«Dire parfois ’non’ est en adéquation avec la foi chrétienne»

Série d’été « politiciens chrétiens »
Dominique Baettig déplore que l’immigration s’impose comme un droit absolu

Delémont, 7 septembre 2011 (Apic) Déçu par une Eglise catholique devenue « fade » après le Concile, le conseiller national UDC jurassien Dominique Baettig n’en demeure pas moins attaché aux valeurs chrétiennes qui marquent la Suisse. Ce psychiatre installé en vieille ville de Delémont dénonce une dérive du « politiquement correct » dans le domaine de l’asile.

« Lorsque l’immigration s’impose comme un droit absolu, elle pèse sur la société dans sa totalité », lance-t-il dans une interview réalisée fin août, juste avant que Dominique Baettig ne se rende en Abkhazie en tant qu’observateur des élections présidentielles.

Apic: Parlez-nous un peu de votre parcours, en tant que croyant.

Dominique Baettig: Je suis issu d’une famille catholique traditionnelle. Mon père est Lucernois et ma mère Jurassienne, de Delémont. J’ai été assez actif dans la paroisse, je suis même devenu enfant de chœur. Certains proches espéraient même que je devienne prêtre. Mais les choses ont tourné à partir de l’adolescence. Je n’ai pas apprécié la fadeur de l’institution lors des années post-conciliaires. Puis j’ai décidé de quitter l’Eglise. Je ne sais pas maintenant si cela a été la bonne solution. Je suis resté très attaché à l’esprit de l’Eglise, mais pas à la forme.

Apic: Qu’est-ce que vous reprochez plus concrètement à l’Eglise catholique?

Dominique Baettig: L’Eglise a suivi une évolution qui l’a conduite vers une sorte de dessèchement. Il manque de tout: du vécu, du sentiment, … Je me souviens de valeurs véhiculées par certains prêtres lors de mon enfance, dans des groupes paroissiaux: c’était vivant. L’Eglise est ensuite devenue molle, désincarnée.

Je suis actuellement davantage attiré par l’orthodoxie. C’est une Eglise dans laquelle la foi constitue une nourriture pour les 5 sens.

Je partage cependant un certain nombre de valeurs avec les chrétiens. Et je ne suis pas du tout athée!

Apic: Quelle est la place de la foi dans votre vie quotidienne?

Dominique Baettig: Je fais parfois référence à des éléments de la foi chrétienne dans le cadre de mon travail de psychiatre. Je trouve des exemples illustratifs pour aborder certaines situations de la vie, comme le sens de la souffrance par exemple. Ou des paraboles de l’Evangile, comme celle de la Brebis perdue ou du Fils retrouvé.

La méditation, l’écoute de la musique religieuse trouvent également une place importante dans ma vie.

Apic: Et dans votre engagement politique, quelle place a la foi chrétienne?

Dominique Baettig: Elle représente surtout la tradition, le lien avec la société dans laquelle je vis. Mon engagement est enraciné dans l’histoire de ce pays, de cet Etat. Et je place les valeurs spirituelles avant les valeurs économiques.

Apic: Vous considérez-vous comme un politicien chrétien?

Dominique Baettig: Je fais fréquemment référence à l’héritage chrétien, mais le terme « politicien chrétien » n’est pas le premier qui me vient à l’esprit lorsque je qualifie mon action.

Apic: Arrive-t-il que l’éthique, marquée par des valeurs chrétiennes, et l’engagement politique soient incompatibles?

Dominique Baettig: Un grand reproche que l’on fait au politicien fidèle à ses valeurs est de défendre ses propres intérêts. Or, si « Aime ton prochain » est un principe tiré de l’Evangile, il ne faut pas oublier le « comme toi-même » qui le suit immédiatement. Il s’agit là d’une obligation spirituelle: Il faut s’aimer soi-même (et non renoncer à soi comme l’Eglise l’a souvent prôné) pour pouvoir partager l’amour avec le prochain. Je constate l’importance de s’aimer soi-même dans mon travail de psychiatre.

Apic: Dans le domaine de l’immigration, cher à l’UDC, comment concilier une éthique marquée par le regard de fraternité posé sur l’étranger et une politique restrictive en matière d’asile?

Dominique Baettig: Je respecte tout choix individuel, pour autant qu’il ne soit pas imposé à la collectivité. Je peux manifester un amour du prochain en accueillant chez moi un étranger dans le besoin. Mais je ne peux pas attendre de la collectivité qu’elle en fasse de même.

Bien accueillir, au niveau d’un Etat, nécessite d’établir des critères d’accueil. Et dans ce domaine, nous assistons à une sorte de dérive. Dans une première phase, nous avons accueilli dans notre histoire en Suisse des vagues d’immigrés qui n’ont pas posé de problèmes, comme les Tibétains, les Polonais, … Mais nous avons franchi une nouvelle étape dans le « politiquement correct », en passant d’un accueil sympathique de gens qui respectent la société dans laquelle ils cherchent à s’intégrer, à une imposition de l’accueil. A une idéologie totalitaire de l’accueil. Lorsque l’immigration s’impose comme un droit absolu, elle pèse sur la société dans sa totalité.

