En Allemagne, le pape va proposer et non imposer les valeurs chrétiennes
Berlin, 8 septembre 2011 (Apic) Selon le nonce apostolique en Allemagne, le Fribourgeois Jean-Claude Périsset, le pape Benoît XVI ne se rend pas en Allemagne pour « imposer les valeurs chrétiennes, mais les proposer ». A deux semaines du voyage du pape dans son pays natal du 22 au 25 septembre 2011, le nonce apostolique à Berlin veut ainsi couper court aux polémiques nourries notamment par quelques voix discordantes qui « relèvent de l’idéologie politique ».
Interrogé par I.MEDIA le 8 septembre, Mgr Jean-Claude Périsset juge en outre « peu probable que le pape aborde des questions controversées par une partie des membres de l’Eglise », tels que les 143 théologiens demandant des réformes profondes sur le recrutement des prêtres. Selon le diplomate, enfin, les Eglises de la Réforme attendent beaucoup de cette première visite de Benoît XVI sur les traces de Luther.
Quelle est la spécificité de ce 3e voyage de Benoît XVI dans son pays ? Quels sont les principaux enjeux des trois différentes étapes ?
Mgr Jean-Claude Périsset: Les principaux enjeux de la visite pastorale – qui est aussi visite d’Etat – du pape Benoît XVI en Allemagne sont ceux des principales étapes de cette visite : ses rencontres avec les autorités civiles (le Président fédéral, la Chancelière, le Parlement) comme expression des excellentes relations existant entre le Saint-Siège et la République fédérale ; la messe au stade olympique de Berlin, qui manifeste la présence de l’Eglise dans ce que j’appelle une « ville internationale » et dont la signification sociale dépasse les frontières de l’Allemagne ; la rencontre tant attendue du pape avec les Eglises de la Réforme au lieu même où Luther a vécu comme moine augustin ; la rencontre avec l’Eglise locale tant à Erfurt qu’à Fribourg en Brisgau, sont autant de « tribunes » desquelles le pape fera retentir un message de foi, d’espérance et d’amour fraternel, dans une société toujours davantage marquée par le matérialisme de la société de consommation. Le thème de la visite – citation d’une homélie de Benoît XVI à Mariazell en 2007 – « Là où Dieu est, il y a un avenir » – donne à toutes ces rencontres leur dynamisme d’espérance en nous rappelant la présence de Dieu, des valeurs religieuses, dans notre société.
Quelle est actuellement l’ambiance à Berlin, en vue du voyage de Benoît XVI, parmi la population et dans la presse allemande ? Quelle peut être la portée des mouvements d’opposition à ce voyage qui commencent déjà à se manifester ?
JCP: L’attente de Berlin est variée, selon l’attitude d’un chacun – ce qui correspond d’ailleurs à l’adage philosophique: « ce qui est perçu l’est selon le mode d’appréhension de celui qui perçoit ». La communauté berlinoise, habituée à voir défiler le monde entier dans ses rues et ses musées n’est pourtant pas indifférente à la visite du pape Benoît XVI, d’origine bavaroise, durant des années professeur de théologie auprès des Universités les plus renommées de l’Allemagne. La presse s’intéresse chaque jour davantage aux enjeux de cette visite, et pas seulement à la logistique qu’elle implique : sécurité, célébrations, portée politique du discours devant le Parlement, etc. Je ne veux pas grossir la portée des manifestations d’opposition à cette visite, d’ailleurs pas propre à l’Allemagne, même si, pour certains, Berlin devrait devenir le symbole d’une ville libérale à l’extrême. L’acceptation de la liberté d’opinion et d’expression devrait aussi contribuer à ce que les protestations ne fassent pas obstacle à la visite et à sa signification pour l’ensemble de la société allemande. Le pape ne vient pas pour imposer les valeurs chrétiennes, mais les proposer, tout comme le Christ lui-même. Libre à chacun de les accepter ou non. A ce propos, je cite volontiers la réaction de la petite Bernadette de Lourdes, qui, à une dame insistant pour savoir ce que « la vision » lui avait dit, répondit avec sagesse et un peu d’ironie : « elle m’a chargée de transmettre son message, non pas de le vous faire croire ».
Comment le pape est-il perçu par les Allemands et par la classe politique ?
JCP: La perception du pape dans la société allemande, si fière de son élection il y a plus de six ans avec l’expression « Wir sind Papst » (« Nous sommes Pape ») dépend aussi beaucoup des informations données par les médias sur sa personne et son enseignement, outre l’attitude personnelle de chacun du point de vue humain et religieux. La classe politique dans son ensemble reconnaît son statut propre comme pasteur suprême de l’Eglise catholique – l’Allemagne a des relations diplomatiques avec le Saint-Siège qui partage la responsabilité de cette charge – et se félicite d’une visite d’Etat qui manifeste et consolide ces relations. Quelques voix discordantes relèvent de l’idéologie politique de ceux qui refusent d’être présents au Parlement ou ailleurs. C’est leur choix, que nous avons à respecter. Mais la population en général – et je le constate par les nombreuses demandes d’interview du nonce apostolique en préparation de la visite – est très heureuse que le pape aussi soit l’hôte de Berlin et de l’Allemagne.
L’Eglise d’Allemagne est traversée par des courants très divers : le pape vient-il lui délivrer un message particulier à ce propos ? Sera-t-il question de la lettre de 143 théologiens germaniques demandant des réformes dans l’Eglise ?
JCP: Je ne pourrais pas anticiper ce que le Saint-Père dira à l’Eglise en Allemagne ; sûrement un message de foi et d’espérance, en raison de sa mission de « confirmer ses frères dans la foi ». De même, il est peu probable que le pape aborde des questions controversées par une partie des membres de l’Eglise. Les projets de réforme ne manquent certes pas, et l’aggiornamento voulu par le pape Jean XXIII dans la convocation du Concile Vatican II, dans la mise à jour du Code de droit canonique, est encore loin d’avoir porté tous ses fruits, comme aussi les innombrables Synodes diocésains et les rencontres nationales. Le dialogue instauré récemment par les évêques d’Allemagne au sein de la communauté ecclésiale devrait servir à accélérer cet aggiornamento dans nos Eglises locales, en fidélité à la grande Tradition de l’Eglise.
Qu’attendent les luthériens de cette visite de celui qui est l’un des auteurs de la déclaration sur la doctrine de la justification en 1999 ?
JCP: Un luthérien serait mieux à même de répondre à cette question. Mais au vu d’articles et de requêtes paraissant régulièrement dans la presse et les revues œcuméniques, je pense qu’après l’Accord sur la doctrine de la justification, signé à Augsbourg le 31 octobre 1999 et malheureusement trop peu connu et intégré dans la vie quotidienne de nos Eglises, beaucoup de luthériens et réformés espèrent une accélération rapide du dialogue théologique, pour arriver au partage de l’Eucharistie. Il faudra encore du temps, cependant, pour que ce dialogue permette de voir que l’unité retrouvée implique la structure de l’Eglise, la Tradition dans la transmission de la doctrine, pour une perception commune authentique de ce que le Christ a voulu et a accompli en confiant aux apôtres d’agir en son nom pour donner au monde les moyens de salut. La rencontre du pape Benoît XVI avec l’Eglise luthérienne et autres représentants de la Réforme à Erfurt permettra sans doute de «puntualizzare», de mettre en évidence les points sur lesquels il convient aujourd’hui d’avancer dans ce dialogue. (apic/imedia/cdp/js)
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