Pour Arcabas, «la beauté n'avait pas de mots»

L’artiste français Arcabas, décédé le 23 août 2018 à l’âge de 91 ans, laisse derrière lui un souvenir marquant. Pour ses deux enfants, Arcabas fut un homme d’une grande humilité par rapport à son métier. En Suisse également, son art sacré contemporain a touché les esprits.

Connu internationalement sous le nom d’Arcabas, Jean-Marie Pirot est décrit par ses proches comme un homme humble, silencieux et travailleur. «Pour lui, la beauté n’avait pas de mots», se souvient son fils Etienne, sculpteur, avec qui ils ont réalisé ensemble les mobiliers de chœur des cathédrales de Saint-Malo et de Rennes, dans les années 1990.

«Il n’aimait pas le verbiage»

Un véritable passionné. Le chanoine José Mittaz a d’abord découvert Arcabas à travers des revues d’art exposées à l’Hospice du Grand-Saint-Bernard. Puis des amis français l’ont mis sur la piste de la sensibilité de l’artiste. Et cela n’a pas manqué, il est allé plusieurs fois le rencontrer à Saint-Pierre-de-Chartreuse. «Lorsqu’une parole touchait son humanité intérieure, son regard souriant et son visage s’illuminaient. Quand je parlais avec lui, il ne répondait qu’aux questions enracinées existentiellement. Il n’aimait pas le verbiage. Et cela se ressentait aussi dans ses œuvres.»

Pour la romancière Isabelle Pirot, la fille d’Arcabas, José Mittaz est sans conteste le théologien suisse qui a le mieux saisi l’œuvre de son père. «José arrivait très sensiblement à décrire la foi et la spiritualité qui se dégageaient des toiles, et Arcabas appréciait beaucoup son analyse.»

«Car c’était un homme très timide, qui n’aimait pas trop répondre aux questions liées à ses tableaux, se rappelle le Père Yves Frémont, beau-frère de la fille d’Arcabas et chanoine résidant actuellement à l’Abbaye de St-Maurice. ‘Regardez mes toiles, disait-il, et laissez-vous faire par elles…’ C’était quelqu’un de silencieux sur son œuvre, mais un grand travailleur».

Une œuvre de plus de 6’000 toiles

Selon sa fille, l’œuvre d’Arcabas compterait plus de 6’000 toiles. «Nous sommes plusieurs à rechercher les œuvres dispersées qui n’ont pas été photographiées, afin d’en faire un catalogue raisonné«. Mais elle sait que cette quête dépassera largement sa propre existence.

«Il n’a pas pris le temps de répertorier ce qu’il peignait, explique Isabelle Pirot. Et à propos de ses toiles, Arcabas disait qu’il était comme un facteur: il livre des colis et qu’il appartient aux destinataire d’en découvrir le contenu».

En Suisse, Arcabas réalise un retable en 2001 dans la commune genevoise de Collex-Bossy. La Résurrection est représentée en acrylique sur bois de 2,80 m sur 4,20 m dans la petite église Saint-Clément. En décembre 2017, il expose en Suisse pour la première fois. 18 œuvres originales sont accrochées, à Bagnes (VS), pour quelques semaines sous l’impulsion du chanoine José Mittaz.

La prière de l’artiste

«Arcabas ne philosophait pas, ajoute José Mittaz, il se donnait et se livrait tout entier. Il exprimait la vie dans la matière. Il puisait sa force dans les choses toutes simples. Et il peignait à la manière d’un artisan». Le chanoine valaisan a rencontré Arcabas encore quelques fois dans les derniers mois de sa vie. «Son atelier était son espace d’intimité, où il était en communion avec toutes les personnes touchées par ses œuvres. Aujourd’hui, c’est du ciel qu’il est avec nous en communion.»

Homme de foi, Arcabas a déposé sa prière sur un de ses tableaux. «Seigneur, guide ma main et mon cœur et soutiens ma faiblesse. Donne-moi la force de ne faire que par amour de la beauté, qui est ton visage dans la gloire. Amen» (cath.ch/gr)

 

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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