Le christianisme va-t-il mourir?

En 1977, Jean Delumeau, grand historien de la Renaissance, posait la question. En effet, il faut le constater, une forme de christianisme est en train de disparaître. Celui qui est apparu à la Renaissance ou plus exactement à la suite du Concile de Trente.

C’est celui que j’ai connu en Valais dans ma jeunesse. Il était extraordinairement compact. De la naissance à la fin de la scolarité, il encadrait totalement la formation des jeunes. À l’école enfantine, j’ai eu des religieuses franciscaines, au primaire des marianistes, au collège une majorité de professeurs laïcs mais, à la tête de l’établissement, il y avait des ecclésiastiques à la forte personnalité intellectuelle et humaine.

Il faut le constater, une forme de christianisme est en train de disparaître.

L’orientation générale des cours était celle que les Jésuites avaient créée au 16e siècle sur la base des humanités gréco-latines, et qu’il avaient mis en place dans les collèges fameux de Lucerne, Fribourg, Brigue, Sion et Porrentruy. L’équivalent avait été mis en place par les Ursulines pour les jeunes filles. De surcroît, pendant les vacances, nous étions encore pris en charge par le scoutisme qui, bien que d’origine britannique et protestante, était dûment accompagné par un aumônier catholique.

Je dois encore ajouter que, quand j’ai commencé à faire de l’alpinisme de manière professionnelle, j’y ai été initié par Gratien Volluz, chanoine de la Congrégation du Grand-Saint Bernard, guide de montagne vigoureux et prophète de la spiritualité alpine.

Et je dois dire que je ne m’en plains pas. Ce monde était un peu austère et parfois trop étroit, mais j’y ai appris et vécu tant de belles et fortes choses que j’en reste reconnaissant.

Entre temps, j’ai élargi et approfondi mes horizons en étudiant dans le monde entier. Et plus encore, j’ai du ouvrir et corriger les étroitesses et les contradictions de ma propre personnalité. C’est sur ce terrain que se jouent les évolutions les plus décisives.

J’en sors, par contre, renforcé dans les axes principaux du christianisme que j’ai reçu: la foi en Dieu, le primat de l’amour, et surtout le lien personnel à la personne du Christ.

J’ai de plus découvert progressivement, avec admiration, la richesse incroyable des différentes cultures chrétiennes qui se sont succédées au long de deux mille ans d’histoire. Depuis les débuts en Galilée dans un milieu de petits pêcheurs, le temps des persécutions dans le monde culturel juif et hellénistique, la conquête de l’empire romain, la floraison intellectuelle et artistique du monde byzantin, la construction théologique, politique et intellectuelle d’Augustin qui va régner sur plus d’un millénaire en Occident, la créativité architecturale et civilisationnelle du roman, du gothique, de la renaissance et du baroque, la dernière grande civilisation mondiale. Il y a eu, entre temps, l’épopée de la conquête des Amériques, devenues le plus important continent chrétien. Il y a aujourd’hui la croissance de l’Évangile en Afrique, en Chine, en Corée du Sud. Tout cela va modifier la situation mondiale.

Certes, la sécularisation en Occident érode massivement la culture chrétienne issue de la Renaissance, mais la faiblesse spirituelle évidente de la laïcité contemporaine ne rend que plus nécessaire la réponse aux besoins profonds de l’homme d’aujourd’hui.

Depuis toujours, l’être humain rêve de justice, de plénitude, d’éternel et d’absolu. Si une culture y renonce, elle sombre dans le nihilisme. Au christianisme de savoir répondre à ce besoin et offrir un nouveau visage à la civilisation de l’amour. Moins pesant, plus libre, et encore plus entraînant.

Jean-Blaise Fellay | 15.01.2017

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