40 ans de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X
Menzingen, 19 octobre 2010 (Apic) «Nous sommes à un point charnière où tout est possible… », affirme Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, qui note des «signes encourageants, surtout du côté de Rome». Mais le supérieur de la communauté traditionaliste relève que ces signes «sont malheureusement bien entremêlés à d’autres faits bien affligeants».
Malgré le choix de Benoît XVI de lever l’excommunication des 4 évêques de cet institut en janvier 2009 et les discussions doctrinales qui ont suivi, le Vatican, par la voix du Père Federico Lombardi, rappelait en juin dernier que la Fraternité n’ayant «aucun statut canonique dans l’Eglise», ses ministres ne peuvent exercer «de façon légitime, aucun ministère dans l’Eglise». Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège avait souligné que les ordinations du mois de juin dernier devaient donc «encore être considérées comme illégitimes». L’ordination des prêtres de la Fraternité Saint-Pie X est sacramentellement valide aux yeux de Rome, mais ces ministres sont suspens a divinis. Ils sont donc interdits d’administrer des sacrements tant qu’ils n’ont pas été réintégrés dans l’Eglise.
A l’occasion des festivités du 40ème anniversaire de l’existence de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la communauté traditionaliste, fait le point dans un entretien exclusif paru dans «Nouvelles de Chrétienté» (n° 125, sept.-oct. 2010) (*). A cette même occasion, l’abbé Niklaus Pfluger, 1er assistant général de la Fraternité, a donné une interview publiée dans The Angelus, et reprise par la Documentation Information Catholiques Internationales (DICI, octobre 2010) (**).
La célébration des 40 ans de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, fondée par feu Mgr Lefebvre, permet à Mgr Bernard Fellay de dresser le bilan de son action. Evoquant la traversée du désert, il parle d’«incursions des éclaireurs qui entrevoient la terre promise sans que les circonstances en permettent l’entrée».
«Pour l’Eglise tout entière, poursuit le prélat, cette crise ressemble bien à une traversée du désert, avec la différence que la manne est bien difficilement trouvable. Il y a des signes encourageants, surtout du côté de Rome, ils sont malheureusement entremêlés à d’autres faits bien affligeants. Quelques brins d’herbe dans le désert…».
La Fraternité se développe un peu partout, affirme-t-il. «Certaines régions connaissent un essor plus rapide que d’autres, je pense aux Etats-Unis par exemple, mais le grand handicap que nous rencontrons est le manque de prêtres» pour répondre aux différents appels. «D’un côté, c’est plutôt bon signe, souligne le prélat, car cela montre un développement certain de notre œuvre, mais c’est aussi bien douloureux. Pensez aux pays de mission, en particulier en Afrique ou au Brésil (…) L’immense Asie attend aussi».
«Ce n’est pas tant le nombre qui impressionne Rome, car nous restons quantité négligeable dans l’ensemble du Corps mystique», précise Mgr Fellay. «Mais ce que nous représentons et d’une manière fort vivante (…), cela en impose !». «Ces magnifiques fruits, qui sont très certainement, de l’aveu même d’un haut prélat romain, l’œuvre du Saint Esprit, voilà ce qui incite les autorités romaines à jeter un regard de notre côté».
Pour Mgr Fellay, «nous sommes aux temps annoncés où l’on verra cardinal contre cardinal, évêque contre évêque». Récemment, des fractures sont apparues, comme «l’attaque gratuite du cardinal Schönborn contre le cardinal Sodano», qui «ressemblait fort à un règlement de compte».
La récente conférence de Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission «Ecclesia Dei», au séminaire de la Fraternité Saint-Pierre (***) à Wigratzbad entend prouver la continuité doctrinale entre Vatican II et la Tradition, relève Mgr Fellay.
Mgr Pozzo s’appuie sur la question du subsistit in (****) et de l’œcuménisme. Mgr Fellay y voit «l’application très logique des principes énoncés en décembre 2005 par Benoît XVI. Et cela nous donne une présentation de l’œcuménisme passablement différente de ce que nous avons entendu pendant quarante ans…, une présentation mêlée aux principes éternels sur l’unicité de l’Eglise et sa perfection unique, sur l’exclusivité du salut. On voit bien là un essai de sauver l’enseignement de toujours et simultanément un Concile revisité à la lumière traditionnelle».
