Catholiques et orthodoxes dialoguent autour des saints Pierre et Paul

Le pape reçoit traditionnellement une délégation du Patriarcat œcuménique de Constantinople autour de la fête des saints Pierre et Paul, célébrée le 29 juin. Le dialogue se poursuit entre catholiques et orthodoxes, même si la réunification n’est pas encore à l’agenda. Noël Ruffieux, laïc fribourgeois et spécialiste de l’orthodoxie en est conscient mais souhaite «une réelle volonté de rapprochement».

«Ca m’énerve d’entendre cette phrase: ‘l’Eglise a le temps pour elle’. A 80 ans passés je n’ai plus le temps pour moi et j’aimerais tellement sentir que catholiques et orthodoxes sont à ’bout touchant’ dans le processus de réconciliation», lance Noël Ruffieux. Le fondateur de la paroisse orthodoxe de Fribourg, rattachée au patriarcat de Constantinople, est plus désolé que fâché mais espère encore.

Il signifie par ce ’bout touchant’ une réelle volonté, de part et d’autre de la Méditerranée, de retrouver l’unité du premier millénaire. Cela se traduirait pour Noël Ruffieux par deux gestes forts, synonymes d’une réelle volonté de réunification: la célébration de Pâques célébrée la même date*, tous les ans, et la communion eucharistique ouverte à tous les chrétiens. Il ne s’agit pas de tout niveler ni de tout calibrer, tempère-t-il.

Le grand schisme d’Orient

Ce qu’on nomme le grand schisme d’Orient entre Rome (alors un patriarcat) et les patriarcats d’Antioche, de Jérusalem, de Constantinople et d’Alexandrie remonte à 1054. Une brouille théologique est suivie par une excommunication réciproque. La prise de Constantinople par les croisés en 1204 et la création de patriarcats «latins» sur les territoires grecs consomment la rupture.

Il faut attendre l’avant dernier jour du concile œcuménique de Vatican II, le 7 décembre 1965 et la levée des excommunications réciproques par Paul VI et le patriarche de Constantinople Athenagoras, pour renouer le fil du dialogue «qu’on peut effectivement situer à cette période», confirme Noël Ruffieux.

Des oppositions culturelles

Catholiques et orthodoxes ne se regardent plus en chien de faïence, des progrès ont été accomplis. «Le ‘package’ dogmatique des sept conciles est reconnu par les deux Eglises, relève-t-il et, différences de pratique mises à part, il n’y a pas de différences fondamentales du point de vue théologique non plus». Tout se complique lorsqu’on aborde les domaines culturel et traditionnel où, selon Noël Ruffieux, les oppositions sont plus marquées de la part des fidèles que des têtes de l’Eglise. «Il s’agit plus d’ignorance de l’autre et d’une méconnaissance du catholicisme». Certains au sein de l’Eglise orthodoxe maximalisent ces différences pour faire échouer l’unification, comme les patriarcats bulgare et géorgien. Noël Ruffieux distingue la position de la Russie.

La Russie à part

Plus nuancée, Moscou a toujours considéré que les relations avec l’Eglise de Rome sont nécessaires. La rencontre historique du pape François avec le patriarche Cyrille Ier de Moscou à Cuba en février 2016 a permis un réchauffement rapide des relations entre Rome et Moscou. Le métropolite Hilarion, archevêque de Volokolamsk, effectue régulièrement des allers-retours à Rome. Plus récemment, le transfert temporaire des reliques de saint Nicolas de Myre du diocèse de Bari, en Italie, à Moscou a été très apprécié. Plus d’un million de personnes sont venues s’incliner devant le reliquaire depuis le 21 mai dernier.

Pourtant, les questions épineuses de la primauté de Rome et de l’infaillibilité du pape demeurent deux pierres d’achoppement. «Le rejet naturel d’une primauté universelle est dans l’ADN des orthodoxes. L’infaillibilité du pape est un dogme inutile puisqu’à leurs yeux, seule l’Eglise est infaillible».

Jean Paul II et François, ardents promoteurs du dialogue œcuménique

Jean Paul II a accompli des gestes forts en direction des orthodoxes: la restitution, le 7 novembre 2004, des reliques des reliques de Grégoire de Nazianze et de Jean Chrysostome volées à Constantinople pendant les croisades. «L’encyclique Ut unum sint (»l’Eglise doit respirer avec ses deux poumons») témoigne de l’attachement du pape polonais à l’œcuménisme. «La rédaction de la lettre apostolique La lumière de l’Orient, en 1995, montre une approche très intelligente des Eglises d’Orient et une très belle compréhension de l’orthodoxie». Jean Paul II avait, de plus, demandé aux théologiens de l’aider à mieux gérer la primauté.