Or, dans le domaine de l’asile, il faut accepter de faire des choix qui ne seront pas forcément populaires. Une société – et à plus forte raison ses élus – doit parfois dire « non » à un certain moment. Ce n’est pas une tâche agréable, je parlerais même de « sale boulot », mais il est nécessaire de l’accomplir. Le politicien n’est pas un gentil qui doit dire « oui » à tout. Il en est de même dans les domaines de la délinquance et de la violence. Je ne peux pas faire comme si elles n’existaient pas. Elles existent et notre Etat doit prendre des mesures pour les réprimer.

Apic: Est-il déjà arrivé que votre éthique et le réalisme politique s’opposent? Lequel avez-vous privilégié?

Dominique Baettig: Non, je ne me souviens pas avoir vécu un tel conflit de conscience. Et en tous cas pas au niveau religieux. Les valeurs spirituelles passent avant tout. Je ne transige pas dans ce domaine. Mais je précise que « dire non » est une valeur structurante, et parfaitement en adéquation avec la foi chrétienne.

La société moderne tend à nous imposer des structures entièrement ouvertes, ce qui n’est pas sain du tout. Il faut fermer des portes. Ce qui n’empêche pas de les ouvrir parfois. Cela, je le vérifie aussi dans mon métier de psychiatre. Mettre des limites peut s’avérer très structurant dans la formation de la personnalité.

Apic: On dit souvent: « Les chrétiens ne sont pas de ce monde ». Comment comprenez-vous cette affirmation au niveau politique?

Dominique Baettig: Les chrétiens sont parfois dans une bulle, qui n’est pas la réalité. Mais c’est aussi le cas des politiciens. Au Parlement à Berne, il nous arrive de faire des lois en perdant de vue la véritable dimension de leur application. Beaucoup de politiciens tendent à ignorer les problèmes de la société, à faire comme s’ils n’existaient pas.

Apic: Quelle place pour la religion dans les partis? A l’UDC, vous avez parfois soulevé des questions avec une dimension religieuse, comme celle des minarets.

Dominique Baettig: Il y a eu tellement de motivations différentes dans ce débat sur les minarets! La peur de l’islam est portée par l’idéologie américaine du choc des civilisations. Ce n’est évidemment pas à cette idéologie que je me réfère dans mes réflexions sur l’islam. Je me réfère à l’histoire suisse, où l’on a dû mettre en place des restrictions pour limiter l’influence religieuse dans la société. Cela a été le cas avec les Eglises chrétiennes.

Mais pour ce qui concerne les minarets, je n’ai pas eu l’impression qu’il s’agissait d’une question religieuse.

Certains veulent faciliter une implantation non critique de l’islam. Or il s’agit d’une religion avec un système juridique et d’organisation de la société non conforme avec notre système juridique ou de valeurs. Non, vraiment: transiger avec les nouvelles religions me heurte. On n’ose plus exiger quoi que ce soit pour conserver les valeurs qui ont façonné notre société.

Apic: Et sous la coupole fédérale, quelle place prennent la religion et la foi?

Dominique Baettig: Certains sujets abordés au parlement ont permis de redynamiser les questions religieuses. Et cela a parfois permis de revivifier nos connaissances dans le domaine de la foi. Peut-être la montée de l’islam constitue-t-elle une chance de redécouvrir nos racines, avec ses composantes chrétiennes …

Encadré:

Profil:

Etat Civil: Marié, 4 enfants

Domicile: Delémont

Profession: Psychiatre

Eglise: Sorti de l’Eglise catholique

Parti: UDC

Parcours politique: Membre du comité cantonal de l’UDC depuis 2007. Conseiller municipal à Delémont dès 2005. Député suppléant au Parlement jurassien dès 2006, il y est membre de la commission de gestion et de vérification des comptes. Il démissionne du Parlement en novembre 2007 suite à son élection au Conseil national.

Fonction politique actuelle: Conseiller national depuis 2007, il se représente aux élections 2011.

Une figure qui l’inspire: Aucune en particulier. « J’ai toujours eu de la peine avec les modèles. Je n’ai pas de maître à penser, ni en politique ni dans ma profession de psychiatre ».

Un verset/une phrase qui l’inspire: Deux textes de l’Evangile, celui de la Brebis égarée que l’on va rechercher en abandonnant les 99 autres qui n’ont pas de problèmes, et la parabole du Fils prodigue qui revient vers son père.

Encadré:

Pour ou contre:

– Le bébé médicament: « Je suis contre tout ce qui constitue une forme de dérive technologique. »

– Les minarets: « J’ai soutenu l’initiative contre les minarets, au nom de l’histoire de ce pays et de ses valeurs culturelles. Mais pas par hostilité à l’islam. »

– Les centrales nucléaires: « J’ai une position assez pragmatique. Si on pouvait s’en passer, ce serait génial. Mais je crains qu’il faille faire avec, tout en cherchant des alternatives. Un choix a été fait, il faut maintenant assumer les risques. »

– Les 0.7 % du PNB pour l’aide au développement: « Contre. Ce n’est pas la grandeur du pourcentage qui est important, mais la qualité de l’aide au développement. Transférer des grosses sommes: non. C’est du gaspillage. Il faut une aide bilatérale, avec de petits crédits et de petits projets. »

– La révision de la loi sur l’assurance-chômage: Pour. L’Etat doit instaurer des conditions pour créer des emplois et éviter l’arrosage. Cette loi était un compromis acceptable. »

Note aux médias: Des photos illustrant cette interview peuvent être commandées à apic@kipa-apic.ch. Prix pour diffusion: 80 frs la première, 60 frs les suivantes.

(apic/bb)

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