Brésil: Les curés chanteurs font toujours un tabac

Aujourd’hui, «la cathédrale, c’est le microphone !»

Brasilia, 27 septembre 2010 (Apic) Apparue dans les années 1960, la musique catholique brésilienne est devenue, notamment depuis la fin des années 1990, un secteur économique juteux avec ses stars, ses festivals et ses disques vendus par millions … Les prêtres chanteurs brésiliens, comme le Père Marcelo Rossi, qui rassemble des dizaines de milliers de fans dans les stades, font toujours un tabac.

«Je trouve formidable que le Saint-Père évoque l’importance de la musique au sein de l’Eglise catholique. Surtout pour nous les Brésiliens, pour qui la musique fait partie depuis toujours de notre quotidien». Salete, une auditrice de Belo Horizonte, la capitale de l’Etat du Minas Gerais, interpelle Messias Fernandes, l’animateur de «Guitares du Brésil», l’une des trois émissions musicales que propose chaque semaine «Cançao Nova», l’un des groupes médiatiques catholiques (TV, radios et internet) les plus importants du Brésil.

«Chère Salete, il n’y a encore à ce jour aucune prévision de parution au Brésil de l’ouvrage du pape à ce sujet, mais je partage votre opinion. Cette reconnaissance de l’importance de la musique dans le quotidien est une excellente nouvelle pour tous les Brésiliens, catholiques ou pas. C’est une manière de reconnaître que la musique constitue un moyen à part entière pour évangéliser, notamment les jeunes».

Une réponse à l’essor des Eglises évangéliques

La musique populaire catholique a commencé à prendre de l’importance après le Concile Vatican II, explique Antonio Kater Filho, directeur de l’Institut Brésilien de Marketing Catholique (IBMC). Une innovation a marqué à tout jamais l’histoire de la musique catholique: l’entrée dans les églises de nouveaux instruments comme la batterie, la guitare et la basse. «Il est apparu à l’époque que le développement de musiques plus ›quotidiennes’ pouvait constituer une réponse à l’essor des Eglises évangéliques».

Au Brésil, le pionnier est incontestablement le Père Zezinho – José Fernandes de Oliveira – qui a débuté, à la fin des années 1960, une carrière toujours active aujourd’hui, ponctuée de centaines de concerts et de 118 disques produits par l’une des premières et aujourd’hui principales maisons de disques catholique au Brésil: Paulinas-Comep. Parmi les chansons devenues des «tubes», «Un certain Galiléen», «Aimer comme Jésus aimait» et «Marie de Nazareth»…

Un «Woodstock» de la musique catholique

La fin des années 70 et le début des années 80 ont vu l’essor du mouvement du Renouveau Charismatique Catholique. D’autres chanteurs en ont profité alors pour faire leur apparition, comme le Père Jonas Abib, qui a fondé quelques années plus tard «Cançao Nova». «C’est à ce moment que la musique catholique a pris son véritable essor au Brésil avec l’apparition de nouveaux chanteurs et groupes, précise Cristina Mattos, responsable d’Edition chez Codimuc, l’un des principaux producteurs de disques de musique catholique du Brésil. Des compositeurs comme Nelsinho Correa et Eugenio Jorge ont également largement contribué à la diffusion de la musique catholique auprès du grand public en adaptant des textes catholiques à certaines traditions musicales et rythmes régionaux». Avec un exemple qui fait aujourd’hui la joie des amateurs de disques vinyles: la collection «Louons le Seigneur», une série de textes religieux adaptés aux principaux types de musique brésiliens.

La fin des années 1980 a marqué une autre étape importante dans l’histoire de la musique catholique au Brésil. «En 1988, s’est tenu à Franca, une petite ville de l’Etat de Sao Paulo, le premier festival de musique catholique, baptisé «Hallel, Son et Vie», rappelle Renilda Picoli, responsable du marketing au sein de Paulinas-Comep, un partenaire historique de l’évènement. Inspiré du concept du «Rock à Rio», le plus grand festival de musiques rock de toute l’Amérique latine surnommé le «Woodstock brésilien», le festival «Hallel» a pris chaque année une nouvelle ampleur.

