, l’évêque copte orthodoxe de Nag Hammadi, avait été menacé très précisément au préalable, et qu’il en avait averti les autorités. Pour cette raison, il avait fait déplacer l’heure de la messe, afin que les fidèles puissent sortir vers 23 heures, soit plus tôt que d’ordinaire. « Les autorités locales – députés au Parlement, responsables de la police, maire, gouverneur – qui d’ordinaire font une visite d’honneur à la messe de minuit, étaient étrangement absentes! Est-ce qu’elles pressentaient le drame qui allait survenir, ont-elles été averties à l’avance ? Normalement, des policiers surveillent l’entrée de l’église, ils n’ont pas réagi. Le policier qui a été tué n’était pas en service… »

Un député du parti au pouvoir derrière cet attentat sanglant ?

En tout état de cause, avancent les deux chrétiens coptes, il faut voir derrière cet attentat la main d’Abdel Rahim el-Ghoul, le député local du Parti national démocratique (PND), le parti du président Hosni Moubarak.

Il voulait que l’évêque demande aux électeurs chrétiens de la circonscription de voter pour lui aux prochaines élections, et ils forment le 40% de la population à Nag Hammadi. Selon certaines sources, c’est le manque de soutien des chrétiens qui avait coûté le siège du député en 2000, tandis qu’en 2005, le soutien de Mgr Kirollos à ses opposants n’avait pas empêché Abdel Rahim el-Ghoul de récupérer « son » siège. Mais ses partisans se sont vengés en attaquant des propriétés appartenant à des coptes.

« Ceux qui ont tiré, notamment Hamam Al-Kamouny, n’étaient que des hommes de main de Rahim el-Ghoul, et le gouvernement le protège! Des dizaines de chrétiens ont été arrêtés et torturés à cette occasion. Ils sont encore en prison pour faire pression sur Mgr Kirollos, afin qu’il revienne sur ses accusations contre le pouvoir politique local, impliqué dans les troubles et les agressions contre les coptes qui continuent ». Les deux coptes vivant en Suisse romande se disent choqués et scandalisés par l’attitude du pouvoir politique égyptien, en particulier par le silence du président Moubarak, qui n’est pas intervenu après cet attentat dirigé contre des coptes à l’occasion de la fête de Noël, la grande cérémonie religieuse des coptes.

Les chrétiens de Nag Hammadi étaient menacés depuis des mois

Le prétexte invoqué par les autorités pour expliquer l’attaque sanglante de l’église de Nag Hammadi serait une vengeance après des accusations de viol en novembre dernier d’une adolescente musulmane par un chrétien de Farchout, une localité des environs. Cet incident avait provoqué la colère des musulmans de la ville, qui avait vécu cinq jours d’émeutes. Des maisons, des magasins et des pharmacies appartenant à la minorité copte ont été attaqués et incendiés. Les chrétiens de Nag Hammadi se savaient menacés depuis des mois.

« Ces dernières années, il y a eu de nombreuses attaques de fanatiques visant les chrétiens, comme l’attaque du monastère copte d’Abou Fana, dans le gouvernorat de Minya, en Moyenne Egypte, où plusieurs moines ont été kidnappés et torturés et des bâtiments incendiés. Des agressions ont également eu lieu à Alexandrie, où plusieurs jeunes filles coptes ont été enlevées et violées pour les forcer à devenir musulmanes. A Farchout, près de Nag Hammadi, 160 personnes, qui avaient fui le village attaqué par des émeutiers à la suite de cette rumeur de viol, n’osent plus rentrer chez eux ».

Les deux témoins évoquent encore le sort du Père copte Mettaos Wahba, condamné à cinq ans de travaux forcés sous prétexte d’avoir marié une femme musulmane à un chrétien, ce qui est strictement interdit dans ce pays dont la législation s’inspire de la charia, le droit islamique. La femme d’origine musulmane s’était convertie au christianisme à l’âge adulte. Les autorités ont accusé le prêtre copte d’avoir aidé cette jeune musulmane à obtenir une carte d’identité (où est indiquée l’appartenance religieuse) qui mentionne qu’elle est chrétienne, ce qui lui a permis de se marier avec un chrétien. R.A, le témoin de la région de Fribourg, a lui aussi été détenu pendant un mois et sauvagement torturé en 2004 pour avoir épousé une musulmane convertie et baptisée. Les policiers avaient fait avorter sa compagne pour avoir épousé un chrétien.

Les chrétiens coptes forment la principale minorité religieuse en Egypte, notamment dans les régions de Haute-Egypte (Beni Suef, El Minya, Assiout, Sohag, Qena, Louxor). Avant l’arrivée de l’islam au VIIe siècle, le christianisme était la religion dominante dans le pays.

La minorité copte s’est souvent plainte ces dernières années de discriminations et de chicanes de la part des autorités égyptiennes. Les précédentes attaques visant les chrétiens égyptiens sont souvent restées impunies ou les agresseurs s’en sont tirés avec des peines très légères. Les autorités égyptiennes nient qu’il y ait une politique de discrimination, voire de persécution religieuse contre les chrétiens, parlant toujours d’incidents isolés causés par des « fanatiques » ou des malades mentaux. JB

(*) Pour éviter des représailles contre les membres de leur famille restés en Egypte, ils ont requis l’anonymat. Leur nom et adresse sont connus de la rédaction de l’Apic. (apic/be)

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