Russie: L’Église et les musées se disputent le patrimoine religieux russe

Oui à la rétrocession de certains bâtiments, non aux icônes

Moscou, 22 octobre 2010 (Apic) La Douma examine une loi visant un large transfert de patrimoine de l’État vers l’Église. Au grand dam des conservateurs de musée qui craignent la dégradation irréversible de certaines icônes.

Selon le quotidien catholique français La Croix, une vieille revendication est sur le point de se concrétiser en Russie: la Douma, chambre basse du parlement, s’apprête à étudier ces jours, en seconde lecture, un projet de loi prévoyant un large transfert de patrimoine de l’État vers l’Église orthodoxe.

Pas les icônes

C’est que vingt ans après la chute du communisme, cette dernière n’a presque rien récupéré de ses biens. Comme d’autres dans la hiérarchie orthodoxe russe, le Père Vsevolod Chaplin, l’influent archiprêtre moscovite, espère l’adoption rapide d’une nouvelle loi. « L’objectif est de redonner à l’Église les droits de propriété sur des milliers de bâtiments dont nous avons certes retrouvé l’usage, mais dont nous ne sommes toujours pas propriétaires », a expliqué au journal le directeur du département des relations Église-société du patriarcat de Moscou.

Reste que cette nouvelle loi concerne des bâtiments et non des icônes. Il s’agit notamment d’anciennes églises et monastères qui, à l’époque soviétique, avaient été transformés en musées. « Des icônes nous sont revenues mais sous la forme de prêt. Nous aimerions un véritable transfert de propriété. Mais ce n’est pas possible dans un futur proche…», regrette l’archiprêtre.

Problèmes de conservation

Toujours selon La Croix, au-delà du projet de loi, les velléités de l’Église ont suscité une vive émotion dans les milieux artistiques. « Les bâtiments peuvent revenir dans le patrimoine de l’Église, mais pas les œuvres car elles risquent de mourir. Les Églises n’ont pas les moyens ni les connaissances pour maintenir ces icônes ou fresques dans de bonnes conditions. Il faut veiller à l’atmosphère et surveiller l’humidité ambiante. Il faut des équipements spéciaux et un système de gardiennage », prévient Olga Popova, professeur d’histoire de l’art. Autre inquiétude: si des salles d’exposition redeviennent lieux de prière, la fréquentation risque de s’intensifier et de mettre en danger les peintures, en raison notamment de la fumée des cierges et des variations de température.

Pour l’Église, au contraire, le transfert de propriété permettrait d’exposer davantage d’œuvres. Car elles sont nombreuses à rester entreposées, faute de place, dans des salles fermées au public. Un stock qui, plus ou moins surveillé, a longtemps permis à certains employés de musée de profiter de la forte demande en icônes sur le marché noir…

Liste noire de 60 bâtiments

L’Union des musées de Russie a, pour sa part, demandé qu’une soixantaine de monastères et églises particulièrement importants pour l’histoire russe, notamment ceux qui figurent sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, ne soient pas restitués à l’Église et fassent l’objet d’une exception dans la loi.

Farouche opposant à toute restitution à l’Église, Levon Nersesian, expert artistique à la Galerie Tretyakov, le principal musée de Moscou, suggère que certaines salles d’exposition puissent accueillir des services religieux, « au cas par cas ». Un compromis qui a peu de chance de satisfaire l’Église. (apic/la croix/nd)

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