Le festival «Hallel» attire chaque année plus de 80’000 spectateurs

Chaque année au mois de septembre, durant trois jours, plus de 80’000 spectateurs assistent en effet aux concerts de dizaines d’artistes et de groupes, représentant tous les genres de musique – depuis la musique sacrée jusqu’au heavy metal – se produisant sur trois scènes différentes, pendant que des tentes thématiques accueillent de très nombreux débats, prédications, groupes de prières, etc… De quoi devenir rapidement LE festival de référence pour tout groupe de musique catholique à la recherche d’une plus grande médiatisation et de la reconnaissance du public.

Un secteur économique juteux

«Ce festival a facilité l’émergence de scènes locales à travers tout le pays, explique Renilda Picoli. C’est justement grâce à ces scènes et à ce festival que la musique catholique a vu l’apparition de groupes devenus ›cultes’, tels que «Cristoatividade», «Anges du sauvetage», «Groupe Monseigneur», «Eterna» ou encore le groupe «Bon Pasteur». Des groupes qui, vers la fin des années 1990, vont même se retrouver au centre des convoitises des plus importantes maisons de disques internationales cherchant à profiter d’un secteur en croissance permanente.

Exemples ? Universal, l’un des plus grands producteurs de disques de la planète, «lance» le Père Antonio Maria. Sony BMG n’est pas en reste puisque l’entreprise signe en 2005 un contrat avec le Père Marcelo Rossi. Excellent investissement, puisque ce dernier est capable de déplacer plusieurs dizaines de milliers de personnes à chacun de ses concerts et qu’il est devenu l’un des plus importants vendeurs de disques du pays, dépassant largement des vedettes comme Ivete Sangalo ou Roberto Carlos.

La preuve ? D’après l’Association brésilienne des producteurs de disques (ABPD), le Père Fabio de Melo, après avoir conquis en 2007 la première place pour le nombre d’albums vendus avec le CD «Vie», a récidivé les deux années suivantes puisque, par exemple, quatre de ses chansons figuraient dans le top 20 des musiques les plus vendues en 2009. Soit 1,6 million de copies.

2’500 groupes catholiques cherchent à percer

«On estime à 2’500 le nombre de groupes catholiques qui cherchent aujourd’hui une place au soleil de l’industrie phonographique, assure Cristina Mattos. En 2009, pas moins de 500 CD de musique catholique ont ainsi été lancés par des maisons de disques et autres producteurs indépendants. De quoi faire de la musique catholique un secteur économique de tout premier ordre puisqu’il représente, suivant les sources, entre 60 et 80 millions de reais par an (entre 25 et 35 millions d’euros environ.) Au-delà des chiffres pourtant, l’essor de la musique catholique révèle une évolution des goûts musicaux des Brésiliens.

«Il y a 20 ans, peu de fidèles appréciaient de voir un religieux partager la scène avec des grands noms de la musique populaire brésilienne, affirme Antonio Kater Filho. Aujourd’hui, les chanteurs catholiques sont invités à participer à des shows pour tous publics et parviennent même à devenir l’attraction principale de quelques évènements».

Le meilleur exemple est celui du Père Reginaldo Manzotti, une des vedettes actuelles de la musique catholique, invité en janvier 2010 par «Exalta Samba», le plus populaire groupe de pagode (samba populaire) du Brésil. Motif ? Enregistrer un CD en public devant plus de 20’000 personnes dans un stade de football. Un triomphe commercial.

«Nous assistons à une indéniable évolution des mentalités, confirme le Père Reginaldo Manzotti. D’ailleurs, lors de mes célébrations, je vois des choses qui n’existaient pas il y a encore 20 ans. Les jeunes n’ont plus honte de chanter des musiques inspirées de la foi catholique». Pour ce dernier, le succès de la musique catholique au Brésil révèle surtout que l’Eglise a compris la nécessité de faire appel aux médias pour évangéliser. Les gens ont besoin de sentir la présence de Dieu, se réjouit le Père Reginaldo Manzotti. «Si l’Eglise se contente de prêcher seulement auprès de ceux qui sont à l’intérieur des paroisses, ce ne sera pas suffisant. Car aujourd’hui, la cathédrale s’appelle le microphone». Un «refrain» que les acteurs de la musique catholique au Brésil reprennent tous en choeur. (apic/jcg/be)

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