Visite au centre de formation des catéchistes de Donsê
Ouagadougou/Donsê, 9 novembre 2010 (Apic) Sur le tableau noir, des sentences en mooré, la langue des Mossis, l’ethnie majoritaire du Burkina Faso vivant sur le Plateau central. Les élèves appliqués, de jeunes paysans et paysannes, suivent un cours d’alphabétisation au Centre de Formation des Catéchistes (CFC) de Donzê, dans la campagne à quelque 35 kilomètres de la capitale Ouagadougou. Ce sont, en l’absence de prêtres dans les villages, les futurs « curés de campagne » du diocèse de Ouagadougou et de celui de Manga, à une centaine de kilomètres plus au sud.
A l’issue de leur formation de quatre ans, effectuée de novembre à mi-mai – qu’ils interrompent pour participer aux travaux des champs dans les villages – ces jeunes agriculteurs et agricultrices, âgés de 18 à 35 ans, célibataires ou mariés, dûment diplômés, prendront en charge l’animation de leur communauté. A la totale disposition de leurs paroisses, ces catéchistes à plein temps seront désormais chargés de la catéchèse, voire de l’animation des assemblées dominicales en l’absence de prêtre (ADAP). Dans certaines circonstances, véritables « curés de village », ils seront amenés à administrer certains sacrements en cas d’urgence. C’est la communauté qui les prendra en charge matériellement afin qu’ils puissent accomplir leurs tâches pastorales.
Directeur du CFC de Donzê, l’abbé Cyrille Sam, un jeune prêtre au sourire engageant né en 1973, nous guide dans ce qui rassemble à un village ordinaire aux maisons rangées autour d’une grande chapelle surmontée de panneaux solaires. Il y règne une grande animation, une ribambelle d’enfants courent sur les chemins de terre rouge, tandis que des femmes s’affairent autour d’un puits. Sans compter les moniteurs et les formateurs, plus de 200 personnes – célibataires, couples avec enfants – vivent en cette période à Donzê: dans 45 petites concessions entourées de murs, ce sont des familles et leurs enfants qui ne vont pas encore à l’école, tandis que les célibataires sont hébergés dans des dortoirs.
« Ceux qui suivent les cours au CFC sont en grande majorité des agriculteurs, à l’image du pays… Ils rentreront dans leur village à la mi-mai pour cultiver leurs terres et participer aux récoltes. Ils reviendront ensuite à l’automne. Les plus grands enfants restent au village auprès de parents », précise l’abbé Cyrille Sam, dont le père était lui aussi catéchiste.
Le directeur du CFC se fait cependant du souci pour les plus petits, qui devraient, pendant les cours que suivent leurs parents, être pris en charge dans un cadre adéquat. « Il faut nous occuper de 50 à 60 enfants, du bébé à l’enfant de 5 ans, et pour cela il nous faudrait des fonds pour équiper des locaux et engager du personnel d’encadrement ».
Pour tout salaire, à la fin de leur parcours, les catéchistes diplômés recevront un « kit » standard (*) (Cf. encadré) pour commencer leurs activités pastorales: pour les hommes un vélo, une charrette, une charrue et un âne, et pour les femmes une petite somme d’argent afin qu’elles puissent se lancer dans une activité rémunératrice à côté de leur engagement pastoral. « Je dispose pour chacun(e) de 150 à 200 euros, selon l’état de nos finances », confie le directeur du Centre. Pour le reste, c’est la communauté qui prend en charge les animateurs diplômés.
Sur le tableau présentant la formation des futurs animateurs de communauté, on peut découvrir, au fil des années, le programme d’alphabétisation en langue mooré, des leçons de civisme (par ex. le droit d’autrui, le bien commun ou le sens du drapeau), d’autres sur l’hygiène ou le code de la route, sans oublier l’histoire du Burkina ou des enseignements sur la Bible, la catéchèse, la liturgie ou la pastorale. L’anthropologie et l’histoire de l’Eglise (jusqu’au XVe siècle) sont abordées la 3ème année, tandis que les temps modernes sont au programme de la 4ème année, tout comme la mariologie, les sacrements ou l’animation d’un village. Les hommes fréquentent également des ateliers de dactylographie, de menuiserie, de mécanique, de maçonnerie, de soudure, de couture, d’élevage et d’agriculture. L’atelier des femmes comprend des offres plus traditionnelles: tricotage et savonnerie.
Quand ils retournent au village, souligne l’abbé Cyrille Sam, ils doivent être à même de vivre des ressources que procure la communauté, tout en présidant des ADAP, préparant les mariages ou les baptêmes, enseignant le catéchisme.
Des voix se sont fait entendre au début de cette année, à l’occasion du Jubilé des catéchistes du Burkina, pour que l’Eglise catholique au Burkina Faso fasse davantage d’efforts concernant la prise en charge de ces catéchistes laïcs qui se consacrent totalement à la mission.
« La participation des catéchistes à l’évangélisation est inestimable. Avec les Pères Blancs, ils ont joué le rôle de pionnier dans l’enracinement de l’Evangile dans notre pays », écrit Sibiri Nestor Samné dans les colonnes du quotidien burkinabé « L’Observateur Paalga ».