Depuis son élection, le pape François n’a cessé de promouvoir la plaine communion à chaque visite de la délégation du patriarcat œcuménique de Constantinople. L’évêque de Rome – l’appellation ne déplaît pas aux orthodoxes – évoquait, en 2013, l’urgence de rechercher l’unité entre les chrétiens à laquelle […] «nous ne pouvons pas renoncer». En 2015, la pleine communion entre catholiques et orthodoxes était une de ses principales préoccupations. La miséricorde devait être en 2016 le critère des rapports entre les deux Eglises. Le pape a évoqué le 27 juin 2017, les apôtres Pierre et Paul, qui avec leurs styles différents, ont témoigné de l’amour miséricordieux du Père en disciples de Jésus-Christ. Il en va de même pour les deux Eglises qui représentent «l’unité dans la diversité».

Travail et dialogue

Le dialogue se poursuit, notamment à travers le travail de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique catholiques-orthodoxes. Mais les deux Eglises ne risquent-elles pas de s’installer dans un dialogue éternel? «C’est une vraie question. Le dialogue est nécessaire pour se connaître, échanger en toute amitié et chasser l’ignorance mais il doit être suivi d’effet». Il faut éviter de s’installer dans le dialogue pour le dialogue sans que rien n’avance, prévient Noël Ruffieux.

*Les orthodoxes ont gardé le calendrier julien alors que les catholiques ont adopté le calendrier grégorien. Il peut donc y avoir jusqu’à cinq semaines d’écart entre les fêtes de Pâques catholique et orthodoxe.


Ecclésiodidacte

Noël Ruffieux a fondé en 1982 la paroisse orthodoxe de Fribourg et en a été le responsable laïc pendant 20 ans. Il se destinait à la prêtrise et a commencé des études de théologie. Retraité de l’enseignement, il donne des conférences à la faculté de théologie de Fribourg sur la diaspora orthodoxe. Passionné par l’Eglise il a fait beaucoup de recherches sur l’orthodoxie. Il dit être un ‘ecclésiodidacte’ et avoir appris ce qu’il sait «sur les genoux de l’Eglise».

 


La solennité des saints Pierre et Paul

Les saints Pierre et Paul sont fêtés ensemble le 29 juin. Ils sont reconnus par la tradition chrétienne comme les deux piliers de l’Eglise. Selon le calendrier catholique la fête de ces deux saints est une solennité. Pour les orthodoxes et les chrétiens orientaux, cette fête marque la fin du jeûne des apôtres. Ce jour, les chrétiens doivent assister à une veillée nocturne ou aux Vêpres, ainsi qu’à la Divine Liturgie.

Lors de la fête des saints Pierre et Paul, une délégation du patriarcat œcuménique de Constantinople se rend à Rome. Une délégation romaine en fait de même à la Saint André, le 30 novembre, fête patronale du Trône de Constantinople. Saint André est le saint protecteur du patriarcat œcuménique. La délégation assiste à la célébration du saint dans la cathédrale Saint Georges au Phanar, à Istanbul.

Bénédiction du pallium des nouveaux archevêques

Dans la tradition catholique, c’est le jour de l’année liturgique où le pape bénit le pallium des archevêques nouvellement créés (le pallium est le symbole principal de leur titre). Depuis janvier 2015, les palliums sont remis aux prélats non plus par le pape mais par le nonce apostolique dans leur diocèse d’origine. Les archevêques continueront cependant à se rendre à Rome pour assister à la messe du 29 juin au cours de laquelle les palliums sont bénis par le pape.

Jour férié au Tessin

La fête de saints Pierre et Paul est un jour férié dans les cantons de Lucerne, des Grisons et au Tessin. «Nous avions beaucoup de jours fériés occasionnés par la fête des saints. Beaucoup ont été enlevées du calendrier cantonal. Nous avons gardé, entre autres, la fête des saints Pierre et Paul», explique Italo Molinaro, curé de Melide et responsable des messes télévisée de la RSI.

Ordinations sacerdotales

En France, traditionnellement, les ordinations sacerdotales se déroulent les week-ends les plus proches de cette date. Cette année, deux tiers des 117 ordinations sacerdotales se sont déroulées le 24 juin dernier. (cath.ch/bh)

Bernard Hallet

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