Une figure contestataire connue dans le monde chrétien
Bruxelles, 2 janvier 2011 (Apic) Après les aveux du chanoine François Houtart, qui a reconnu avoir commis il y a 40 ans des abus sexuels sur un cousin âgé alors de 8 ans, les militants altermondialistes sont abasourdis. Dans le monde entier, les nombreux amis du sociologue et prêtre belge – fondateur en 1976 du CETRI (Centre tricontinental) à Louvain-la-Neuve – restent silencieux après les révélations du quotidien « Le Soir ». Le journal paraissant à Bruxelles a publié, le 29 décembre 2010, un article intitulé: « Le chanoine Houtart avoue des abus sexuels ».
Dans un sondage sur le poids de l’Eglise dans la société belge réalisé par « Dedicated Research » et publié en janvier de l’année dernière, le quotidien « Le Soir » relevait que le catholicisme en Belgique était en nette perte d’influence. « Faute de peser par ses structures, le catholicisme pèse sans doute encore par ses figures », notait alors le quotidien belge.
Et parmi la liste des vingt catholiques les plus influents du royaume, le chanoine contestataire pointait au 12ème rang. Le prêtre aux cheveux blancs – il est dans sa 86ème année – représentait en quelque sorte une « icône » de la lutte pour plus de justice dans le monde. D’où l’amère déception des supporters de celui qui fut l’un des instigateurs du Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre, après avoir été expert au Concile Vatican II et compagnon de route engagé de la théologie de la libération, notamment en Amérique latine.
C’est dans la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) que le chanoine François Houtart avait débuté son engagement social. Il fut attiré d’emblée par l’Amérique latine lorsque le fondateur de la JOC, Joseph Cardijn, l’enverra à un congrès de la Jeunesse ouvrière chrétienne à La Havane. Aîné de 14 enfants, natif de Bruxelles, son grand-père, Henry Carton de Wiart, a été Premier ministre du parti catholique. Son rêve d’ado était de devenir missionnaire. Il entre au séminaire de Malines, puis dans la Résistance durant l’Occupation nazie. Ordonné prêtre en 1949, il entame des études politiques et sociales et devient docteur en sociologie de l’UCL, l’Université catholique de Louvain, où il enseignera jusque 1990.
François Houtart a donné des conférences dans plus de cent universités à travers le monde, a présidé la Ligue internationale pour le droit des peuples et participé à la création du Conseil international du Forum social mondial (FSM). L’UNESCO lui a décerné le Prix Madanjeet Singh 2009 pour la promotion de la tolérance et de la non-violence, notamment pour « ses efforts exceptionnels afin de promouvoir la justice sociale dans le monde ».
Aussitôt la confirmation des allégations d’abus sexuels, le directeur du CETRI Bernard Duterme, a demandé la démission immédiate du chanoine, resté membre du conseil d’administration de l’association, après avoir dirigé le CETRI jusqu’en 2004. « Ce sont des faits inadmissibles qui sont en contradiction évidente avec les valeurs d’émancipation et de justice sociale portées par notre organisation », a déclaré Bernard Duterme.
La démission du fondateur était « une évidence qui s’imposait à nous, comme à lui », a-t-il ajouté. Le directeur estime que cette nouvelle est certes un coup dur, mais cela n’a pas d’incidence sur les combats que mène le CETRI, « qui garde toute sa pertinence ».
Du côté de l’Eglise, la nouvelle tombe également en pleines vacances de fin d’année. Le Père Tommy Scholtès, qui dirige l’ensemble de la rédaction des médias catholiques regroupant les journalistes de l’agence de presse CathoBel, du journal Dimanche, de la RTCB (Radio Télévision Catholique Belge) et du site internet Catho.be, a déclaré au journal « Le Soir »: « Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous sommes consternés ».
Les faits reprochés au chanoine Houtart sont aujourd’hui prescrits, tant sur le plan pénal que civil. Ils ont été dénoncés l’an dernier dans le cadre des travaux sur les abus sexuels menés par la Commission Adrianssens, qui a recueilli 475 plaintes contre des prêtres et des religieux. C’est la sœur de la victime qui l’a dénoncé pour le viol de son frère, alors que le chanoine parle seulement d’attouchements.
Sur conseil des parents de la victime, aux faits de ces abus, l’abbé Houtart avait à l’époque consulté un professeur du grand séminaire de Liège, qui lui avait conseillé de rester dans le sacerdoce, mais de se concentrer désormais sur des tâches universitaires. Une autre cousine du chanoine avait exigé le retrait de la campagne entamée le 12 octobre dernier et qui proposait cette figure de la lutte altermondialiste comme candidat au Prix Nobel de la Paix 2011. (apic/com/soir/llb/be)
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