Sénégal: Le gouvernement prononce l’interdiction de la mendicité

Une pratique qui se développe à cause de la générosité des musulmans

Dakar, 29 août 2010 (Apic) Le gouvernement sénégalais a attaqué de front, cette semaine, le problème de la mendicité, pratiquée dans les rues de Dakar et à l’intérieur du pays, au nom de l’Islam. Il a décidé de sanctionner toute personne qui se livrerait à cette pratique sur la voie publique. Le Sénégal est l’un des seuls pays musulmans au monde où la mendicité est acceptée et tolérée.

Selon une enquête du Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (UNICEF), publiée samedi 28 août par l’Agence de presse sénégalaise (APS), la capitale Dakar compte environ 7’600 enfants mendiants. Il n’y a pas de statistiques sur le nombre d’adultes, composés de handicapés (lépreux, aveugles, personnes amputées d’un ou de membres du corps, ou souffrant de déformation physique à la naissance), et de personnes saines provenant du Sénégal et d’autres pays d’Afrique. Encouragés par la générosité des musulmans qui, conformément aux recommandations de leur religion, aiment venir en aide aux nécessiteux, leur nombre augmente sans cesse.

Ils sont partout, devant les mosquées, aux coins et carrefours des rues, cafés, hôtels, bureaux, etc…, font le tour des maisons ou vagabondant dans les artères de la ville. Hommes, femmes, jeunes, adultes, vieillards, chacun y va de son argument pour apitoyer les passagers sur son sort, a rapporté le quotidien sénégalais Wal-fadjri (L’aurore).

Certains exposent leurs handicaps ou le moignon d’un membre estropié ou amputé. D’autres, surtout les femmes, utilisent des enfants en bas âge. Il y a ceux et celles qui utilisent des chaises roulantes ou des béquilles, pour attirer l’attention des âmes charitables, alors que d’autres encore brandissent des boîtes vides de médicaments ou de fausses ordonnances médicales pour se faire offrir de la charité.

Une lutte efficace contre la mendicité

Mardi 24 août, à la surprise générale, le Premier ministre Soulèyemane Ndéné Ndiaye, a déclaré que le gouvernement déclenchera « dès les prochains jours, une lutte efficace contre la mendicité » en commençant par envoyer « une mise en demeure » aux mendiants qui occupent certaines artères de la capitale. Il présidait un conseil interministériel sur la question, auquel participaient plusieurs membres de son gouvernement, des représentants du corps diplomatique accréditée dans le pays, ainsi que d’autres représentants d’organisations internationales, de la société civile, des imams et oulémas du Sénégal.

Soulèyemane Ndéné Ndiaye a justifié sa décision par le fait que « le Sénégal est sous la menace de ses partenaires » qui estiment que ses dirigeants ne luttent pas « de façon efficace contre la traite des personnes ». « La mendicité qui est organisée par des réseaux qui font mendier des jeunes et qui leur retournent l’argent qu’ils utilisent à d’autres fins est assimilée à une traite de personnes », a-t-il souligné.

En avril dernier, l’Organisation non gouvernementale (ONG) américaine de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch (HRW) a dénoncé, dans un rapport accablant, l’exploitation des enfants par des marabouts au Sénégal. A travers le pays, au moins cinquante mille garçons, de quatre à douze ans, sont forcés de mendier dans les rues pour leurs enseignants du coran, notait-elle. La publication de ce document avait coïncidé avec la visite officielle dans le pays, de la Gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean, qui a aussitôt saisi la balle au bond. Elle s’est émue, auprès de ces interlocuteurs du Sénégal, de cette situation, demandant au gouvernement, de se pencher sur le cas de ces « milliers d’enfants livrés à la mendicité », qu’elle a assimilé à de l’esclavage».

Lutte contre la traite des êtres humains

En application de la proclamation du chef du gouvernement, le ministère de l’Intérieur a immédiatement rappelé aux mendiants, qu’il est « formellement interdit » de mener « toute activité de mendicité sur la voie publique, conformément aux lois et règlements en vigueur » dans le pays. En conséquence, les forces de sécurité sont chargées d’arrêter à partir de ce jeudi « tout contrevenant à cette décision ». Pour le ministère de l’Intérieur, cette mesure entre dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains. La mendicité, a-t-il poursuivi, n’est autorisée que devant les lieux de cultes: mosquées et églises où les mendiants peuvent se regrouper et recevoir les dons et offrandes des généreux bienfaiteurs. Depuis, une cinquantaine de mendiants qui voulaient faire la source oreille ont été interpellés par la police.

L’opinion publique et les religieux ont salué unanimement cette mesure du gouvernement. Des religieux musulmans et catholiques, ont déclaré qu’ils accueillent déjà trop mendiants devant leurs lieux de culte, et le fait d’orienter sur les mêmes lieux, tous les mendiants rendraient encombrants les mosquées et églises.

Alioune Sall, célèbre prédicateur islamique sur plusieurs radios et à la télévision nationale, a rappelé aux mendiants que « la mendicité, selon le Prophète, n’est autorisée que dans trois cas: la pauvreté extrême, quand on est accablé de dettes. Et quand on est redevable d’une lourde indemnisation de victime d’homicide ». « L’Islam considère le mendiant, s’il est sain de corps et d’esprit, comme un être inférieur sans personnalité et sans dignité », a-t-il poursuivi, ajoutant que du point de vue de cette religion, le musulman « authentique est celui qui contribue au progrès, au développement de la société, soit au moyen de son travail manuel ou intellectuel, soit par son activité professionnelle, artisanale ou commerciale ». « De ce fait donc, toute personne qui choisit de faire de la main tendue son gagne pain quotidien est en porte en faux avec l’Islam », a-t-il affirmé (…). (apic/ibc/bb)

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