Le silence de l’Eglise devient embarrassant
Inde, 29 avril 2011 (Apic) La guérilla naxalite, d’inspiration maoïste, n’en finit pas de créer des tensions dans le pays. Au sein de l’Eglise catholique, des voix s’élèvent pour demander à la hiérarchie de prendre position sur cette question, a indiqué Eglises d’Asie (EDA), l’agence des missions étrangères de Paris (MEP), le 28 avril 2011.
A New Delhi, Jose Kavi, responsable du bureau indien de l’agence Ucanews (Union of Catholic Asian News), ne cache pas son embarras face au silence observé par l’Eglise catholique en Inde, quant au phénomène de la rébellion naxalite.
Selon Jose Kavi, elle craint de se mettre à dos les ultras. «Si une confrontation avait lieu, elle viendrait menacer les milliers de catholiques, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, qui travaillent auprès des dalits et des aborigènes, dans les régions défavorisées et isolées du pays, là où les maoïstes opèrent».
Certes, à ce jour, le choix du silence a payé, analyse le journaliste. En effet, rares ont été les occasions où les rebelles s’en sont pris à l’Eglise et à ses institutions. Les naxalites ont le plus souvent la conviction que l’Eglise travaille effectivement au service des plus pauvres. Dans certaines régions contrôlées par la rébellion, des écoles catholiques peuvent ainsi fonctionner quasi normalement.
Plus fondamentalement, poursuit encore le journaliste, l’Eglise et les maoïstes ont un ennemi commun, à savoir l’extrême-droite hindoue. En effet, la lutte engagée par les naxalites en faveur des dalits, des aborigènes, des paysans sans terre rejoint le travail entrepris par l’Eglise auprès des plus pauvres. Malgré tout, les catholiques ont payé un lourd tribut au fait d’avoir comme ennemi les plus extrémistes des hindouistes, partisans du maintien de la hiérarchie sociale issue du système des castes. En 2008, en effet, en Orissa, c’est le meurtre d’un religieux hindou par des maoïstes, qui a entraîné en représailles les pogroms antichrétiens.
A l’avenir, estime Jose Kavi, l’Eglise ne peut plus se permettre de garder le silence. Partout où les maoïstes sont devenus majoritaires, les changements sociaux annoncés n’ont pas permis une amélioration du sort des pauvres. Au contraire, là où les rebelles tiennent les campagnes, les pauvres sont soumis au racket et pris entre les pressions des naxalites et celles des milices pro-gouvernementales.
Selon lui, il ne suffit pas à l’Eglise de garder le silence pour préserver ses institutions sur le terrain, elle doit aussi s’exprimer publiquement et ne pas craindre de dire la vérité, conclut le responsable de Ucanews.
Apparue en 1967 dans la région du Bengale-Occidental, désormais implantée dans près d’un tiers des districts de l’Inde, la rébellion est active dans ce que l’on appelle le «corridor rouge» qui rassemble la plupart des Etats les plus pauvres de l’Union indienne: Orissa, Jharkhand, Chhattisgarh, Bihar, Maharasthra et Andra Pradesh. Chaque année, les affrontements entre naxalites et forces gouvernementales font des centaines de morts (1).
Notes
(1) Les Naxalites sont les membres du mouvement «Naxal», actifs dans 15 des 28 Etats de l’Inde. Initié en 1965 par le communiste Charu Mazumdar, le mouvement cherche à «organiser les paysans pour provoquer une réforme agraire par des moyens radicaux, y compris la violence». Le terme «Naxal» vient de Naxalbari, village situé dans le nord de l’Etat du Bengale d’où le mouvement est issu. S’inspirant de Mao Zedong et entretenant sans doute des liens avec les maoïstes népalais, le mouvement naxalite préconise une action révolutionnaire pour que les paysans indiens et les classes inférieures renversent le gouvernement. (apic/eda/nd)
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