Dans sa conclusion, Mgr Pozzo dénonce le relativisme, un certain «pastoralisme», une forme de «dialoguite» aiguë. Cette présentation modérée décrit un nouveau Vatican II, qui condamne la tendance «ultra-moderne» et justifie, pour Mgr Fellay, «une bonne partie de nos attaques» et de nos condamnations.
«Une solution instantanée de la crise ne peut tenir que du miracle ou d’une grande violence», assène le prélat. Et surtout, à ses yeux, «le choix des hommes sera déterminant. Si la politique des nominations d’évêques change enfin, on peut espérer». Tout comme il faudrait «une profonde réforme de l’enseignement dans les universités pontificales, de la formation des prêtres dans les séminaires».
La génération de ceux qui ont 20 ans est prête, affirme Mgr Fellay, «pour l’aventure de la Tradition». Il conclut que «nous sommes à un point charnière pour la reconstruction à venir, et bien que cela n’apparaisse pas encore nettement, je crois que tout est possible». GGC/Com
Le retour à la Tradition est inéluctable déclare l’abbé Niklaus Pfluger, 1er assistant général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, au journal catholique traditionaliste américain «The Angelus». Selon l’abbé Pfluger, la Fraternité Saint-Pie X se développe en nombre «aux Etats-Unis, en France, en Italie, en Pologne, en Asie et en Afrique». La cause de cet accroissement provient des familles, c’est-à-dire des enfants et des jeunes qui en sont issus.
Autre facteur important, relève-t-il, «de nombreux catholiques ont quitté le Novus Ordo pour la Tradition et la messe tridentine», à la suite du Motu proprio «Summorum Pontificum» de juillet 2007 libéralisant l’usage de la messe tridentine, tout comme des prêtres isolés «ont abandonné la célébration de la nouvelle messe pour travailler avec nous».
La crise que traverse l’Eglise et la société offre «un plus grand champ d’action» à la Fraternité, poursuit-il. Pour beaucoup de jeunes prêtres conservateurs, « la Fraternité représente un espoir réel et une référence stable au sein du chaos théologique et pastoral actuel».
De plus, les discussions théologiques avec Rome donnent du poids à la Fraternité. «Nous sommes pris au sérieux par le pape. Il y a cinq ans, il aurait été impensable de mettre en question le Concile», déclare l’abbé Pfluger. «Aujourd’hui, Rome tente d’en fournir une nouvelle interprétation».
Les menaces principales proviennent de l’intérieur, selon l’abbé. Il faut avant tout «maintenir l’esprit de force et de persévérance». Ce qui est pire encore, c’est que «vous essayez d’ajuster la vérité et de l’aligner; vous voulez faire la paix à tout prix et vous vous contentez de compromis». Aussi est-il nécessaire de redécouvrir «l’enthousiasme et l’esprit de foi des débuts de la Fraternité et de son fondateur».
C’est une illusion de croire que la Fraternité va vers un compromis ave Rome, aux yeux de l’abbé Pfluger, car elle n’en fait aucun. «Mgr Fellay n’a ni plan, ni stratégie, ni politique secrète concernant les vérités de foi lorsqu’il traite avec Rome. Nous devons répondre à une nouvelle situation. Nous devons dire à cette ›Eglise conciliaire’: Arrêtez ! Vous ne pouvez pas continuer ainsi. Il y a un grand problème au sein de l’Eglise. Le Concile est la raison de cette apostasie et non la solution à la crise».
«Vous êtes dans le monde – enseigne le Christ –, mais vous n’êtes pas du monde». Cette tension est la solution pour l’assistant général. C’est pourquoi «la Fraternité Saint-Pie X doit faire ce que l’Eglise a toujours fait jusqu’au Concile Vatican II: aller dans le monde entier, prêcher et baptiser. De surcroît, nous ne devons craindre ni le monde, ni les juifs, ni les médias. Sodome et Gomorrhe ne sont pas une invention du lobby homosexuel du XXe siècle, nous les retrouvons dans l’Ancien Testament. Vous croyez réellement que les temps étaient plus faciles il y a 2000 ans ? Dieu n’a pas sauvé le monde avec les ressources du monde, mais avec une mangeoire et une croix».