Les catéchistes sont des maillons importants dans l’œuvre de l’annonce de la Bonne Nouvelle aux peuples, poursuit-il. Et de constater que leur situation laisse à désirer « et pourrait même pousser à la révolte tout esprit prompt à la compassion. Financièrement et économiquement, certains catéchistes de l’archidiocèse de Ouagadougou vivent dans la pauvreté non choisie et d’autres dans la misère. Peut-on annoncer la Bonne Nouvelle à quelqu’un quand on tire soi-même le diable par la queue ? »
Cette difficulté, l’abbé Cyrille Sam la reconnaît. Mais au Burkina Faso, l’Eglise dispose de peu de moyens propres. Le CFC lui-même ne dispose pas de l’électricité, et il n’y avait pas eu de rénovation des locaux depuis la fondation du centre. Des travaux ont été entrepris depuis 3 ans, mais le directeur du Centre cherche entre 15’000 et 18’000 euros pour boucler son budget.
Le prêtre originaire de Saponé, une commune située à une quarantaine de kilomètres au sud de Ouagadougou, a encore d’autres projets, comme trouver des finances pour de nouveaux forages, car l’eau manque. Durant la saison sèche, pas question d’arroser les jardins potagers, « car sinon, on n’a plus d’eau pour boire, cuisiner ou se doucher ».
Comme la terre ne manque pas aux alentours du Centre, en clôturant les champs pour éviter qu’ils ne soient dévastés par les chèvres, les moutons ou les cochons, et en arrosant avec des méthodes évitant le gaspillage de l’eau, l’abbé Cyrille songe à développer l’agriculture pour viser à l’autosuffisance alimentaire du CFC. Pour dégager de l’argent afin de consolider financièrement ses activités de formation, le prêtre étudie la possibilité de construire des logements sur un lotissement d’un hectare appartenant au Centre. Situé à Ziniaré, le village natal du président Blaise Campaoré, ce terrain doit encore être équipé, mais il pourrait fournir les ressources nécessaires.
« A mon arrivée, les catéchistes dormaient pas terre. C’est l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) qui a financé les lits que vous voyez! », relève encore l’abbé Cyrille Sam. Qui estime que si ces catéchismes viennent se former sans salaire, « qu’ils soient au moins traités dignement … on leur doit bien ça alors qu’ils vont travailler gratuitement pour l’Eglise! »
Le Centre de Formation des Catéchistes (CFC) de Donsê est une œuvre pionnière fondée en 1925 par les Missionnaires d’Afrique, bien avant l’impulsion donnée par le Concile Vatican II. Les Pères Blancs l’ont d’abord établie à Pabré, à 20 km de Ouagadougou, avant que le CFC ne soit transféré à Guilougou en 1933 et à Donsê en 1964. Les candidats à la formation de catéchiste, âgés de 18 à 35 ans, viennent des provinces du Kadiogo, d’Oubritenga, du Bazéga, du Zoundwéogo, ainsi que du Nahouri (diocèse de Manga). La formation dure 4 ans. Les femmes catéchistes sont formées en même temps que leur mari.
L’essentiel des frais de fonctionnement du CFC sont pris en charge depuis de nombreuses années par Missio Munich, tandis que les apports locaux, comme la location des bâtiments pendant les vacances, par exemple à des mouvements charismatiques, représentent quelque 5% du budget. L’œuvre d’entraide catholique internationale « Aide à l’Eglise en Détresse » (AED) soutient des projets comme l’achat de lits et de moustiquaires, l’installation d’équipements solaires, l’achat de bibles, la dotation des kits pour les catéchistes qui ont terminé leur formation (*)
L’Eglise compte beaucoup sur la collaboration des laïcs, surtout dans la mission catéchétique, estimait en mars dernier Mgr Séraphin François Rouamba, évêque de Koupela, en visite « ad limina apostolorum » à Rome. Et d’ajouter sur les ondes de Radio Vatican que « le catéchiste et sa famille, en tant d’endroits, sont l’unique expression de l’Eglise ».
Les débuts de l’évangélisation du Burkina remontent à 1900 avec la fondation à Koupéla, à l’est du pays, de la première mission catholique des Pères Blancs. Le second poste fut ouvert l’année suivante à Ouagadougou, puis la Préfecture apostolique de Bobo-Dioulasso, au sud-ouest, est fondée en 1927. Au Burkina Faso où se côtoient plus de 60 nationalités ou ethnies, autant de langues et de dialectes, les catholiques sont près de 20% de la population (les protestants 4%), aux côtés des religions africaines traditionnelles et de l’islam majoritaire.
L’œuvre d’entraide catholique Aide à l’Eglise en Détresse AED (Antenne pour la Suisse romande et italienne Ch. Cardinal-Journet 3 CH-1752 Villars-sur-Glâne) soutient des projets de l’Eglise au Burkina Faso: Compte chèque postal n° 60-17700-3 UBS, Genève, Cpte n° 0240-454927.01W
Des photos peuvent être obtenues à l’apic: jberset@kipa-apic tél. 026 426 48 01 (apic/be)
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