De l’extérieur, des signes évidents apparaissent, comme «la libéralisation de la messe tridentine, le retrait du décret d’excommunication de 1988…, la volonté du pape de discuter des questions théologiques» avec la Fraternité. «Les attaques contre Benoît XVI de la part des évêques, des médias et même de parlements» révèlent que le monde n’apprécie guère ces mesures. Désormais, estime-t-il, le pape a lancé un débat qui ne va plus s’arrêter. «Le retour à la Tradition est inéluctable au sein de l’Eglise». Pour lui, «les modernistes le savent et le monde aussi. C’est ce qui explique de telles attaques contre le pape et l’Eglise».
Selon l’abbé Arnaud Rostand, Supérieur du district des Etats-Unis, «on trouve le même zèle et le même enthousiasme dans les milieux traditionalistes aux Etats-Unis qu’en Europe dans les années 70 et au début des années 80». «Il y a un grand potentiel sur le plan quantitatif et qualitatif. Globalement, c’est un accroissement très encourageant».
L’abbé Pfluger se demande si la haine croissante et le combat contre Dieu ne sont pas «les derniers sursauts de l’athéisme». Il est convaincu que l’Etat est dans l’incapacité de faire quoi que ce soit contre «la revanche de Dieu».
Depuis le 11 septembre 2001, Dieu est de nouveau à la mode aux Etats-Unis et la religion doit être prise au sérieux. En Europe, c’est également de plus en plus évident. Il y a quelques mois, un des journaux les plus libéraux d’Allemagne a écrit un article sur le sujet: «Mon Dieu ! La religion revient».
Le manquement des évêques catholiques pourrait être, selon l’abbé, «la conséquence d’une attitude moderniste: une nouvelle foi engendre une nouvelle moralité». La foi moderne manque de conviction et de force. «Ils suivent un Messie dont ils ne croient même pas qu’il est ressuscité des morts, que son tombeau est réellement vide et qu’il est le vrai Dieu !» D’autres évêques «n’ont simplement pas le courage de proclamer la vérité. Le pouvoir des médias ainsi que la peur de l’opinion publique sont alors plus grands que la loyauté envers le Christ et l’amour de la vérité». Pour renforcer la crédibilité de l’Eglise catholique, l’abbé Pfluger ne voit que «l’amour missionnaire» prôné par feu Mgr Lefebvre. GGC/Com
(*) «Nouvelles de chrétienté» est une revue publiée par la Fraternité Saint-Pie X
(**) La Documentation Information Catholiques Internationales est l’organe de communication de la Fraternité Saint-Pie X.
(***) Conférence intitulée «Aspects de l’ecclésiologie catholique dans la réception de Vatican II» et donnée par Mgr Guido Pozzo, le 2 juillet 2010, au séminaire international Saint-Pierre de Wigratzbad. Situé en Allemagne, à la limite de la Bavière et du pays souabe, c’est depuis 1988 le lieu du premier séminaire de la Fraternité sacerdotale Saint Pierre, une fraternité traditionaliste qui appartient à l’Eglise catholique et à laquelle le pape a concédé de pouvoir garder la liturgie en vigueur avant le Concile Vatican II. Cette société de prêtres traditionalistes, regroupant des membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X qui ont refusé la situation de schisme provoquée par les sacres au sein du mouvement de Mgr Marcel Lefebvre, a été fondée le 18 juillet 1988 à l’Abbaye de Hauterive, en Suisse, par une douzaine de prêtres et quelques séminaristes. Peu de temps après sa fondation et grâce à l’aide du cardinal Joseph Ratzinger, elle a été accueillie par Mgr Joseph Stimpfle, évêque d’Augsbourg, à Wigratzbad, sanctuaire marial bavarois.
(****) Subsistit in est une expression de la constitution «Lumen gentium». Elle est l’une de celles qui a provoqué le plus de difficultés de compréhension au cours des années de réception du Concile Vatican II. Pour certains, partisans de l’«herméneutique de la discontinuité et de la rupture», elle marque l’ouverture œcuménique du Concile Vatican II et modifie l’interprétation traditionnelle de la doctrine «Extra Ecclesiam Nulla Salus». (« Hors de l’Eglise, point de salut ») Pour d’autres, dont le pape Benoît XVI, défenseur de l’«herméneutique de continuité», la formule n’apporte qu’un nouvel éclairage à la doctrine traditionnelle. (apic/com/be/ggc)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/40-ans-de-la-fraternite-sacerdotale-saint-pie-x/